PARIS, par Charles-Éric Perrin Gimet
La pièce du dramaturge Eugène O’Neil sortie en 1921 était, jusqu’alors, connue pour son adaptation au cinéma en 1930 dans laquelle se produisait « la Divine » Greta Garbo. Ce mélodrame de second plan est aujourd’hui reprit au théâtre de l’Atelier (75018) et mis en scène par un célèbre nom du théâtre : Jean-Louis Martinelli.
En parlant de mise en scène, on retrouve bien l’ambiance froide et classique, voir conventionnelle, empruntée au film. Sans pour autant être transcendante, elle se montre efficace à de nombreuses reprises et nous fait notamment vivre une troublante mise en abîme quand une brume épaisse envahie le théâtre et nous force à pénétrer dans cette pesante atmosphère.
Mais malgré ces quelques coups d’éclat la mise en scène ne parvient pas à relancer une intrigue qui s’avère, au fil des minutes, trop peu captivante. La faute à O’Neil ? Peut-être. Une excuse facile mais recevable quand on sait son intérêt pour les aspects sombres, et donc peu triviaux, de la condition humaine.
Des acteurs qui font la différence
Contre la monotonie ambiante, Melanie Thierry nous réveille et on la retrouve très à l’aise dans le rôle d’Anna, jeune fille éperdue qui tente de se retrouver. Un rayon de soleil sur l’océan, en somme.
Elle incarne avec une grande sincérité cette enfant abandonnée par son père à des fermiers du Minnesota. Vingt ans plus tard, cet homme alcoolique et veuf l’attend dans un bar crasseux de New-York avant de l’emmener en mer.
Une apparition semblable à celle de l’homme qu’ils repêchent et qui tombe amoureux de cette jeune femme déchirée entre son passé de prostituée et sa volonté d’indépendance et de liberté.
A ces côtés, le père (Feodor Atkin) qui ne cesse d’accuser « cette mer(e) responsable de tous les maux » accumulent les verres aussi bien que les insultes et joue son rôle avec une juste bonhomie.
La plus agréable surprise nous vient de Stanley Weber. Dans le rôle du marin amoureux et psychotique il nous laisse largement désappointé quand on le voit capable de jouer aussi bien alors qu’il apprend le vrai passé d’Anna.
Une violence qui habite le personnage tout du long et qui enfin se libère avec tout le talent nécessaire. Un élan de capacité qui nous laisse sceptique quant à sa manière de s’imposer sur la scène de l’Atelier aux côtés d’une Mélanie Thierry qui sans aucun doute l’emprunte. Dommage.
En résumé, Anna Christie est une pièce monotone qui plonge le spectateur dans une expectative rarement comblée. Jean-Louis Martinelli n’a pas su gérer avec suffisamment de clarté et d’engagement la pièce tortueuse d’un O’Neil torturé.
Toutefois, ses acteurs charismatiques se démènent et réalisent, bien qu’à contre courant, une performance juste et appliquée. Et se sont eux qui, fort heureusement, nous permettent encore de penser que même derrière certains nuages peuvent persister quelques belles lumières.
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