Il est bien connu que
la transmission d’entreprise ne se fait pas simplement. « L’Owner Buy
Out » pourrait bien être une solution élégante à la question. J’ai demandé
à Jean-Marc Trinquier, consultant senior en fusions-acquisitions et professeur
intervenant à l’ESTP, de quoi il s’agissait…
Quels sont les
avantages d’un OBO ?
Le maintien du pouvoir en place, la fidélisation des
cadres clés et le transfert de savoir dans le temps en font le mode de
transmission le plus sécurisé. C’est pour cette raison que bon nombre
d’associations et de fédérations le recommandent.
Plus
précisément ?
L’avantage principal de ce montage est la capacité à organiser
une transmission dans le temps sans « cassure » lors de la cession
entre l’entrepreneur et la société. Dans la période de l’OBO, le chef
d’entreprise reste en place. Cependant,
il intègre au capital et aux fonctions de direction les cadres « futurs
repreneurs ». Il amortit ainsi le choc de passation de pouvoir. Cela lui permet
également de conserver, pendant un certain temps, le pouvoir, le statut social
et tous les avantages liés à la fonction (salaire, intéressement, protection
sociale, cotisation à la retraite, ainsi
que de manière générale tous les avantages en nature).
En procédant ainsi, il peut concilier ses objectifs « d’individu »
et ses objectifs « de patron ». Les premiers concernent son rapport à
ses salariés, sa société et ses valeurs, le désir de valoriser le fruit de ses
années de travail, la nécessité de bâtir un projet de vie future. Les seconds
exigent qu’il se préoccupe de l’avenir de son entreprise. La transmission doit
porter un projet de développement pérenne, via les perspectives futures portées
par les repreneurs internes. Cela demande d’identifier les repreneurs à
potentiel et organisés, avec une répartition permettant d’assurer une «
non-cassure » et une stabilité dans le temps, et de préserver l’emploi. Il faut
aussi trouver un prix adapté au marché et qui corresponde à une réalité.
Techniquement, qu’est-ce
qu’un OBO ?
Il y a plusieurs sortes d’OBO : patrimoniaux, de
continuité, de développement.
Dans un OBO dit « patrimonial », l’entrepreneur
demande juste à un partenaire financier une « avance sur sa cession
future ». Mais quasiment aucun investisseur ou créancier n’acceptera de
suivre un tel projet. D’autant plus avec les risques liés au temps de
remboursement de la dette senior (risque client, risque organisationnel, risque
de concurrence, risque de marché, etc.). Un OBO de continuité consisterait, lui,
à préparer la transmission en deux temps à ses salariés, dans la continuité de
l’activité, sans « réinventer » la boite. Ce type d’opération, la
plus courtisée par les dirigeants (par simplicité), peu se solder, à termes,
par un échec.
Le reengineering de la société est indispensable pour repartir
sur une phase de croissance. C’est la raison pour laquelle il faut s’inscrire
dans une perspective de création de valeur via un business plan et des
objectifs de développement. Cet engagement n’est possible qu’avec un appui des
parties prenantes sur les thématiques financières, organisationnelles et
humaines.
La mise en place de ce type de transmission est un procédé long
et complexe, mêlant un grand nombre de sujets. Plusieurs conditions doivent
être réunies pour que l’opération soit réalisable, elles portent autant sur le
secteur d’activité, le marché, l’organisation, la structure humaine que sur les
aspects purement financiers.
Comment monte-t-on un OBO ?
L’Owner Buy Out est un montage complexe faisant intervenir
plusieurs acteurs.
L’opération consiste à créer un véhicule d’investissement
(holding) qui va racheter la totalité des parts de la société cible. Pour ce
faire, la holding va être financée à la fois par un apport en titres de
l’entrepreneur (permettant de liquéfier une partie du capital), un apport du
personnel choisi pour la reprise, de la dette senior. Parfois aussi, pour les
plus grosses opérations des fonds propres via un (ou plusieurs) fonds d’investissement,
des quasi-fonds propres (dette mezzanine), une remontée de trésorerie.
Pour l’investisseur financier qui investit initialement, le but
est de faire sa plus value en 5 à 7 ans, lors de la revente de la société. Il
faut donc que la valeur de la cible ait augmenté significativement. Pour cette
raison, il est très important de viser un développement via de la croissance
externe (dans la majorité des cas). Le montage peut aussi prévoir une
augmentation de capital de manière à apporter les moyens financiers nécessaires
pour l’acquisition et le développement de la société.
A la sortie, un LBO peut-être réalisé pour permettre au
management de devenir majoritaire en s’associant à un fonds suivant un montage
semblable et auquel la société est maintenant habituée.
Y a-t-il d’autres
intérêts à l’OBO ?
On peut profiter de plusieurs « effets de levier ».
Levier opérationnel :
optimisation de la gestion, accompagnement vers un fort développement ;
levier fiscal : minimiser
l’Impôt sur les Sociétés via l’intégration fiscale (attention à l’amendement
Charasse) ; levier financier :
utiliser la dette pour augmenter la valeur d’acquisition ; levier social : motiver le management en
l’intéressant au capital ; et levier juridique :
garder la majorité en ayant un apport en capital limité.
Y a-t-il des conditions
favorables pour réaliser un OBO ?
Toute société ne peut pas prétendre à un OBO.
Au niveau des Ressources
Humaines : la société doit avoir une structure RH solide. Un
management en équipe va être mis en place pour avoir une optimisation et des
synergies entre les intéressés et leurs compétences. Les personnes seront-elles
à la hauteur ? Ne vont-elles pas lâcher le projet en route ? Il
s’agit là du vrai moteur de la société, indispensable. Un audit fin et
professionnel doit être réalisé à cet effet pour déterminer les envies, compétences
et savoir-être de chacun. Pour assurer un transfert de savoir et de pouvoir
complet, il faut s’appuyer sur une équipe solide.
Au niveau financier :
une situation financière stable et in
bonis est obligatoire. L’OBO va être un véritable catalyseur pour l’entreprise
mais pour ce faire, il doit être réalisé sur une structure saine.
Au niveau du
développement : tout projet doit être accompagné d’une vision à long
terme permettant la création de valeur. Pour cela il faut, en plus d’une
optimisation de la structure, aller vers une progression, une évolution de
l’entité ; c'est-à-dire passer d’une phase de maturité à une nouvelle phase de
croissance. Avec des objectifs de ce type, la croissance externe est la plus
adaptée (diversification géographique, nouvelles compétences, renforcement sur
un marché etc.) en sus d’une croissance organique plus classique. La vision du
futur doit être clairement définie via des diagnostics stratégiques internes et
externes afin de l’intégrer dans le business plan de la manière la plus objective
possible.
A quoi faut-il faire
attention ?
Transmettre une société est une épreuve délicate même dans le
cadre d’un OBO.
Durant le processus, une mésentente, un écart sur les
objectifs, un problème bénin au départ peut, par effet domino, faire écrouler
le projet.
Dans le cas d’un investissement avec un partenaire financier, le
fonds d’investissement associé va avoir en plus une exigence forte à la fois en
termes de volume de la plus-value (x fois la mise de départ), de rendement
(TRI) et de durée d’investissement. Ces éléments étant tous liés entre eux, il
s’agit de les combiner pour pouvoir répondre aux contraintes imposées par les
fonds. Pour contrôler tout cela, le fonds demandera la mise en place de
reporting allégés pour ne pas étouffer le management mais suffisamment précis
pour mesurer les performances de l’entreprise. Au-delà des conséquences que
peut avoir le non respects des objectifs (non remboursement de la dette,
destruction de valeur, etc.), le risque est lié aux « pouvoirs » que
vont avoir les parties prenantes. Ce périmètre va être défini dans un pacte
d’actionnaires qu’il convient de vérifier et négocier (clauses de sorties, de
valorisation, de gouvernance, etc.).
Comment maximiser les
chances de réussite ?
Un seul mot : l’accompagnement.
Qu’il soit fait en interne ou par du conseil, il est
indispensable, selon moi, de pouvoir intervenir
en amont pour préparer la société : mettre en place une sorte de
« contrat social » entre les parties prenantes, procéder aux audits,
formations, embauches, restructurations éventuelles, réaliser les Business
Plans.
Manager le process
faisant collaborer beaucoup d’intervenants ayant des visions et des objectifs
différents : banquiers d’affaires, fonds d’investissement, avocats,
experts comptables, gestionnaires de patrimoine, fiscalistes ,etc.
Et, enfin, la mise en
œuvre opérationnelle : respect
des plans d’actions, résolutions des problèmes au fur et à mesure, suivi lors
des acquisitions futures, du développement.
Un projet bien mené, même ambitieux, a toutes les chances d’aboutir.