Je me réveille ce matin avec des images imprimées sur la rétine : Après une traversée du désert qui m’a épuisée, l’apparition d’une énorme soucoupe en équilibre sur un promontoire rocheux, face à la mer! Ne croyez pas que je sors d’un rêve ou d’un délire post-caïpirihna! Non, j’y étais! Je vous assure! Hier, je l’ai vu, je suis entrée à l’intérieur et j’ai fait des rencontres du troisième type! Attendez! Je vous raconte tout depuis le début! Mais soyez patients, il y a quelques détours!
Hier matin, on a pris le bateau depuis la Praca XV direction Niteroi. On a suivi une trajectoire parallèle au pont qui enjambe la baie, reliant Rio et Niteroi. Dans mon billet sur l’île de Paqueta, je vous avais déjà parlé de ce pont et de la baie de Guanabara! Le ferry qui fait la traversée déverse tous les matins une marée impressionnante de travailleurs en route vers les bureaux du centre de Rio. Excepté quelques personnes qui font la même chose en direction de Niteroi, on est bien à contre-courant. La traversée est rapide. Tellement rapide qu’on arrive avec une heure d’avance pour l’ouverture de la soucoupe! Ben oui, la soucoupe se visite, c’est un musée! Un musée d’art contemporain emblématique de la ville de Niteroi, conçue par le fameux architecte brésilien Oscar Niemeyer! Benoit rêve depuis longtemps d’approcher cette architecture originale et moi, j’aime bien me frotter à l’art moderne, non pas parce que je suis une spécialiste mais au contraire parce que je n’y comprends rien et que, donc, ça m’intrigue! Nos expériences précédentes en art contemporain nous ont laissé dans la perplexité ou le fou rire ( ou les deux!). Notre dernière visite, c’était à Puebla au Mexique. Benoit va dire au gardien qu’il y a des cartons en vrac sur le sol qui gênent le passage; pendant qu’il parle, je vois la petite notice au mur! Oups! Je me précipite et lui glisse en serrant les dents « Laisse tomber, c’est une oeuvre d’art! » La boulette!!! Gros fou rire! Donc, on sait d’avance que nous n’allons pas forcément être à la hauteur de la puissance artistique des expositions mais peu importe….
Bon, comme on est en avance pour le choc artistique, on décide d’aller se baigner dans une plage assez éloignée de la ville : Itacoatiara. Rien que le nom, ça fait rêver, non? Et en plus, c’est une plage assez sauvage, soi-disant la plus belle des environs. Quand on arrive, il n’y a presque personne. Elle est à la hauteur de nos attentes : une anse bordée de morros ( monts) et parsemée de quelques jolies maisons.
plage de Itacoatiara à la mi-journée
La mer est bienveillante. Contrairement à Rio où l’entrée dans l’eau demande quelques prises de judo contre les vagues, ici, la mer vous prend dans ses bras et vous berce. Sensation indescriptible… Écrin de verdure, ciel bleu, fraîcheur enveloppante. Presque 2 heures de bonheur simple. Des allers-retours entre la mer et la plage. La chaleur est déjà torride de bon matin. On va ensuite manger quelques crevettes dans un bar au-dessus de la plage. Un bar un peu plus snob qu’à Rio. On sent qu’ici, tout est chic! Aux alentours, les maisons sont probablement des résidences secondaires de riches citadins. On quitte ce havre de paix en montant dans le bus qui nous conduit vers le centre de Niteroi : 50 min dans un bus sans clim. Sensation de sèche-cheveux sur le visage quand il roule, mais à chaque arrêt, c’est « apnée dans un four ». On dégouline et les 50 min semblent bien longues. Un homme dans le bus nous explique où descendre pour aller au musée. On lui pose des questions dans un portugnol qui se veut du portugais et il nous répond dans un autre portugnol qui se veut de l’espagnol! Il se marre bien qu’on on lui dit qu’en fait on est Français! À l’écouter, c’est tout simple et pas loin. On suit ses instructions et on commence à marcher dans une très longue avenue sans ombre. On se sent littéralement au milieu d’un désert écrasant, sans la moindre brise : la tête brûlante, les jambes flageolantes, la gorge sèche. Un panneau lumineux annonce 42°c. Arrivés péniblement au bord de la mer où le musée doit se trouver, on ne le voit pas, il est plus loin, derrière une montagne. On continue de marcher au bord de l’évanouissement, espérant une oasis. Si ça continue, on va voir passer des chameaux! On découvre finalement la soucoupe en haut de la falaise! On doit monter encore et encore. La vue sublime me ferait presque oublier le mal-être.
La soucoupe, le pain de sucre à gauche et le Corcovado à droite
Et j’essaie d’imaginer le plaisir que ça va être de se réfugier au cœur de la soucoupe avec de l’air conditionné. Je fais des photos. Le spectacle est magique!
Vue sur la baie de Niteroi
L’accès au musée se fait par une rampe en escargot qui est une véritable torture: on n’est pas loin de voir passer une caravane de chameaux! À l’entrée, un discret affichage annonce que l’air conditionné est en panne! J’ai envie de m’allonger par terre devant la billetterie! Mais, non, mon enthousiasme irrépressible pour l’art moderne me reprend et nous voilà entrant dans la pièce centrale, ronde évidemment! Le gardien nous dit qu’on ne peut pas prendre de photos. Honnêtement, ça ne me serait pas venue à l’idée! Je ne vais même pas vous parler de l’expo, je ne trouve pas les mots! Par contre, tout autour de la salle, il y a une galerie circulaire panoramique vraiment impressionnante. Devant nos yeux : la mer, la baie de Niteroi, Rio, le pain de sucre, le Corcovado…. Sous nos pas : le vide!
Vue de la galerie panoramique
Quelques personnes déchaussées sont assises, allongées dans la galerie… Probablement des visiteurs qui, comme nous, sont en train de se remettre du choc artistique de l’expo! ;-) Il y a une autre expo au-dessus de la première, dans une autre galerie circulaire. C’est un appel à observer, à observer la distance entre nous et les autres.
Ceci est de l’art!
Benoit est 10 mètres devant moi et c’est clair: la distance qui nous sépare, c’est son envie de ressortir de cette galerie glauque au plus vite face à ma vaine tentative d’apporter un peu de crédit à l’artiste! Le commentaire de Benoit à la sortie: « J’ai beaucoup aimé ce contraste du blanc et du noir. Le noir sur le blanc. Le blanc sur le noir! » Puissant, non? En ressortant, il est irrésistiblement attiré par le vendeur de coco! Moi, j’insiste pour avoir des photos de moi devant la soucoupe! Je veux des preuves! Il se prête au jeu mais honnêtement, ses photos pourraient rejoindre une nouvelle expo sobrement intitulée » cadrages et recadrages ». Je ne lui en veux pas : trop de soleil, trop de marche et trop d’ART surtout!
Trouvez-moi!
Après la coco, sa lucidité l’a vraiment quitté. Il propose de rejoindre le port d’embarquement à pied! La route de la corniche en plein soleil, des kms supplémentaires, toujours 42°c au moins, un chapeau pour 2….. Le panorama est superbe mais on souffre….
Quand on arrive finalement au bateau, on croise la marée humaine qui reflue de Rio. On ne pense plus, on avance comme des automates, seul un défilé d’images alimente notre cerveau trop cuit!
Arrivée chez nous, après une douche fraîche, je suis allongée sur le lit et à moitié morte, je me répète « Faut que je leur raconte, j’ai fait un tour de soucoupe volante et j’ai vu des chameaux!!! »
Pour plus d’informations sur la soucoupe, jetez un œil ici et concernant les fabuleuses expos, régalez-vous là!