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Maudits

Par Leanne

Maudits
Et dire qu’il s’en est fallu de peu que je passe à côté de ce livre! J’ai toujours beaucoup aimé Joyce Carol Oates, ce paradoxe: on la dit froide, control freak, à la limite de l’obsession. Qu’importe, car ses écrits sont tout autres! Tordant, décomplexant, étirant l’antinomique nature sauvage de l’homme dans toutes ses limites, elle renoue avec l’écriture gothique et fantasmagorique qu’elle nous livrait dans les années 80.De jardins bien entretenus en cimetières brumeux, des bibliothèques en bois lambrissés aux marécages d’un château surnaturel, Joyce Carol Oates nous balade, nous emprisonne dans la spirale tortueuse des méandres de l’esprit humain. Princeton, son université, sa société bien-pensante, ses maisons parfaites.Dans la peau d’un historien retraçant la chronologie d’événements mystérieux apparus dans cette bourgade au début du 20esiècle, elle  décortique la naissance et la montée du socialisme, le catholicisme bien pensant qui tient la main au Ku Klux Klan, et met en scène, voire sur scène, des personnages tels que Mark Twain, Upton Sinclair ou Jack London. Car voilà tout le génie de Joyce Carol Oates: sous le couvert d’histoires fantastiques,  c’est une société, une époque qu’elle met à nu, n’en épargnant ni les vicissitudes ni les tromperies. Toutes les figures classiques du roman fantastiques sont présentes: l’enlèvement de la mariée virginale devant  l’autel, les fleurs fanées, l’enfantement de progéniture diabolique, le déferlement de violence primaire. On pense à Edgar Allan Poe, mais aussi à Lewis Carroll, car l’on retrouve cette même distorsion subtile et effrayante de la réalité, qui nous amène à la réflexion suivante: l’être humain ne serait-il pas le plus grand théâtre de tous les actes diaboliques, à la fois acteur et metteur en scène? Entre roman historique, roman fantastique d’un classicisme détonnant, et satire sociale, la plume provocatrice et acide de Joyce Carol Oates réussit une fois de plus l’exploit: donner vie à nos travers les plus sombres.

Maudits, Joyce Carol Oates, Ed. Philippe Rey



Samantha Hoggart

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