L’association GirlsInTech Paris vient de publier les chiffres clés de la levée de fonds au féminin dans l’univers high-tech, résumée dans une infographie à découvrir ici.
L’occasion de se pencher de plus près sur les réalités de la levée de fonds au féminin. Pour ce billet, Audrey Soussan, co-directrice chez GirlsInTech Paris et Charlotte Boutier, Chef de projet chez Numa, deux spécialistes de la question des femmes dans l’univers Tech ont eu la gentillesse de m’apporter leur regard éclairé sur le sujet.
Peu de femmes font appel au capital investissement
Elles sont 32% à la tête des entreprises françaises. Le gouvernement a affiché son ambition en déclarant vouloir porter ce nombre à 40% en 2017 (source : Widoobiz) . À titre de comparaison, elles représentent 50% aux USA.
Et côté start-up, même constat dressé par l’Accélérateur, spécialiste de l’accompagnement long terme de start-up. Seulement 15% des entreprises qu’elle accompagne sont dirigées par des femmes.
En France, la principale raison semble être le faible nombre de femmes présentes dans le secteur de l’informatique et de l’ingénierie en général.
Actuellement, un quart seulement des ingénieurs en informatique sont des femmes. Le site les femmesduweb.com ne recense que 438 start-up du web créées par des femmes. Comme les créateurs de start-up sont souvent des développeurs de formation, profession où les femmes sont moins représentées, il n’est pas étonnant qu’on en trouve moins parmi les dirigeants.
« Nous n’avons pas encore de chiffres précis mais nous disposons de marqueurs qui montrent que les femmes sont encore aujourd’hui largement sous-représentées à la tête des start-up de l’univers des sciences et de la technologie. Dans les MasterClass que nous organisons à Numa, nous constatons que lorsque le sujet traite de la levée de fonds ou du développement à l’international, pour 30 hommes présents, nous comptons seulement 6 participantes » témoigne Charlotte Boutier.
Les femmes préfèrent s’autofinancer
De manière générale, les créatrices privilégient l’autofinancement. « Seules 8,9% des demandes effectuées auprès des business angels américains sont faites par des femmes » indiquait Typhaine Lebègue, professeur en entreprenariat à la France Business School dans un article paru dans le Monde du 19/10/2014.
Pour la France, plusieurs fonds d’investissements se mobilisent autour des femmes créatrices, à l’instar de WomenEquity Partners ou Femmes Business Angels. Pour ce dernier, 38% des dossiers déposés sont portés par des femmes.
Non seulement, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à la tête des entreprises mais souvent, leurs projets ne nécessitent pas de gros financement. Une certaine frilosité à noter peut-être dans les ambitions de création et de développement des entreprises dirigées par des femmes ?
Selon le baromètre 2013 de la caisse d’Epargne sur les femmes entrepreneuses, 43% effectuent des investissements pour se développer, ce qui semble peu au regard des hommes, qui sont 56% à y recourir.
Et les montant mobilisés sont aussi moins importants. D’après le baromètre publié par GirlsInTech Paris, les levées de fonds high-tech réalisées par des femmes s’élèvent à seulement 6% de la valeur totale.
Des initiatives et des exemples encourageants
Si les chiffres de la levée de fonds et de l’investissement au féminin montrent que nous sommes encore loin de la parité, cette situation évolue cependant très positivement avec de nombreuses initiatives prises par les grands acteurs du financement tels que la Banque Publique d’Investissement (BPI) ou encore les business angels au féminin comme WomenEquity Partners ou Femmes Business Angels.
Récemment encore, des levées de fonds réalisées par des entreprises dirigées par des femmes se sont particulièrement distinguées dans les médias, comme pour Laure Couty, fondatrice de la start-up jestoke.com, qui a bouclé courant janvier une levée de fons de 300 000 euros auprès de Femmes Business Angels et d’investisseurs privés.
Ces femmes porteuses de projets ambitieux sont des modèles dont les créatrices ont aujourd’hui besoin pour se rassurer sur le fait que le financement de leur projet est possible et pour les encourager à oser.
Pauline Laigneau, fondatrice de la start-up Gemmyo (bijoux sur mesure, joaillerie en ligne) a elle aussi réalisé à l’été 2014 une une levée de fonds auprès de Alven Capital et se développe déjà à l’international. Une jeune créatrice mainte fois récompensée qui prouve que les projets ambitieux portés par des femmes peuvent se concrétiser et être accompagnés par des partenaires financiers.
Décryptage du baromètre 2014 Girls in Tech Paris avec Audrey Soussan, co-directrice chez GirlsInTech Paris
Plus de 13% des levées « tech » françaises proviennent de femmes fondatrices. Pourquoi les femmes sont si peu nombreuses à avoir recours à la levée de fonds ?
Concernant les raisons des faibles statistiques de levées féminines, il semble difficile de les justifier « scientifiquement ».
Selon nous, plusieurs motifs d’ordre sociétaux sont à mettre en perspective pour expliquer ces chiffres.
On note d’abord très peu de femmes entrepreneuses dans le secteur Tech et donc moins de recherches de levées de fonds réalisées par des femmes. Nous pensons que la réison principale est un manque de modèles de femmes entrepreneuses dans la Tech.
Il est également important de rappeler que le nombre de femmes disposant d’un « background Tech » est bien moins important que le nombre d’hommes qui ont suivi des cursus au sein d’écoles d’ingénieur/ d’informatique.
Enfin, je dirais que cette situation est la résultante d’un manque de confiance en soi des femmes qui osent moins entreprendre ou si elles le font, qui ont plus de difficultés à « vendre » des Business Plans très ambitieux.
Avez-vous constaté au fil des moins, une augmentation des demandes émanant de femmes créatrices d’entreprises high-tech ?
En tant que Principal dans un fonds de capital-risque, j’ai le réel sentiment d’amélioration. Il me semble que de plus en plus de femmes viennent pitcher et que de plus en plus de femmes arrivent à lever des fonds. D’autre part, nous constatons chez GirlsInTech un intérêt de pus en plus important des média à cette cause féminine, ce qui nous permet de toujours mieux mettre en avant les femmes qui réussissent afin de mieux inspirer les nouvelles générations.
Entretien avec Charlotte Boutier,Chef de projet événementiel chez Numa
Notre association accompagne les acteurs du numérique et au travers de nos activités, nous menons avec l’appui de nos partenaires des actions en faveur des femmes vers les sciences et les nouvelles technologies.
Le 17 avril prochain, l’association Social Builder organise un événement dont nous sommes partenaires, le forum Jeunes Femmes et Numérique, qui se déroulera à l’écoles des Arts et Métiers ParisTech. Ce grand rassemblement annuel des jeunes femmes et des professionnel-le-s du secteur, regroupera cette année encore des intervenants et intervenantes d’exception, aux côtés d’Axelle Lemaire, Secrétaire d’Etat chargée du Numérique, avec pour ambassadrice Yseulys Costes, Présidente et cofondatrice de 1000mercis.
600 participant(e)s sont attendues pour cette édition avec pour enjeu, la sensibilisation des jeunes femmes aux métiers du numérique et du digital.
Dans le cadre de notre partenariat avec Google et de son programme 40 Forward, nous avons développé un cycle de MasterClass avec l’association Girlz in Web sur des sujets précis de l’entrepreneuriat, animé par des femmes expertes du domaine high tech.
Nous allons également co-organiser en octobre 2015 avec le Carrefour Numérique de la Cité des Sciences et Mozilla, « l’Ada Lovelace Week », en écho à la première programmeuse mondiale, à l’origine de la création du tout premier algorithme de l’histoire humaine. Cet événement qui se déroulera sur une semaine aura pour vocation de promouvoir des modèles féminins inspirants dans les sciences dures et la technologie.
Nous souhaitons en tant qu’association impliquée dans la promotion du numérique mettre en lumière les potentiels féminins et les accompagner dans leur développement et leur promotion. Ces évènements sont la concrétisation de notre volonté de travailler sur le leadership au féminin, dans le secteur des sciences et du numérique, tout particulièrement.