Chronique « La colère de Fantomas » (T3)
«Comme dirait Vian, faut qu’ça saigne. Et qu’ça pleure aussi.»
Scénario de Olivier Bocquet, dessin et couleurs de Julie Rocheleau,
Style : Polar / fantastique / Drame / Aventure,
Public conseillé : Pour adultes
Paru chez Dargaud, le 9 janvier 2015, 56 pages couleurs, 13.99 euros
L’histoire
Après avoir été exécuté, après avoir commis maintes horreur et terrorisé Paris des bas-fonds aux hautes sphères, après avoir dépouillé l’état français de son or, Fantômas semble perdre son éternel coup d’avance. Juve et Fandor, parviendront-ils à enfin lui damer le pion ?
Ce que j’en pense
Un an. Il m’aura fallu patienter un an avant de dévorer le troisième et dernier tome de La colère de Fantômas. Sans regrets, mon attente a été récompensée : l’Homme aux cent visages est de retour et il ne fait pas dans la dentelle. Personne ne semble d’ailleurs s’encombrer de finesse dans son sillage. Trahi par la femme qu’il a la faiblesse d’aimer, Lady Beltham, le monstre acculé joue son va-tout et sème, dans un corps à corps effréné avec Juve, mort et terreur à travers la Capitale (impressionnante double-page 32-33, véritable Guernica parisien) pour aboutir à un haletant final au musée Grévin.
Si Fandor n’est pas en reste avec son « train-movie », Jeannette, la gouvernante de Juve, trouve ici un rôle à sa mesure : bâtie à chaux et à sable à l’instar de son patron, forte de son éducation guyanaise, elle ne s’en laisse pas conter et mène de main ferme sa barque… pardon, son attelage.
Le rythme est infernal, soutenu, cependant émaillé de détails comiques et croustillants à saisir au bond : le pistolet de Jeannette, le Naz-en-l’air (série d’espionnage en 15 volumes de Souvestre et Allain !) de l’opératrice téléphonique, la référence au Fantômas bleu de la trilogie cinématographique de Hunebelle, le comportement des badauds devant Grévin, etc. Le tout sur fond de grand-guignol et de surréalisme, de belle époque et d’apaches.
La magie du dessin, d’une délicieuse maturité, opère encore une fois, aucune émotion ni action n’échappant au trait vif de Rocheleau, maintenant l’œil et l’esprit en constante stimulation.
La conclusion en diptyque sanglant est digne des grandes tragédies grecques. Le Maître de tous et de tout ne cède rien à personne, et l’on ne doute pas que pour lui il n’existe aucune défaite.
Un régal j’vous dis.