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Jacques Tissinier : les crayons de la liberté

Publié le 31 janvier 2015 par Pantalaskas @chapeau_noir
Jacques Tissinier Centre Pompidou Paris 1977

Jacques Tissinier Centre Pompidou Paris 1977

La longue marche des crayons libertaires

Près de quarante années séparent la photo de Stéphane Mahé reproduite sur une bâche accrochée depuis quelques jours à l'architecture du Centre Pompidou à Paris en hommage à la marche républicaine du 11 janvier dernier et le tout premier crayon libertaire géant élancé en direction du bâtiment avant même l'inauguration du Centre Pompidou en janvier 1977. L'artiste Jacques Tissinier rendait alors hommage au "J'écris ton nom, liberté"  d'Eluard. Déjà le sculpteur, érigeant en 1973 son premier crayon sémaphore au Collège Jean Moulin à Aubervillliers,  entamait une longue marche avec ses crayons de la liberté : Aubervillliers, Centre Pompidou Paris, Parvis  de la Défense, Pont neuf de Toulouse,  Parvis du centre Leclerc à Pau, Grande Halle de la Villette à Paris... Ce périple jalonné des contestations de son époque témoigne d'une œuvre qui a toujours associé la signalétique à une mémoire collective, que ce soit le tragique souvenir cathare ou la lancinante douleur de l'histoire des indiens d'Amérique : (voir : Jacques Tissinier, artiste public numéro un).  Aujourd'hui les crayons monumentaux de Jacques Tissinier retrouvent une actualité avec la prochaine inauguration (le 15 avril) de l’œuvre d'Aubervilliers restaurée par le Conseil général et remise en place. Ils reconquièrent surtout une symbolique forte après le surgissement vibrant des milliers de crayons à travers le monde en solidarité avec le massacre de Charlie Hebdo.

Stéphane Mahé  Centre Pompidou 2015

Stéphane Mahé
Centre Pompidou 2015

C est sans doute le privilège des artistes de savoir ramener à un emblème simple et puissant les valeurs fondamentales, de les ancrer dans notre quotidien avec un geste évident. La vague de dessins qui a déferlé ces dernières semaines en hommage aux caricaturistes assassinés témoigne de la portée symbolique d'un objet si modeste mais tellement chargé d'un potentiel subversif. Au Centre Pompidou en 1978, le public s'empare d'une œuvre transformée en mur de paroles, détournant pacifiquement la tension d'une manifestation pour le Larzac prête à engendrer les échauffourées.
En 1988, Jacques Tissinier dont le crayon libertaire se dresse sur l'esplanade de la cité de la Villette à Paris, fait disposer des tonnes de papier de presse comprimés en ballots fragiles que les enfants des écoles se hâtent de disperser, au grand dam des services de nettoyage du lieu, semant à tous vents ces mots libérés de leur carcan en hommage au bicentenaire de la Révolution française.
Il y a peu de jours encore, des parlementaires américains aux marcheurs des rues de Paris et de province, les  défenseurs de la liberté se sont tous retrouvés porteurs de cet objet métaphorique.

Hommage à Paul Eluard, Jacques Tissinier Centre Pompidou Paris 1977

Hommage à Paul Eluard, Jacques Tissinier Centre Pompidou Paris 1977

"Le crayon guidant le peuple"

La photographie de Stéphane Mahé sur les murs du Centre Pompidou aujourd'hui tend la main, quarante plus tard, à la bâche de Jacques Tissinier citant Paul Eluard. Ce  "Crayon guidant le peuple", titre donné à la photo par ceux qui se sont empressés de multiplier à l'envi la diffusion du cliché, associe définitivement la marche populaire du 11 janvier au geste conquérant de la liberté.
La parole de l'Art et son outil le crayon du dessinateur, du caricaturiste, de l'écrivain, du polémiste participent à cette même exigence de vérité, de transgression des schémas prêts-à-penser. Plus que jamais cette parole d'artiste associée au monumental crayon libertaire du sculpteur porte  les valeurs du verbe, du mot, de l'écrit comme voie libératrice:

"Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté."

Paul Eluard

Ci-dessous: De gauche à droite:
Collège Jean Moulin Aubervilliers 1973
Parvis de la Défense Paris 1979
Grande Halle de la Villette, Paris 1988
Pont Neuf Toulouse 1983
Le Parvis Centre Leclerc Pau 1989
Centre Pompidou 1978

bannière crayons2 copie

Photos : Jacques Tissinnier


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