Titre original : Into the Woods
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Rob Marshall
Distribution : Meryl Streep, Emily Blunt, Anna Kendrick, James Corden, Chris Pine, Johnny Depp, MacKenzie Mauzy, Lilla Crawford, Tracey Ullman, Daniel Huttlestone, Billy Magnussen…
Genre : Comédie Musicale/Fantastique/Adaptation
Date de sortie : 28 janvier 2015
Le Pitch :
Il était une fois un boulanger et sa boulangère. Heureux en ménage, ils s’aimaient assurément mais regrettaient de ne pas avoir d’enfant, sans savoir qu’une méchante sorcière avait jeté un sort à la famille de Monsieur, afin de l’empêcher d’engendrer. C’est alors que la dite-sorcière leur propose une quête, histoire de lever la malédiction. L’aventure commence pour ces honnêtes artisans, dont la route va croiser celle du Petit Chaperon Rouge, de Cendrillon, de Raiponce, du Prince Charmant, de Jack (et ses haricots magiques), ou encore du Grand Méchant Loup. Tous vont tenter de réaliser leurs rêves, contre vents et marées, dans un univers merveilleux, mais néanmoins rempli de dangers…
La Critique :
Comme la majorité des contes de fée, Into the Woods commence par un « Il était une fois… ». Soit ! Cela dit, après cette formule bien connue, tout dérape et les histoires se télescopent. Au centre, un boulanger et son épouse, désireux de faire tomber la malédiction qui les empêche de devenir parents. Dans leur commerce déboule le Petit Chaperon Rouge puis une sorcière. Celle qui a jeté la malédiction en question. On revient vite fait sur le Chaperon, qui ne tarde pas à croiser le loup. Un loup qui n’en est pas vraiment un et qui ressemble à Jack Sparrow. Bref… Viennent ensuite Jack, les haricots magiques, Raiponce et ses cheveux, Cendrillon, le Prince, etc… Rapidement, c’est le bordel et Into the Woods prend toutes les libertés pour justifier les rencontres plus ou moins impromptues de tous ces personnages populaires de la littérature enfantine.
Into the Woods, c’est un peu le Avengers des contes de fée. Le Expendables du fantastique classique. Une joyeuse réunion, dans les bois, et en chanson, adaptée d’une pièce culte de Broadway, créée en 1986 par les patrons de la discipline, à savoir le fameux Stephen Sondheim et James Lapine. Un truc qui cartonne aux États-Unis depuis les années 80 donc, et qui fait carrément partie du patrimoine culturel populaire. Même Obama a cité la pièce dans un de ces discours ! Into the Woods aux pays de l’Oncle Sam, c’est incontournable. Tout simplement. Le film de Rob Marshall était donc attendu au tournant, avec son parterre de stars, et ses mélodies grandiloquentes. En France beaucoup moins, même si le Petit Chaperon Rouge, Cendrillon et cie parlent à tout le monde. On touche là à quelque chose d’universel, que Walt Disney a largement contribué à inscrire dans notre inconscient collectif, grâce à une généreuse poignée de chefs-d’œuvre inoxydables.
Et finalement, il est plutôt logique de retrouver Mickey Mouse derrière l’adaptation cinématographique de Into the Woods. La bouclé est bouclée en quelque sorte, et puisque les choses sont toujours bien faites à Disneyland, le long-métrage de Rob Marshall déboule juste après Maléfique, alias La Belle au Bois Dormant, et juste avant Cendrillon, alias… ben Cendrillon. Deux adaptations « live » de contes de fée déjà illustrées par la firme aux grandes oreilles, inscrites dans une volonté de moderniser un catalogue maintes fois plébiscité par le public. Une vaste opération de recyclage en somme, placée sous la bannière d’une relecture massive de mythes amenés à subir de puissants liftings, pour à la fois se poser comme des œuvres complémentaires aux dessins-animés, mais aussi toucher la nouvelle génération.
Avec son Grand Méchant Loup mi-animal mi-Johnny Depp, son Petit Chaperon Rouge tête à claques, sa boulangère sexy et sa Cendrillon chantante, Into the Woods cadre parfaitement avec les intentions de Maléfique par exemple. Les chansons en plus…
Car oui, qui dit comédie musicale, dit forcément personnages obligés de chanter pour exprimer des sentiments. Dès le début, le film de Marshall annonce la couleur. La musique sera classique. Dans la plus pure tradition de Broadway et de Disney. Pour par exemple dire un truc aussi simple que « je vais rendre visite à ma grand-mère dans les bois », le Petit Chaperon Rouge en fait des caisses et fait des vocalises interminables. Idem pour tous les personnages, qui ont une méchante tendance à se répéter quand il décident de pousser sur leurs cordes vocales, c’est à dire tout le temps. Dans les bois, on chante plus qu’on ne parle et oui, à la longue, quand on ne goûte pas spécialement à ce genre de choses, ça devient soûlant. Même en se disant que ces chansons sont des classiques, difficile de les distinguer les unes des autres, tant il semble que le film ne soit composé que d’un seul et même titre, en plusieurs actes, mais porté par une mélodie en forme d’ultime rengaine, bien rentre-dedans, souvent mièvre, et jamais vraiment originale. En gros, peu importe qui chante quoi. Derrière, la musique est plus ou moins tout le temps la même et les paroles s’apparentent trop souvent à de simples dialogues emberlificotés, riches en rimes, mais pauvres en émotion.
De l’émotion, Into the Woods en manque en effet parfois cruellement. Ce n’est pas faute de voir les protagonistes en chier des ronds de chapeau, mais rarement leurs joies et leurs peines arrivent à toucher au vif. La faute aux chansons encore une fois et à ces curieuses ellipses, certes audacieuses et parfois pertinentes, mais parfois pas du tout. Pour cause : le film part du principe que nous connaissons tous l’histoire de Cendrillon et des autres. Quand vient le climax (ou presque) de leurs arcs narratifs respectifs (le bal pour Cendrillon, la découverte des géants pour Jack, etc…), le métrage appuie sur avance rapide et passe à autre chose. Au bout d’une heure et demi, c’est plié et Into the Woods de broder pour tenter de justifier ses choix narratifs et au final y arriver partiellement.
Partiellement car si le film n’est pas totalement réussi dans sa globalité, il regorge de certains détails plutôt intéressants et stimulants.
Comme Maléfique, nous voici ici en face d’une œuvre féministe. Dans les bois, les hommes sont à la ramasse. Les deux princes de l’équipe, qui courent après Cendrillon et Raiponce sont bien débiles et offrent d’ailleurs un des numéros les plus réussis du lot. Interprétés par un Chris Pine très en forme et par un Billy Magnussen parfaitement dans le ton, ces deux blaireaux sont beaux, mais c’est tout . Ce ne sont pas eux qui mènent la danse. Ils subissent et cèdent. Seul le boulanger (impeccable James Corden) fait preuve de courage, lui qui accuse d’un léger embonpoint et qui ne fait pas partie de la noblesse du royaume. Mais même dans son cas, la condition de son épouse est prédominante. Dans le rôle, Emily Blunt tient les commandes et s’impose, dirigeant du même coup une révolution amenée à faire progresser le statut de la femme dans des contes de fée qui y gagnent ainsi en modernité. Comme Maléfique ou Elsa et Anna de La Reine des Neiges avant elle…
Un point vraiment appréciable et véritablement osé, démontrant du désir de Disney de faire évoluer ses œuvres vers des discours plus en phase avec des questions essentielles de notre époque. De les ancrer dans une réalité tangible et donc de les rendre plus fédérateurs.
Mais alors, pourquoi faut-il qu’ils se mettent tous à chanter sans arrêt ?! Avec ses effets-spéciaux très réussis, son ambiance immersive, ses acteurs pour la plupart droits dans leurs bottes (mention à Johnny Depp) et sa propension à parfois réussir des combinaisons plutôt originales, Into the Woods se plante par contre à maintenir l’intérêt. En sacrifiant des histoires par rapport aux autres, en échouant à traduire des sentiments pourtant puissants sur le papier, et plus généralement, en jouant l’excès, la comédie musicale fantastique de Rob Marshall ne fait pas un sans-faute. Loin s’en faut. Irritant, flamboyant, lassant, grotesque, drôle, inventif, ou simplement plat, ce blockbuster mélodique alterne le bon et le beaucoup moins bon. Eau chaude, eaux froide. En musique s’il vous plaît !
@ Gilles Rolland