« Mon père ne peut quand même pas être homo !
Indiane s'est renfrognée.
- C'est quoi le problème si on est homo?
J'ai essayé de lui expliquer que je ne voyais aucun inconvénient à ce que les homos soient homos ; le problème, c'était que papa le soit, parce qu'en vrai, au fond de lui, il ne l'était pas. S'il l'avait été, encore ! Admettons. Mais il avait été marié à ma mère pendant une éternité, et franchement, il n'avait vraiment rien d'une pédale. Alors là, Indiane a froncé les sourcils, l'air furibard.
- Qu'est-ce que tu veux dire exactement par « il a rien d'une pédale » ?
Impossible de lui avouer ce que j'avais en tête. Marcher en roulant du cul comme une fille. Parler mode, fringues et jardinerie d'une voix efféminée. Trottiner en faisant tout le temps des mouvements du poignet. Écouter de la musique disco et s'habiller avec des trucs en cuir moulants.
On ne pouvait pas dire que son père était comme ça. Au contraire : c'était le type le plus viril que j'aie jamais rencontré - enfin, si on exceptait le coup de la musique disco. Ça, on pouvait difficilement faire plus homo. »
Séparé de son épouse, le père d'Arvid emprunte une caravane pour les vacances et s'installe sur le terrain près des toilettes les plus célèbres de Norvège (ambiance psychédélique, boule à facettes et musique disco). Le moral n'est pas au beau fixe, père et fils passent leur temps à bouquiner ou errer en pleine campagne sous une pluie diluvienne.
Leur quotidien s'égaye lorsqu'ils font la connaissance de Roger et sa fille Indiane. C'est une gamine délurée, qui s'amuse à titiller le garçon, coincé et bougon. Très libre et décomplexée, elle ne comprend pas la réaction du garçon lorsqu'ils surprennent l'accolade passionnée entre leurs pères. Arvid court se réfugier dans les WC, chipe le livre d'or et déverse toute sa frustration.
Ses confidences, sur le ton de la plaisanterie, font état de la trouille de l'adolescent, face à sa puberté naissante. À 13 ans, celui-ci se pose de plus en plus de questions sur la sexualité, son identité et son orientation, l'attitude de ses amis aussi le pousse à réfléchir, comme celle plutôt dégourdie de la jeune Indiane, terriblement curieuse et impatiente de dévoiler les mystères de la chose, bref tout ça plonge Arvid dans une grande perplexité.
Alors, pour oublier ce qui le contrarie en secret, le garçon prend pour cible son père et sa soudaine lubie d'une révolution sexuelle en plein été, durant leurs vacances. Arvid ne l'entend pas de cette oreille et échafaude des plans délirants pour faire capoter l'idylle florissante. Le ton général est léger, joyeux et totalement désinhibé (même le chien Waldo est pris de pulsions lubriques incontrôlables, on croit rêver !).
C'est raconté sur le ton de la blague, mais ça évoque avec beaucoup de subtilité l'adolescence, le corps qui change, les premiers troubles, les émotions contradictoires et l'homosexualité. Les romans pour ados sont encore trop timides à ce propos, donc saluons l'initiative écrite avec intelligence et un soupçon d'effronterie !
éd. Thierry Magnier, septembre 2014 ♦ traduit du norvégien par Aude Pasquier