Las. Malgré la communication optimiste joyeusement mise en avant sur une baisse des cambriolages, le dernier rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) montre qu’à l’exception des vols avec violence en zone de police, tous les types de violences augmentent. Apparemment, la justice française et son corolaire pénal ont un petit souci à jouer leur rôle dissuasif.
Bizarrement, en face de cette actualité fort embarrassante pour le gouvernement et qui concerne des exactions bien spécifiques (cambriolages, menaces, chantage, vols, violences crapuleuses ou non, sexuelles ou non), la Garde des Sceaux a choisi, plutôt, de profiter des récents attentats pour polariser l’opinion sur un grand besoin de sécurité anti-terroriste, et, par voie de conséquence, de … renforcer l’arsenal antiraciste.
Et si l’on peut malgré tout se réjouir que la ministre de la Justice comprenne l’inutilité de lois d’exceptions, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a comme une inadéquation assez inquiétante entre ce que le pays et le bon sens réclament et ce que nos élus s’emploient à mettre en place, de façon assez brouillonne de surcroît.
Ainsi, on a bien du mal à comprendre comment on peut, comme le fait Christiane Taubira, réclamer à la fois « une réponse judiciaire forte » pour contrer la menace terroriste, tout en bâtissant tout un édifice juridique dont le but est, justement, d’alléger la réponse judiciaire comme l’admet la Chancellerie elle-même, dont l’étude d’impact concernant la dernière réforme pénale de la Garde des Sceaux indique qu’elle permettrait de réduire de 4000 le nombre de détenus en France.
Au demeurant, comment peut-on garantir la sécurité des citoyens alors que le système judiciaire ne permet pas actuellement de leur garantir que ceux qui doivent être en prison, qui ont été reconnus coupables et condamnés à des peines fermes, ne se trouvent pas effectivement en cellule ? Les cas des derniers terroristes, les frères Kouachi et Coulibaly, sont symptomatiques : ils n’ont effectivement pas purgé l’intégralité des peines auxquelles ils ont été condamnés, par jeu de remises, légales certes, mais incompréhensibles du point du vue du citoyen ordinaire. Et leur situation n’est pas exceptionnelle : il y a, de façon tout à fait officielle, 100.000 peines de prison ferme en attente d’exécution tous les ans…
D’autre part, s’il semble nécessaire et presque facile de mettre en prison les condamnés, pour le moment, cette solution, déjà très clairement sous-employée, n’aboutit surtout qu’à empirer la situation. Oui, la prison est criminogène : les jeunes qui débutent dans la délinquance se retrouvent « coachés » et entraînés par des plus gros poissons, eux-mêmes en contact avec des références en matière de crime. Il n’y a, pour ainsi dire, pas de cloisonnement dans les populations carcérales, ou, en tout cas, pas assez et de façon suffisamment flagrante pour que ce soit devenu un argument de vente d’une réforme pénale mal boutiquée. On doit aussi ajouter la possible (et fréquente ?) radicalisation des détenus par absence totale de suivi, et par un effet de groupe, mimétisme observé partout ailleurs.
Parallèlement, la France des drouadlhom se fait régulièrement taper sur les doigts pour le niveau abyssal de ses prisons en matière d’hygiène et de respect de la personne humaine. Pas étonnant : entre la sur-représentation des cas psychiatriques en prison (alors que ce n’est pas l’endroit pour les gérer), la vétusté des établissements et la surpopulation carcérale, l’incarcération française passe de plus en plus pour un mal à part entière qui accroît le problème au lieu de le résoudre.
Ainsi, le cas des emprisonnements de fous n’est pas anecdotique : un rapport sénatorial évoque 25% de détenus dont le cas tient plus de la psychiatrie que du judiciaire. Au plan psychiatrique, selon une enquête de 2004, devenue référence en la matière, on estime que jusqu’à 80% des condamnés présentent au moins un trouble psychiatrique, et entre un cinquième et un quart des prisonniers peuvent être considérés comme psychotiques. Reste à savoir si c’est ce qui les a conduit en prison, ou si la prison a provoqué cet état.
Quant à la surpopulation carcérale, il suffit de regarder l’évolution des écroués et des places disponibles pour comprendre l’ampleur du problème (notez, sur le graphique suivant, le changement de mode de calcul pour les barres jaunes, qui amenuise le différentiel, pourtant déjà choquant) :
Difficile de ne pas comprendre qu’il y a, clairement, un déficit notoire de places (pour comparaison, le nombre de places de prison est de 76.000 en Espagne avec une population de 50 millions d’habitants, et de 96.000 au Royaume-Uni, pour 57.000 en France, avec une population totale très comparable pour ces deux derniers pays). Oh, bien sûr, des chantiers ont été lancés, mais là où il faudrait, immédiatement, entre trente et quarante mille places, il n’est prévu que d’en construire 13.000 d’ici 2018.
L’état des lieux est catastrophique. La conclusion sans appel. L’État s’est éparpillé en tentant de fournir toujours plus d’instruction et de culture à ses citoyens sans y parvenir, en lui expliquant comment manger moins gras, moins salé, moins sucré, en lui intimant l’ordre de trier ses déchets, en le poursuivant dès qu’il roulait trop vite. Il s’occupe maintenant de son logement, de sa santé, de sa retraite, de son chômage et de son travail. Il accompagne le citoyen de la tétine jusqu’au sapin, quitte parfois à l’y pousser. Et pendant ce temps, ses ressources, étirées tant et mieux pour couvrir ces myriades de nouveaux domaines, ne sont plus octroyées à suffisance pour ces domaines régaliens qui font pourtant sa raison d’être. Ces seules justifications recevables de l’existence de l’appareil d’État que sont l’armée, la police et la justice, sont depuis des décennies les plus mal loties au profit des autres appendices qui n’ont cessé d’enfler.
Au bilan, la justice n’est plus qu’un expédient lancé au milieu des campagnes électorales pour faire taire les craintes et les peurs : de réformes de lois en réformes de lois, on bricole tant et plus les institutions et les principes sous-jacents pour faire semblant de répondre à une demande publique, une opinion changeante et malléable. Mais le fond, lui, s’érode et se corrompt sans que personne ne semble vouloir y mettre un terme.
La France a besoin d’un système judiciaire efficace. Pour cela, le pays a besoin qu’une peine de prison devienne lisible pour tous. Il a besoin qu’une incarcération signifiée soit une incarcération effectuée. Il a besoin qu’une sanction, même bénigne, se traduise par des faits concrets et palpables, à défaut de quoi, la Justice devient une plaisanterie ou un simple échange de coups de tampons bureaucratiques. Le pays a besoin que la prison ne soit plus une solution rapide pour s’occuper des cas psychiatriques, ou un exutoire pour les problèmes de société que les autorités n’arrivent pas à traiter. Il a tout aussi besoin que la prison ne soit plus synonyme de clapier, ni d’école du crime.
Des méthodes existent, et les moyens de les appliquer se trouveront facilement dans ces ministères, non régaliens, qui n’ont cessé de gonfler sans que leurs résultats ne le justifient. Si l’État français veut survivre, il est grand temps pour lui que le régalien soit remis au centre de ses préoccupations, et que ses priorités budgétaires reflètent cet impératif.
Faute de quoi, ce pays est foutu.
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