Je rappelle que le mot "Voilà" s'utilise en général de 4 façons. En bref :- attirer l'attention : "le voilà qui arrive"- donner la notion d'éloignement par opposition à "voici"- indiquer une conclusion / constatation : "et voilà, çà s'est fini comme ça !"- indiquer une explication : "voilà pourquoi je suis en retard"
L'utilisation inappropriée de ce mot correspondrait à ce qu'il est couramment appelé "un tic de langage". Peut-être ! Mais il me semble que le vrai problème porte sur le fait que ceux qui utilisent ce mot fourre-tout ne sont pas capables de formuler correctement leur pensée. Cela est grave ! Certes, avoir une pensée et vouloir la traduire en une phrase structurée et cohérente peut parfois s'avérer difficile. On l'a tous vécu ! En effet, l'idée que l'on a en tête peut se traduire de diverses manières, avec des constructions et l'emploi de mots différents pour quand même arriver à une formulation adéquate et compréhensible. Mais déformer le langage à ce point peut être le signe d'un symtôme plus sérieux.
Concernant la difficulté de formuler oralement ce que l'on a en tête, ce qui suit montre que, malgré la complexité du propos, l'utilisation de tics de langage n'est pas nécessaire. Prenez 2 intellectuels comme Alain Finkielkraut et Michel Onfray. Si vous en avez l'occasion la prochaine fois, observez bien comment leur élocution fonctionne. Le premier a un débit assez lent, souvent hésitant : on sent que les idées se bousculent dans sa tête, que pour une même idée il y a sûrement des catégories associées même si elles sont plus ou moins différentes, avec des ramifications complexes et des liens divers avec d'autres catégories plus ou moins éloignées. Il lui devient alors difficile, dans un temps court, comme celui d'une interview par exemple, de résumer, de synthétiser sa pensée, et de ne formuler que l'essentiel. Je pense que pour lui, cet essentiel n'est pas suffisant et rime avec superficiel. Or, sur certains sujets sensibles, l'adoption de la superficialité signifie compromission, distorsion de la vérité, éclatement du sens profond, éloignement du factuel et de la cohérence. On imagine assez bien le « bouillon de culture » qu'il y a dans ce type de cerveau. Ici, l'élocution est presque laborieuse mais l'on y trouve pas d'interférences comme des tics de langage !Ce même bouillon se retrouve sous le crâne de M. Onfray. En revanche, (et là encore observez le bien, surtout quand son débatteur le pousse dans ses retranchements ou a tendance à trop mélanger les concepts en cherchant à mettre Onfray en défaut : voir l'émission « On n'est pas couché » d'il y a quelques semaines), son expression orale est mesurée mais rapide, les idées s'enchaînent fluidement, le tout est cohérent et lumineux. Et lorsque le sujet mérite d'être approfondi ou qu'il doit mettre quelques points sur les « i »alors la machine s'accélère ! Le rythme devient plus soutenu, presque tendu, mais toujours parfaitement audible et compréhensible. Les idées s'enchaînent dans une cohérence incroyable, dévoilant la complexité des sujets abordés, tout en les expliquant. C'est tout simplement beau ! On écoute, on comprend, on apprend, et on en ressort plus intelligent. Ici non plus, pas de facilités de langage ! Dans les 2 cas, l'utilisation des mots et leur assemblage pour en faire des phrases structurées et cohérentes a un vrai sens, celui de la communication et de l'échange entre être humain : en un mot, le langage. Et donc, pour en revenir à notre tic de langage, réfléchissons de manière logique. Si la parole est l'extension de la pensée, alors il me semble que l'utilisation d'un mot (bon, ben, voilà, etc.) fourre-tout, serait la marque du vide de la pensée, d'une pensée creuse ! Je sais, les termes sont forts, mais la logique nous pousse en ce sens. Sur internet on trouve beaucoup de références concernant ces fameux tics de langage. Je n'ai pas tout lu (trop long) mais j'ai trouvé de nombreux écrits que je qualifierais de « trop gentils », même s'ils ont le grand mérite de mettre le doigt sur un phénomène grandissant. Que l'on me pardonne mais cela va plus loin qu'un simple tic, qu'une simple facilité de langage. Dans de nombreux cas, lorsque vous écoutez bien, c'est l'expression d'une baisse intellectuelle flagrante qui se manifeste, qui elle-même découle d'un manque important de culture. Certes, pas besoin d'être un intellectuel, un philosophe, etc., pour penser et s'exprimer correctement. Ce n'est bien sûr pas un « crime » de penser et s'exprimer faiblement. Les différences de classes sociales entrent certes en ligne de compte, mais l'épidémie touche apparament tous les niveaux de la société, à des degrés différents bien sûr. Mais, plus le vide culturel/intellectuel est grand, plus la pensée est pauvre, plus le langage est confus, et plus la communication devient "insensée". Comment donc être dans l'altérité si l'on ne comprend l'autre ? Comment comprendre son environnement si ce qui est environnant n'est pas conceptualisé ? Comment comprendre les complexités, les subtilités et nuances de la vie sous toutes ses formes ? Et enfin, comment peut-on transmettre (à ses enfants par exemple) les fondements indispensables à notre construction d'Homme et de citoyen ? Vaste sujet !Le problème réside dans l'exposition médiatique surabondante qui laisse croire que la faiblesse intellectuelle est la norme : il suffit de regarder ces émissions de télé-réalité de la TNT, et de TF1 – M6, pour mesurer l'effondrement de la pensée et donc de la communication. Et puisque c'est la norme, alors pourquoi faire des efforts. Conséquemment, l'appauvrissement intellectuel poursuit son œuvre de sape, que les systèmes éducatifs (école, famille) ne parviennent pas à redresser, voire y concourent !! Le pire vient de l'exemple, le mauvais, donné par des personnes / personnalités, toujours dans le cadre médiatique, qui ont eux-mêmes ce tic : dans l'absolu leur responsabilité est très grande, mais dans les faits leur irresponsabilité est dommageable.A écouter ce type de paroles infectées de virus, j'imagine parfois entendre des individus tout droit sortis des premiers âges de l'humanité s'exprimant par borborygmes et grognements !!Pour finir, je vais soulever un point qui me taraude depuis plusieurs années. Vous aurez peut-être remarqué que régulièrement des expressions envahissent le langage. Par exemple, dans la bouche des jeunes, il y a quelque temps, l'expression « trop bien » à la place de « très bien », où l'utilisation du « trop » se faisait de façon détournée. La déformation du sens initial allait même plus loin avec « trop pas » au lieu de « pas trop ». Il y a de multiples exemples de ce genre. Or, j'y vois comme une sorte d'anglicisation de notre langue ! Je parle anglais couramment et suis donc troublé par le parallèle entre la pauvreté du langage courant anglo-saxon (surtout américain) et l'appauvrissement du nôtre. C'est comme si, par vague successive, quelqu'un (ou quelques-uns) s'évertuait à introduire dans notre langue des expressions d'origine anglo-saxonnes. Si mon intuition s'avère exacte, quel en serait le but ? Créer une mode en s'inspirant de ce qui se fait outre-manche et/ou outre-atlantique ? Pauvreté de l'imagination et de la créativité : copier c'est plus simple et ne demande pas d'efforts ? Mauvais goûts ? Ou alors, et cela serait plus critique, l'intention volontaire de déformer notre langue en la tirant vers le bas. Je ne sais pas. Je ne veux pas tomber dans l'idée primaire du complot. Mais cela me rappelle un phénomène du même ordre qui, il y a quelques années, a porté sur une mode vestimentaire, à l'intention des jeunes femmes encore une fois, et qui avait envahi l'offre stylistique des designers (si l'on peut parler de style et de design). Ce style s'apparentait aux tenues vestimentaires portées par les prostituées américaines ! Surprenant non ?
Quoi qu'il en soit, combattons cette épidémie, et ne succombons pas aux virus !
A bientôt.