Toine Heijmans, En mer (Prix Médicis 2013)
Extrait: On dirait que les nuages sont accrochés à du fil de pêche : des ovales flottants, énormes. Il va pleuvoir. C'est ce qu'ils disent. Et avec la pluie vient le vent, en violentes bourrasques. Tout ça est à la fois prévisible et imprévisible. Il faut d'abord que j'amène les voiles, question de sécurité. Le vent va les déchirer. Ensuite, il faut que je me préoccupe de l'orage tapi dans les nuages. Je l'entends gronder, au loin. Bientôt les éclairs vont tomber, en longues torsades, à la recherche d'un endroit où frapper. Dans les ports où j'ai mouillé, j'en ai entendu, des histoires de voiliers frappés par la foudre. Ils se fendent par le milieu. Prennent feu. La foudre touche le sommet du mât et une milliseconde plus tard la coque et tout, absolument tout à bord est détruit. Je ne connais personne qui ait vraiment été frappé par la foudre. Pourquoi mon bateau intéresserait-il les éclairs ? Il est trop petit. Une goutte dans la mer. Ça n'a aucun sens de frapper mon bateau. Mon bateau n'a aucune importance.