Quel plaisir de replonger une dernière fois dans l’ambiance intrigante dont ce mangaka hors-norme a le secret. Mêlant enquête policière particulièrement sombre et paranoïa, « Wet Moon » invite le lecteur à s’enfoncer dans une réalité pour le moins trouble. Alors que l’humanité cherche à découvrir la face cachée de la lune, Atsushi Kaneko plonge le lecteur dans une intrigue obscure où la logique semble souvent faire défaut. Perdu entre ses hallucinations déroutantes et sa folie grandissante, le personnage principal lève progressivement le voile sur ces nombreux mystères, tout en plongeant progressivement dans les coulisses d’une ville qui baigne dans la corruption. Perdu entre les hallucinations de Sata, ses pertes de mémoire à répétition, ses visions étranges de la lune et des protagonistes difformes, le lecteur est constamment déstabilisé, mais finit tout de même par assembler les pièces de ce puzzle mêlant polar, espionnage, conquête lunaire, fantastique et science fiction. De plus, l’obsession et l’acharnement dont l’inspecteur fait preuve lors de cette poursuite à travers le temps et l’espace donne également des allures d’histoire d’amour à cette traque aux frontières du réel.
De l’apparition de Kiwako Komiyama aux révélations concernant l’éclat de métal qui perturbe le cerveau de Sata, ce tome lève le voile sur la plupart mystères de Wet Moon. Si l’inspecteur commence à distiller la réalité du monde qui l’entoure, le lecteur doit cependant accepter de perdre régulièrement pied et de ne pas recevoir d’explications claires et nettes car Atsushi Kaneko s’amuse à brouiller les pistes et à nous perdre entre réalité et hallucinations tout en distillant habilement les éléments de réponse nécessaires. Ce bijou d’ambiance qui s’aventure aux frontière du réel est d’ailleurs à nouveau admirablement servi par le graphisme percutant de ce virtuose qui distille une atmosphère oppressante et malsaine tout au long du récit. Graphiquement, l’auteur se démarque des codes classiques du manga et propose un style assez inhabituel, largement influencé par la culture américaine underground, qui ne manque pas d’évoquer celui de l’inimitable Charles Burns (Black Hole). Outre ce dessin aux allures délicieusement rétro, il démontre une nouvelle fois tout son talent narratif et sa grande maîtrise de l’art séquentiel en proposant un découpage astucieux, qui confère un rythme prenant à son récit et qui s’installe immédiatement au diapason de l’ambiance oppressante.
Probablement le meilleur manga de 2014 !