Suite aux assassinats perpétrés à Charlie Hebdo, après le temps des « Je suis Charlie », quelques voix discordantes se sont fait entendre : « Ils l’ont bien cherché ! ». Qu’ont-ils donc cherché ? Le martyre, comme leurs assassins, pour sanctifier la mort et gagner un paradis plein de vierges ? Et quels crimes avaient donc commis le reste de l’équipe tout comme les malheureux de passage ce jour-là dans les locaux de larédaction ?
Nous nous trouvons dans un monde bien réel, dans lequel les hommes naissent, vivent et meurent. Ressentant un besoin de transcendance, nos aïeux ont découvert ou forgé un au-delà dont nous sommes absents. Beaucoup de nos contemporains conjurent ainsi leur peur de la mort ou bien règlent leur conduite, guidés par la crainte du péché. Les plus aveugles d’entre eux n’hésitent pas à assassiner les auteurs de dessins satiriques. Comme si les divinités étaient incapables de se défendre par elles-mêmes et avaient besoin de prendre comme supplétifs les vermisseaux que nous sommes !
Il est primordial de savoir distinguer une offense d’un préjudice. Certains peuvent se sentir offensés par un dessin satirique, révélant parfois les obsessions qui les habitent. C’est ainsi que des pauvres d’esprit ont cru discerner dans les traits du personnage ornant la couverture du Charlie Hebdo du 14 janvier un appareil génital masculin et jusqu’à un sexe féminin. S’il est possible d’estimer qu’il y ait parfois offense à des sujets que d’aucuns vénèrent, cette couverture a-t-elle fait subir à quelque humain le moindre dommage, un quelconque préjudice ? Nous savons tous que la justice humaine a ses limites, laissons donc à la justice céleste le soin d’utiliser sa toute-puissance pour punir les offenses qui pourraient lui être faites.
Pour en revenir ici-bas, un mien ami s’est offusqué d’un dessin montrant le Saint-Père dans une position obscène. Qui blesse le plus l’Église, l’auteur de cette caricature ou le prêtre qui abuse d’enfants placés sous sa garde ? L’offense serait-elle plus criminelle que le préjudice porté à de jeunes vies profanées et détruites ? Quant à ceux qui déclarent sans hésiter : « Ils n’ont eu que ce qu’ils méritent », ces justiciers savent-ils qu’ils ne diffèrent en rien des juges criminels qui, en 1766, firent décapiter le chevalier de la Barre pour avoir été« convaincu d’avoir passé à vingt-cinq pas d’une procession sans ôter son chapeau qu’il avait sur sa tête, sans se mettre à genoux, d'avoir chanté une chanson impie, d'avoir rendu le respect à des livres infâmes au nombre desquels se trouvait le dictionnaire philosophique du sieur Voltaire ». Faut-il en conclure que l’humanité se déplace à reculons ?
Si nous acceptons comme principe qu’il est tout à fait licite de châtier les coupables d’injures aux nombreuses religions présentes sur notre planète, nous nous exposons à de graves dangers. Nous avons déjà été victimes de pieux Orientaux. Qui nous empêchera dans le futur de subir la vengeance de peuples d’Extrême-Orient ? Depuis des millénaires, nous consommons la chair d’animaux que les Hindous tiennent pour sacrés !