Tunisie: Roger Garaudy en débat au Centre «Ettanwir»
L’homme de toutes les vérités Le 13 juin 2012, après près d’un siècle d’existence, Roger Garaudycessait d’être de ce monde. Présenté par les médias français comme «le dernier des négationnistes», il est indéniablement bien plus que cela. Le moins que l’on puisse dire sur ce penseur, c’est qu’il fut un témoin de son siècle... et pas de n’importe quelle manière. Son témoignage est, en effet, accompagné par une recherche infatigable de la vérité, qu’il a pensé trouver tour à tour dans le catholicisme, dans le marxisme puis dans l’islam, tout en restant un fervent défenseur de l’ouverture et du dialogue. Sa contribution par la recherche sur le sionisme et sa révision de la shoah lui ont valu de tomber aux oubliettes dans le monde occidental. Tous ses livres y ont été retirés. Pourtant, sa valeur est reconnue par ses nombreux admirateurs dans le monde. Parmi eux, un groupe d’étudiants tunisiens qui ont désiré lui rendre hommage, avec la contribution du centre Cheikh Fadhel Ben Achour pour la culture et les arts « Ettanwir» à La Marsa. L’espace a accueilli, mercredi dernier, une conférence portant le nom «Roger Garaudy: l’historien et le chercheur de vérité».
Le choix a été porté sur Hédi Timoumi, Fethi Kassemi, Ali Manjour et Mohsen Mili comme intervenants. Chacun a mis la lumière sur un aspect du parcours de Roger Garaudy, que ce soit sa vie, sa pensée ou ses œuvres. Tous étaient d’accord que Garaudy a su garder un recul nécessaire et un éveil critique tout au long de ce parcours hors du commun. De nombreux incidents en témoignent en effet. Ainsi, il est passé du statut de directeur d’études et de recherches marxistes à l’expulsion du parti communiste français, en 1970. De même, sa lecture objective de la pensée islamique et son appel à «désaoudiser l’islam» dans son ouvrage «Mon tour de siècle en solitaire», lui ont valu la colère des dirigeants saoudiens qui lui ont ouvert les portes de leurs centres de recherche aux débuts de sa conversion, dans les années 80. Dans ce sens, le docteur Hédi Timoumi affirme que Roger Garaudy avait une vision progressiste de l’islam et qu’à l’image de nombreux chercheurs qui se sont convertis, il l’a fait grâce à la pensée soufie qui prône des valeurs universelles, étant lui-même un penseur universel. Tout en ajoutant que les Arabes ont applaudi le rationalisme qui a caractérisé ses thèses sur la révision de la shoah et l’origine commune des juifs, il a mentionné qu’ils ont dans le même temps repoussé ses travaux sur l’islam, quand ceux-ci venaient à l’encontre de leur compréhension et de leur interprétation de la religion. Une contradiction face à laquelle le penseur est resté fidèle à son rationalisme et aux valeurs en lesquelles il croit. Ces dernières ont été au centre de l’intervention du chercheur et philosophe Mohsen Mili, auteur notamment d’une thèse de doctorat sur Garaudy. Selon lui, le penseur défunt représente l’exemple type du philosophe responsable et attaché à des valeurs comme la critique, le dialogue, l’ouverture, l’universalité et l’espoir, lui qui a toujours cherché le sens dans la foi. Ses ouvrages sont non seulement le reflet de sa pensée, mais surtout des principaux courants qui ont traversé son siècle. «La pensée se construit en interaction avec le parcours», a-t-il expliqué lors de la conférence. Celui qui a passé toute sa vie à lui chercher un sens est également le père d’une philosophie actuelle, qui s’inscrit dans son époque et dans l’acte, sur le terrain. Il a même considéré les échanges trop abstraits entre les philosophes de son temps comme des «mots croisés», rien de plus. A la différence de ceux-là, il essayait d’attirer l’attention sur la contribution des différentes cultures et civilisations à l’humanité, en mettant les capacités de l’Homme au centre de son intérêt.
Quant à ses recherches sur le sionisme et les mensonges historiques sur lesquels il est basé, les valeurs de ses travaux sont d’une importance telle que le lobby sioniste européen a tout fait pour mettre de l’ombre dessus. Ses thèses concordent avec celles du mouvement des néo-historiens en Israël, selon Hédi Timoumi. Le médecin et militant Fethi Kassemi, dernier intervenant de la conférence, a d’ailleurs consacré son allocution à ce thème, en citant les ouvrages consacrés par Garaudy à l’Etat et à la pensée sionistes. «Il était contre l’idée du peuple élu», explique Kassemi qui a attiré l’attention sur le vrai apport de Roger Garaudy dans ce champ de recherche, affirmant qu’il ne s’est pas contenté de citer les faits historiques mais de chercher et d’analyser les idées et contextes qui se cachent derrière. Et parmi ce qu’il a prouvé, le complot entre le mouvement sioniste et les nazis, pendant la Seconde Guerre mondiale, au prix d’un génocide à l’encontre de communautés juives non puissantes, alors que l’argument de la shoah a été plus tard utilisé pour légitimer la création de l’Etat d’Israël.
Nombreuses sont les vérités que Roger Garaudy a exposées à la lumière du jour, cherchant peut-être sa propre vérité. Le parcours de cet homme reste, sans aucun doute, un mystère qui ne peut être élucidé que par la lecture de son œuvre, une lecture comme il l’aurait voulue, dans l’ouverture et l’universalité.
Narjès TORCHANI
Le : 21-07-2012
http://www.lapresse.tn/21072012/52919/lhomme-de-toutes-les-verites.html
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Tunisie, des universitaires analysent la pensée de Roger GaraudyPublié le Vendredi 20 Juillet 2012 Une conférence s’est tenue à Tunis sur le défunt penseur et philosophe, Roger Garaudy, sous le thème "Roger Garaudy : la science de l’histoire et la recherche de la vérité". Des chercheurs, historiens et activistes des droits de l’Homme ont livré des réflexions sur la vie de ce philosophe français musulman, ses idées et sa relation avec l’Islam, l’Occident et les Arabes. Cette conférence visait à faire connaître la vie et la pensée de celui qui a servi l’Islam, la nation arabe et la cause palestinienne à travers ses livres, plus d’une cinquantaine. Hédi Taïmoumi, professeur de civilisation arabe à l’université tunisienne, a évoqué "la rationalité de Roger Garaudy qui a critiqué la pensée occidentale selon une approche cartésienne, et a mis à nu le sionisme d’une manière scientifique, avant de se tourner vers l’Islam auquel il s’est converti et en a présenté une lecture progressiste". Les Arabes et les musulmans ont perdu un grand esprit qui a soutenu leurs causes et leur religion, en présentant une lecture critique de l’Islam qui lui ôte certaines interprétations erronées qui lui ont été imputées, a-t-il dit en substance. "Garaudy avait appelé les musulmans à accepter l’Etat civil et à revoir certaines pratiques prétendument inspirées de l’Islam. Chose qui lui a attiré les critiques de ceux-là mêmes qui ont applaudi sa conversion à l’Islam et ses positions hostiles à l’occident. Certaines parties ont même appelé à sa circoncision alors qu’il avait 80 ans", a déploré l’universitaire tunisien. "Notre refus des idées de Garaudy sur l’Islam progressiste et sa lecture moderne de l’Islam l’a poussé à se recroqueviller sur lui-même, jusqu’à qu’il soit mort en étant abandonné par tous, de l’orient à l’occident, car, il a fait valoir son esprit libre". Selon Mohsen Mili, professeur de philosophie et spécialiste de la pensée de Garaudy, "Roger Garaudy incarnait la pensée du 20ème siècle dans son ensemble, avec ses évolutions, ses remises en cause, ses échecs, ses victoires et ses tournants, son attachement à la raison lui a beaucoup coûté, au point que la France n’a trouvé un autre qualificatif pour annoncer son décès que de dire que le dernier des négationniste est mort". La bataille de Garaudy avec le sionisme a commencé avant qu’il ne publie aucun livre là-dessus, à l’issue de l’article qu’il a publié dans la presse française et qui l’a conduit en justice. S’il avait gagné l’affaire, Garaudy est entré dans une bataille rude avec les institutions françaises, c’est qu’il a été boycotté par toutes les maisons d’édition, ce qui l’a incité à éditer ses livres à ses propres frais ou à se diriger vers les maisons d’édition libanaises, a dit de lui Ali Manjour, activiste des droits de l’Homme et écrivain. Manjour a lié les positions de Garaudy au carnage de Sabra et Chatila, et à la sauvagerie du sionisme, avec un soutien européen indéfectible. A ses yeux, l’écriture sur le sionisme a connu deux périodes : l’avant et l’après écrits de Garaudy. "Roger Garaudy a constitué un tournant important dans l’histoire du sionisme et sa lecture, car il fait ressurgir les fondements du sionisme, celui-ci n’a pas commencé avec Theodor Herzl, mais a connu ses débuts embryonnaires bien avant, c’est ce qu’a dévoilé Garaudy, en faisant ainsi exploser une bombe intellectuelle". Garaudy n’était pas un philosophe isolé, mais il tournait en dérision l’image du philosophe classique, car la philosophie n’est pas venue d’après lui pour comprendre la réalité selon la vision de Hegel, mais pour changer la réalité, de nature changeante, comme le dit Mohsem Mili. Ali Manjour a évoqué le courage de l’homme qui a critique le sionisme, en considérant la loi criminalisant le négationnisme comme la plus grande faute de la France. "Garaudy était parmi les premiers penseurs qui ont révélé les mythes fondateurs de l’Etat d’Israël, celui qui a refusé la notion du peuple élu, des sujets considérés comme des lignes rouges pour la pensée occidentale. Le philosophe français s’est mis dans la gueule du loup et sa vie était des plus menacées dans le monde." Les conférenciers tunisiens ont été unanimes à dire que la philosophie de Garaudy est "actuelle et moderne". "Sa contemporanéité réside dans le fait que c’est une philosophie qui incite à l’action, un aspect sui generis à l’esprit libre. Garaudy était le modèle du philosophe engagé, responsable, cultivé qui veut changer et ne se limite pas à comprendre". Les participants ont mis l’accent sur la valeur de la critique dans la pensée du philosophe français, c’est qu’il a commencé par l’autocritique, pour aboutir à la critique de la religion à laquelle il s’est converti, en passant par la critique de la pensée occidentale et de la religion chrétienne. "C’est son esprit libre qui l’a poussé à rompre avec le parti communiste français. S’il avait décrit cette rupture de douloureuse l’ayant incité à tenter de se suicider, il a fini par choisir d’une manière irréversible le chemin de la raison". Le fait que les révolutionnaires algériens n’aient pas tiré sur lui un jour, car c’était un homme désarmé, l’avait beaucoup influencé et a libéré son esprit de toute idéologie dogmatique. Il a échappé au joug de l’appartenance ethnique, religieuse et intellectuelle pour être tout au long de sa vie, un partisan de l’homme où qu’il soit, l’épisode de sa vie dédié aux arabes et musulmans reste le point le plus lumineux de son expérience. 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