Ils semblent qu'ils l'aient fait. Un tribunal de Buenos Aires a reconnu en décembre dernier des droits qui commencent à ressembler à ceux d'une personne pour une Orangutan nommée Sandra. Cette décision n'est pas définitive car des appels restent possible. Mais selon les commentaires ces droits seraient "La vie, la liberté, et la protection contre les dommages" et le but de l'action en justice serait de la sortir de captivité.
Cet événement mériterait des bibliothèques de commentaires, sauf que largement celles-ci existent déjà. Quelques niveaux de lecture pour commencer, et ensuite vous nous direz ce que vous en pensez dans les commentaires:
Premier niveau: c'est normal. Cela fait plusieurs décennies que l'exclusivité des humains sur le statut de personne et des droits qui s'y rattachent est contesté. Les grands singes, principalement, partagent avec nous toute une série de capacités que nous associons à notre propre statut de personne. Ils sont conscients d'eux-mêmes; ils ont des rapports sociaux entre eux et parfois avec les chercheurs qui les observent; ils sont conscients que d'autres individus ne savent pas tout ce qu'ils savent; ils utilisent des outils; ils peuvent transmettre des comportements non innés par la culture; ils peuvent communiquer, parfois avec nous. Une magnifique conférence à voir et à revoir explique ici pourquoi les humains n'ont une exclusivité que parce que nous savons faire certaines choses plus que d'autres espèces.
Deuxième niveau: c'est terrible. Cela jette un éclairage choquant sur nos priorités. Reconnaître des droits à la vie, la liberté, à la protection contre les dommages, à des individus non humains alors que tant de personnes au monde en sont encore privées? Si j'apprenais cela en allant travailler en Asie ou en Afrique pour envoyer une bouchée de pain à mes enfants que mes parents gardaient pour me permettre de vivre à l'usine, je serais outrée. Sous cet angle, celui du nombre d'êtres humains dont la vie est menacée et la liberté absente, les droits des animaux peuvent paraître comme un problème de pays riches. Riches et peut-être arrogants. Comme si les animaux de nos zoos nous importaient davantage que nos semblables, pourvu que ces derniers soient loin de nous.
Alors bon, me direz-vous: ce n'est pas parce que nous ne sommes pas capables de garantir l'application des droits de tous que tous n'ont pas des droits. Oui, et il est vrai que reconnaître des droits est important même lorsqu'ils ne sont pas respectés, car sans cela ils le seraient avec encore plus de difficulté. Au minimum cependant, cette deuxième lecture doit nous rendre humble sur l'effet que peut avoir la simple reconnaissance de droits si elle ne s'accompagne pas de mesures d'application efficaces.
Troisième niveau: c'est passionnant. Que faut-il pour être une personne? Certains défenseurs des droits des animaux avancent l'argument que reconnaître des personnes non humaines n'est pas nouveau. Leur exemple? Les corporations, auxquelles ont reconnait dans certains pays des droits comme la liberté d'expression, ou de poursuivre en justice. Est-ce suffisant? D'autres avancent que pour être une personne il faut "être conscient de soi, comprendre le passé le présent et le futur, être capable de comprendre des règles complexes et leurs conséquences sur le plan émotionnel, avoir la capacité de choisir de prendre le risque de ces conséquences, l'empathie, et la capacité à avoir des pensées abstraites." Les corporations ont-elles ces capacités? Très très clairement elles ne les ont pas toutes. Et les animaux alors? Quels autres animaux que nous ont lesquelles de ces caractéristiques? Quelles autres mettriez-vous sur la liste? Ou peut-être n'utiliseriez-vous pas de liste? Mais alors comment faire? Que de miroirs, dans ce petit événement parmi tant d'autres...