« Partir, c’est mourir un peu » a écrit Alphonse Allais. Mais pour le narrateur, revenir, c’est prendre de plein fouet « les éclaboussures du passé. Celles qui vous frappent au visage, rouvrent les cicatrices ». Les souvenirs affluent, il retrouve ce lieu où il ne s’est jamais senti chez lui, il se revoit avec cette maman qui n’en fut jamais vraiment une : « Je me demande si ma mère après son accouchement n’avait pas oublié qu’elle avait mis au monde des jumeaux. C’est Carole qui était sortie la première. Elle restera toujours la première, l’unique ». Carole, il ne l’a pas vue depuis des années, son quotidien fait de silence et de solitude est un choix assumé. Mais le message du notaire va peut-être changer la donne, permettre de « régler les affaires », de tourner enfin la page pour en écrire une nouvelle…
Un très joli texte, tout en retenu, magnifié par les sublimes photos de Francis Jolly. Il y a du Choplin et du Mingarelli chez Thierry Magnier. Phrases courtes et limpides, confession discrète, digne, sensible. Le minimalisme est délibéré, il confine presque au chuchotement. En mélodiste économe, l’auteur déroule sa partition sans faute, avec une désarmante fragilité. Tout ce que j’aime.
Ma mère ne m’a jamais donné la main de Thierry Magnier (photographies Francis Jolly). Le Bec en l’air, 2015. 92 pages. 14,90 euros
L'avis de Noukette, qui m'a donné envie de découvrir ce livre. J'ai eu raison de lui faire confiance, une fois de plus.