Les premières études scientifiques sur la comète bilobée 67P/Churyumov-Gerasimenko publiées courant janvier 2015 dressent un portrait plus complet de l’astre âgé de plus de 4,5 milliards d’années. C’est la première fois que l’on peut suivre avec autant de détails l’évolution d’une comète au fil de son approche du Soleil. Le corps glacé garde encore au frais de nombreux mystères sur ses origines et in extenso les nôtres.
Malgré son nom certes un peu long (celui du couple de ses découvreurs), la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko est désormais célèbre depuis qu’elle est escortée par Rosetta et peut-être plus encore depuis la médiatisation de l’atterrissage de Philae, non sans rebondissements, à sa surface. Une première, rappelons-le, dans l’histoire des sciences et de l’exploration spatiale.
Un peu plus de six mois environ après l’arrivée de la sonde spatiale dans le giron de 67P (surnommée aussi Chury ou Tchouri), les chercheurs, qui n’ont de cesse de l’espionner à travers ses divers instruments, en savent à présent un peu plus sur cet astre chevelu et son activité, naturellement en plein accroissement à mesure qu’on se rapproche du Soleil (le périhélie sera le 13 août 2015 à quelque 186 millions de km du Soleil, entre la Terre et Mars). L’occasion est si rare en effet de pouvoir étudier un noyau de comète en plein action ou plutôt, en pleine transformation, d’aussi près, au gré des survols de Rosetta lesquels varient de 100 à 5 ou 6 km de sa surface.
Quelques données clés sur la comète 67P épiée le 6 août 2014 par Rosetta
Formée il y a plus de 4,56 milliards d’années, à l’aube de notre Système solaire, la comète apparait comme un monde complexe, constitué de diverses glaces et de poussières qui étaient présentes dans le disque protoplanétaire. Il importe beaucoup pour les chercheurs, de faire parler tous ces éléments et caractéristiques physiques à dessein de mieux comprendre nos origines (planétaires, biologiques…).
Quelques semaines avant l’arrivée de la sonde spatiale européenne (ESA), la forme bilobée de la comète avait quelque peu surpris. À l’heure actuelle, les scientifiques ne peuvent toujours pas dire s’il s’agit de deux noyaux qui se sont collés ensemble dans un lointain passé (voire plus récemment) ou si la région la plus fine — appelée « cou » en référence à la silhouette globale de canard pour le bain (on pense aussi à du pop-corn) — a cet aspect provoqué par l’érosion. Car cet effectivement dans cette partie que le dégazage apparait comme le plus important. Cela étant la seconde hypothèse semble la plus probable, mais les scientifiques préfèrent attendre d’autres mesures avant de se prononcer définitivement sur la question.
Une des structures circulaires observée à la surface de la comète
Mensurations du noyau cométaire
Les mensurations du petit lobe, la tête du canard où, par ailleurs, s’est posé Philae le 12 novembre 2014, sont 2,6 x 2,3 x 1,8 km. Le gros lobe, quant à lui, mesure 4,1 x 3,3 x 1,8 km. La masse globale de l’astre est estimée à 10 milliards de tonnes. Avec une densité de 470 kg/m3, comparable à celle du liège, la comète est contre toute apparence relativement légère et poreuse (entre 70 et 80 %).
Cartographie des différents terrains de la comète — Philae s’est posé dans la région Bastet
19 types de terrains nommés en référence aux divinités de l’ancienne Égypte
Bien que jusqu’à présent, environ 70 % de la surface de 67P/Churyumov-Gerasimenko ait été photographié par la caméra OSIRIS — le reste est encore peu exposé au Soleil —, les chercheurs ont identifié pas moins de 19 régions caractérisées par des terrains différents. Certains apparaissent davantage couverts de poussières, d’autres présentent des structures circulaires ou de grandes dépressions, il y en a qui sont lisses ou, au contraire, hérissés de masses rocheuses…
Déluge de poussières
Si la moitié nord de la comète, celle qui reçoit le plus d’énergie solaire, arbore beaucoup de poussières sombres, les scientifiques de la mission l’expliquent par la prospère activité de dégazage qui constitue sa fameuse atmosphère ou coma (propre à toutes les comètes), notamment la sublimation de la glace. Les particules sont arrachées et entrainées par ces émissions, mais les plus lentes retombent à la surface. Les relevés de température réalisés avec l’instrument MIRO (Microwave Instrument on the Rosetta Orbiter) suggèrent que sous plusieurs mètres de poussières accumulés par endroit, de grandes quantités de glace sont à l’abri, temporairement, de l’altération.
Le cou de 67P n’est pas le seul lieu où des jets de gaz sont observés. Les nombreuses structures circulaires sont des puits d’émissions, souvent plus discrets. Des masses d’apparences rocheuses peuvent faire obstacle. En déviant les projections, ils sont alors rayés et égratignés comme le montrent plusieurs clichés de leurs parois.
Il existe aussi des plaques de verglas enfin, disons de la glace qui affleure en surface (les régions les plus brillantes). Ces parties pourraient être récemment mises à nue. Les données collectées par le spectromètre VIRTIS (Visible InfraRed Thermal Imaging Spectrometer) indiquent que la composition de la surface du noyau est globalement homogène, à la fois constituée de poussières et de molécules organiques, riches en carbone.
Fissure dans la région d’Anuket, le cou de la comète
Fractures
Parmi les études publiées dans l’édition spéciale de la revue Science (datée du 23 janvier 2015), on apprend que la plupart des lignes de fractures observées sur des falaises rocheuses du noyau cométaire sont provoquées par les importants contrastes de températures que subit l’astre au cours de sa rotation de 12,4 heures. Une fissure longue d’environ 500 m a été repérée dans la région du cou où se rejoignent les deux lobes. Nul ne sait encore si elle va continuer à se développer voire à déchirer le corps céleste.
Une chevelure qui s’épaissit
Concernant la formation de la chevelure de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, les images et les relevés réalisés avec MIRO témoignent, sans surprise, d’un accroissement de l’activité avec une importante dispersion de poussières (environ 100 000 grains de plus de 5 cm). Le noyau perd naturellement de plus en plus d’eau, passant ainsi de 0,3 l/s mesurés en juin 2014 à 1,2 l/s, trois mois plus tard. La plupart est éjectée depuis la région du cou. Il y a aussi du monoxyde et du dioxyde de carbone, mais en règle générale, l’eau domine.