Ce genre de situation risque bien de se reproduire. C'est en fait un symptôme d'une situation qui, pour le moment, semble durer. D'une part, les fabricants de médicament sont des entreprises à but lucratif. Ils ont donc intérêt à augmenter leurs profits. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cela ne signifie pas nécessairement demander le prix le plus élevé possible. Cela signifie plutôt demander le prix le plus élevé qui pourra être payé. Après tout, si c'est tellement cher que personne n'achète, ce n'est pas dans leur intérêt non plus. Le prix qui donnera le plus de profit, donc. Alors comme un brevet donne droit à un monopole, le fabricant est libre de demander un prix sans aucun rapport avec l'effort ou l'investissement qui a conduit au développement du médicament. Dans certains cas, cela s'est vu. Mais techniquement c'est effectivement leur droit. Et dans certains cas, il semble que le prix du médicament ait été tout bonnement calculé sur la base de la capacité à payer de tel ou tel marché. Un médicament très simple remplace un traitement lourd et compliqué? C'est donc qu'il peut coûter le même prix, car preuve est faite que ce prix est abordable. Après tout nous l'avions payé auparavant pour la variante lourde.
D'autre part, les coûts de la santé augmentant toujours, les systèmes de santé ont intérêt à négocier les prix et à ne pas trop se laisser faire. D'autant plus que, si les prix n'ont pas de rapport avec l'effort consenti, il y a une marge considérable pour obtenir un rabais sans pour autant annuler l'intérêt du commerçant à commercer. Négocier le prix, forcément, implique que l'on puisse refuser une contre-partie s'il est trop élevé. D'où le retrait du médicament de la liste.
Une fois le médicament retiré, évidemment, les assureurs auront en fait du mal à ne pas rembourser un médicament dont l'effet semble clair. Et voici le bras de fer, à trois, complété.
Au milieu de tout cela, quel est le juste prix d'un médicament? Voilà un enjeu qui ne disparaîtra pas de sitôt. Le juste prix est-il celui qui permet un profit une fois les frais consentis pris en compte? Est-il celui qui reflète l'effort et le travail fourni? Ou le risque encouru? Est-il celui que justifie l'effet du médicament sur la santé humaine? Ou bien la valeur ajoutée du médicament par rapport aux produits déjà sur le marché? Ou encore est-il tout bonnement le maximum que nous pouvons nous permettre de payer? Va-t-on accepter de payer n'importe quel prix dès lors qu'il s'agit de notre santé? Si la réponse est oui, il n'y aurait en pratique pas de limites à ce qui pourrait devenir un véritable racket. Si la réponse est non, qui va fixer la limite et surtout comment va-t-on la faire respecter? L'industrie est-elle le seul pilote dans l'avion ou bien y a-t-il un partenaire réel dans cette négociation?
Si cette situation est intéressante, c'est justement parce qu'elle soulève cette question. L'OFSP se comporte ici comme un partenaire dans la négociation. La question est: jusqu'où en a-t-elle les moyens?
C'est ce que l'on va voir. Car en attendant les patients sont pris entre deux feux. La conséquence, peut-être temporaire mais bel et bien directe, est que les patientes concernées ne savent plus si leur traitement sera remboursé ou non. Certaines payeront de leur poche. D'autres, plus précaires, ne pourront pas prendre un tel risque. Et voilà qu'égaux devant la maladie, nous ne le serons pas face à la survie. Les patients en ôtage, et la solidarité aussi. L'industrie teste ici peut-être notre volonté. Et oui, on va voir...