Le Sénat examine actuellement le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Le texte tel qu'adopté en commission le 28 janvier est disponible ici. Il sera discuté en séance publique du 10 au 19 février. Il comporte plusieurs dispositions de nature à arrêter le développement de l'éolien terrestre.
Pour mémoire, la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 "visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes" avait procédé à plusieurs simplifications du régime juridique de l'éolien terrestre, lequel avait été considérablement compliqué par la loi "Grenelle 2" du 12 juillet 2010.
Cette loi du 15 avril 2013 comporte les mesures de simplification suivantes :
- suppression de la procédure de création de ZDE ;
- suppression de la règle des cinq mâts ;
- création d'une dérogation - assez complexe -à la loi littoral pour l’outre-mer ;
- création d'une dérogation à la loi littoral pour le raccordement des sites de production d’énergies marines renouvelables.
Les sénateurs ont, en commission, souhaité revenir à la lettre de la loi du 12 juillet 2010 et remettre en cause les apports de de la loi du 15 avril 2013. Le texte adopté en commission au Sénat ce 28 janvier 2015 comporte un article 38 bis D qui rétablit deux conditions au bénéfice de l'obligation d'achat
- L'obligation de création d'une zone de développement de l'éolien
- L'obligation de créer un parc éolien d'au moins cinq mâts
Ainsi, non seulement la quasi totalité des amendements proposant une nouvelle simplification du droit de l'éolien aura été écarté - tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat - mais le Sénat aura en outre rétablit ces contraintes liées aux ZDE et à la règle des 5 mâts
En outre, le Sénat ajoute une nouvelle contrainte qui peut se révéler mortifère pour le développement de l'éolien terrestre.
Le texte adopté en commission comporte en effet un article 38 bis C ainsi rédigé :
"Après l'article L. 553-3 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 553-3-1 ainsi rédigé:
« Art. L. 553-3-1. - Le cas échéant, le montant de l'indemnité contentieuse est proportionnel à la valeur de l'habitation estimée par les services domaniaux de l'État aux frais de l'exploitant, ainsi qu'à la hauteur et à la proximité de l'installation concernée. » "
Ce texte est issu d'un amendement n°611 de M Louis Nègre dont l'exposé des motifs ainsi rédigé :
"Cet amendement vise à mettre en place un dispositif d'indemnisation, par son exploitant, des propriétaires riverains d'une éolienne terrestre, dont l'implantation peut entraîner des nuisances et une dépréciation de la valeur des biens immobiliers.
En théorie, le propriétaire peut demander une indemnité aux tribunaux civils, mais les jugements favorables sont rares en raison de la difficulté à estimer le montant de la dépréciation subie. Pour cette raison, le présent amendement renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir un barème, comme c'est déjà le cas lors de la création d'axes routiers ou de voies ferrées.
Ce barème n'est pas forfaitaire mais proportionnel à la valeur de l'habitation ; il est également progressif suivant la hauteur de l'éolienne et dégressif suivant son éloignement."
Cet amendement procède de l'idée selon laquelle un parc éolien est, par principe, générateur d'un préjudice pour ses riverains. En commission les termes "le cas échéant" ont été ajoutés pour - selon une interprétation optimiste - revenir sur cette idée selon laquelle une éolienne serait toujours cause d'un tel dommage. Reste que cette nouvelle disposition est particulièrement dangereuse pour le développement de l'éolien. Elle constitue une puissante incitation, pour les opposants, à l'engagement de procédures devant le Juge civil aux fins d'évaluation de ce "préjudice". On notera en outre que l'estimation du montant du préjudice est à la charge de l'exploitant lui-même ce qui est tout à fait extraordinaire.
Concrètement, si cette disposition devait être confirmée au sein de la loi, elle serait de nature, non seulement à renchérir considérablement le coût de création des parcs éoliens mais, en outre, à encourager la multiplication des contentieux indemnitaires devant le Juge civil.
Il faut donc espérer que la séance publique puis la commission mixte paritaire reviennent sur ces mesures. Il serait particulièrement imprudent de penser que ces propositions anti-éoliennes n'ont qu'un caractère accidentel et de ne pas s'en inquiéter. Il est urgent d'en tirer tous les enseignements, dés à présent.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement avocats
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Extrait du compte rendu des travaux de la commission du développement durable du Sénat
"Article additionnel après l'article 38 bis A
M. Louis Nègre, rapporteur. - L'amendement n° 58 vise à mettre en place un dispositif d'indemnisation par son exploitant des propriétaires riverains d'une éolienne terrestre, dont l'implantation peut entraîner des nuisances et une dépréciation de la valeur des biens immobiliers.
En théorie, le propriétaire peut demander une indemnité aux tribunaux civils, mais les jugements favorables sont rares en raison de la difficulté à estimer le montant de la dépréciation subie. Pour cette raison, le présent amendement renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir un barème, comme c'est déjà le cas lors de la création d'axes routiers ou de voies ferrées.
Ce barème n'est pas forfaitaire mais proportionnel à la valeur de l'habitation ; il est également progressif suivant la hauteur de l'éolienne et dégressif suivant son éloignement.
Mme Chantal Jouanno. - Ce dispositif existe-t-il pour les particuliers résidant à proximité des centrales nucléaires ?
M. Louis Nègre, rapporteur. - Il faudrait le vérifier.
Mme Chantal Jouanno. - Pourquoi faudrait-il un dispositif spécifique aux éoliennes ?
M. Hervé Maurey, président. - Il ne s'agit pas ici d'instaurer le principe d'indemnisation, mais simplement d'établir un barème.
M. Louis Nègre, rapporteur. - En effet, le principe d'indemnisation est d'ores et déjà acquis, mais les procédures aboutissent rarement à une indemnisation. Cet amendement propose de fixer les conditions de calcul d'une indemnité, pour aider les tribunaux à prendre leurs décisions.
Mme Chantal Jouanno. - Si le principe d'indemnisation proposé par cet amendement devenait systématique, il ne devrait pas être spécifique à l'éolien et s'étendre à tous les autres dispositifs susceptibles de nuire à la propriété.
M. Jérôme Bignon. - Il ne doit pas s'agir d'un droit automatique à l'indemnité. C'est à la seule condition d'un préjudice avéré que l'exploitant sera tenu d'indemniser le particulier lésé et, en ce cas, le barème proposé par l'amendement aidera le juge à fixer le montant de l'indemnité.
M. Louis Nègre, rapporteur. - Il s'agit bien de mettre en place un barème pour aider les tribunaux civils de fixer le montant des indemnités.
M. Jérôme Bignon. - Oui, mais la première phrase pose le principe de l'indemnisation, ce qui est ambigu.
M. Ronan Dantec. - C'est un amendement très dangereux, car il sous-entend qu'il y a préjudice a priori. Il existe déjà beaucoup de contraintes sur l'éolien, précisément pour éviter les préjudices. Je propose le retrait.
M. Louis Nègre, rapporteur. - Je peux rectifier cet amendement, afin de tenir compte de vos remarques : je supprime la première phrase, jusqu'à « décret » inclus ; puis j'ajoute « le cas échéant, le montant de l'indemnité contentieuse est proportionnel à la valeur de l'habitation estimée par les services domaniaux de l'État, aux frais de l'exploitant. ».
L'amendement n° 58 ainsi modifié est adopté."