Comme un hérétique de la grand-messe, il veut "jeter le JT" pour sauver l'info. Alors que l'édition de TF1 reste l'un des rendez-vous préférés des Français, William Irigoyen - l'ancien présentateur du journal télévisé d'Arte - se pose une question aussi provoc' que fondamentale : Réfléchir à 20h est-il possible ? Cacophonique, formaté, nombriliste et superficiel, ce programme est devenu pour lui une "escroquerie intellectuelle" qui ne remplit même plus sa mission première : éduquer et informer. "Tout téléspectateur normalement constitué peut avoir l'impression qu'on l'engraisse comme une oie. L'image qui bouge le ballotte dans tous les sens", sans lui laisser le temps de digérer le message recueilli. Une "bouillie" visuelle digne de l'information fast-food, standardisée puis copiée-collée à souhait d'une chaîne à l'autre.
"Pour battre TF1, France 2 fait du TF1. Et n'hésite plus à faire de la téléréalité politique." Joy Banergee, journaliste à France Télévisions.
"Puisque l'image est utilisée non pas pour sa valeur informative mais pour sa force de frappe, le JT se consomme finalement comme une superproduction hollywoodienne." Sans modération et jusqu'à plus soif. Tyrannie de l'audimat, pression de la concurrence, toujours plus de séquences avec des formats toujours plus courts : la presse serait-elle en passe de virer à l'industrie ? S'il n'est pas rare que les journalistes mettent leur profession à l'épreuve, le coup de gueule d'Irigoyen ne saurait se réduire à une banale polémique antimédias, d'autant plus que ses remarques rejoignent souvent les nôtres. Ouvrant le débat à un autre journalisme possible, il ne veut pas tant "jeter" qu' "agiter le JT"... et nos méninges au passage. Car ce métier est "schizophrène. Il oblige à penser contre soi-même."