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Les corps inutiles, Delphine Bertholon

Par Laurielit @bloglaurielit

les corps inutilesClémence a 15 ans, fin du collège, début du lycée, ça se fête! Elle part donc rejoindre ses amis, à pied, passe par la rue au nom d'oiseau, le coeur léger. Elle pense à ses parents, si protecteurs, trop bien-sûr. Dans cette rue, Clémence est victime d'une agression. Heureusement celle-ci ne se déroule pas comme prévu et l'homme fuit, laissant Clémence déboussolée. Désormais Clémence n'a plus 15 ans, elle en a 1000 et ces quelques secondes vont bouleverser sa vie, évidemment. Comment se reconstruire après cela? Comment avancer dans la vie quant au final il n'y a pas mort d'homme non? Comment se construire quand on décide de cacher cette agression à son entourage? Cela aurait été de sa faute de toutes façons. Clémence se tait, croit qu'elle sera plus forte, met tout en oeuvre pour ne plus avoir peur face aux hommes. Elle prend des cours d'autodéfense et vit selon la maxime destructrice "ils ne me prendront rien - je me donnerai d'abord".

"Parce qu'au fond, elle avait peur. Peur de lire dans leurs yeux que tout était de sa faute"

"Elle se haïssait d'être à ce point détruite, se sentait lâche, faible, ridicule - et cette haine de soi était bien-sûr le pire"

Au-delà des conséquences psychologiques d'une telle agression si profondément enterrée, au-delà d'une estime de soi perdue à jamais, Delphine Bertholon met aussi en avant le corps, ce corps meurtri, ce corps qui ne réagit plus à rien, ce corps malmené, ce corps qui voudrait revivre mais pour cela il faut s'aimer.

J'ai déjà dit à quel point les livres de Delphine Bertholon sont bien menés et tiennent le lecteur en haleine. C'était le cas avec Twist, puis Grâce. Les corps inutiles ne déroge pas à la règle. L'auteure part et parle de l'enfance, de l'adolescence comme elle sait si bien le faire et alterne les voix de Clémence à 15 ans puis Clémence à 30 ans. Sur son chemin, on découvre de très beaux personnages : Damien, le flic, si bienveillant qui va l'aider, à 15 ans puis à 30 ans; J'ai aimé l'ironie des dialogues et tout le mal que ce flic se donne pour Clémence. C'est d'ailleurs la seule personne à qui elle va se confier. L'autre personnage qui m'a émue est Christophe, le soi-disant idiot du village, celui que tout le monde rejette mais qui a un oeil à part et souvent très juste sur la société. Le rapport de Clémence avec ses parents fait réfléchir aussi sur la signification de protection de son enfant. Le protéger, le sur-protéger, l'empêcher de vivre jusqu'à que celui-ci au final ne puisse plus rien confier?

"Elle lui en voulait, à sa mère.

C'était injuste, mais elle lui en voulait (...) Lui en voulait aussi de ne rien pouvoir dire, obligée de se taire pour garder un avenir, un peu de liberté, un ersatz d'existence. De l'aimer trop, sans la laisser grandir. De vouloir qu'ele soit quelque chose d'autre qu'elle-même, une sorte d'enfant idéale, obéissante, infaillible, fabriquée en tube et activée par télécommande".

"A l'époque, naïvement, j'avais cru préserver un peu de ma liberté, sans comprendre que le silence m'enfermerait dans une prison de laquelle, jamais, je ne pourrais sortir. Je m'étais trompée de perpétuité, en somme."

Un livre qui traite des conséquences d'une agression, d'une adolescente à jamais meutrie, d'une police qui se démène, du temps qui passe, qui marque, qui emprisonne. Le style de Delphine Bertholon est comme à chaque fois un mélange de roman policier et de psychologie, ajoutez-y ce rapport au corps qui relève le tout. Encore une fois, j'ai été conquise et je vous conseille ce roman disponible depuis aujourd'hui dans votre librairie!


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