Les montagnes peintes d’Argentine
Avec l’Argentine, c’est un nouveau voyage qui commence. Le paysage s’aplanit au fur et à mesure que mon bus se rapproche de Buenos Aires. Après avoir tourné presque plus d’un mois autour des 3300 m entre Cusco et la Bolivie, je perds progressivement en altitude. Les routes s’élargissent et perdent leurs courbes pour pointer droit vers la pampa argentine. Les villes ont des airs de cités européennes.
Sur les conseils de Laurent, un ami français rencontré à Cusco, je fais une première halte à Humahuaca, un petit village touristique de la Quebrada d’Humahuaca, non loin de la frontière bolivienne. En compagnie d’un couple de Français, nous partons visiter le Cerro d’Hornocal. Nous sommes escortés par Faustino et son petit neveu Santino. Assis sur les genoux de son oncle, Santino, 3 ans à peine, me fait rire. Pour qu’il cesse de jouer avec les essuie-glaces, Faustino lui laisse son télephone portable. Je ne peux résister à l’envie de le prendre en photos. Intrigué, il demande alors à passer de mon côté et se met à inspecter mon appareil. Je le laisse le manipuler non sans cacher mon stress derrière un grand sourire. Mon appareil photo est sans doute mon bien le plus précieux dans ce voyage ! En sens inverse, une voiture arrive. Il s’agit des parents de Faustino. Ils s’échangent l’enfant par la fenêtre et nous continuons notre chemin. Nous arrivons au Cerro d’Hornocal. Rouge, ocre, vert, blanc, violet… dentelée par l’érosion, la montagne impressionne encore plus par le dégradé inédit de ses couleurs. Et il ne s’agit pas du seul exemple dans la région. Purmamarca, village voisin, présente également le même phénomène. C’est à se demander si les Argentins ne peignent pas les montagnes !
I need dollar, dollar is what I need !
En Argentine, je découvre un nouveau sport, le « blue market » formé par deux équipes que sont le dollar et le peso argentin. En gros, le jeu consiste à arriver en Argentine avec un maximum de dollars et de trouver une « cueva » (grotte) pour échanger au meilleur taux. Que se passe-t-il ? Il se passe que le peso argentin subit chaque jour des fluctuations impressionantes et que les Argentins ne croient plus en leur monnaie. Ils investissent alors dans cette denrée rare qu’est devenu le dollar comme les Européens avec l’immobilier. Dollars, euros…, ils ont mis en place une véritable organisation sous-terraine et tout ce qui vient de l’étranger semble bon à prendre.
Le dollar est rebaptisé blue dollar. Lui aussi subit des fluctuations. A mon arrivée, il est à 13,50 au lieu de 8,54 (plus ou moins) dans les banques officielles. Quant à l’euro, 16 au lieu de 10,57. Je parviens à échanger mes dollars retirés en Bolivie à 13,50 dans le nord de l’Argentine et à 14 à Buenos Aires. C’est de la folie ! Guichets, voie publique, commerce, agence de voyage… tous les endroits sont bons et je suis surprise de constater à quel point cette économie est plus que bien rôdée. Certains bureaux ressemblent vraiment à des banques. Par contre, tout est dissimulé, aucune publicité ou affichage n’est mis en place pour se signaler. Mais on apprend rapidement entre voyageurs où se diriger pour échanger en sécurité nos dollars. Ainsi l’Argentine se convertit en une destination presque aussi bon marché que le Pérou.
Mais j’ai aussi conscience du désastre vers lequel les Argentins se dirigent. Les prix font la danse de Saint Guy ! Impossible de se fier aux tarifs indiqués dans les guides. Tout augmente d’un jour à l’autre. Quant aux billets, c’est à voir ! Ils n’ont presque pas de pièce. Le métallique est plus cher à concevoir que le papier. Du coup, je me retrouve avec des liasses de billets. Celui de 2 pesos est plus que flippant… pire qu’un chiffon… mais ici, ça passe. J’en récupère pas mal rafistolés avec du scotch. Il m’arrive même d’en déchirer un par mégarde… rien de bien grave, la vendeuse le scotche devant moi et le range dans sa caisse comme si de rien était… Les Argentins s’amusent aussi à écrire sur les billets. Sur l’un d’entre eux, je retrouve inscrit : « Amado Arc Angel Miguel, protege mi mundo ahora » (« Bien-aimé Archange Miguel, protège mon monde en ce jour »). Alors peso argentin, monnaie ou messager ?
Buenos Aires, me voilà!
Après une dernière étape à Salta, je réserve une nuit de bus pour Buenos Aires. Je suis hébergée chez Rita, une sympathique argentine que j’ai rencontrée au Macchu Pichu.
Température estivale ! Buenos Aires je t’aime déjà ! Je regrette encore une fois de ne pouvoir y rester que quelques jours… Heureusement, grâce à Rita, je vais pouvoir vivre comme une vraie Porteño ! Elle m’emmène dans ses soirées et me fait découvrir son quartier. Elle profite également de ma présence pour découvrir les spots touristiques. Depuis 15 ans, elle n’a jamais vraiment pris le temps de connaître certains endroits de la capitale.
Buenos Aires, c’est aussi pour moi un retour brutal à la civilisation. Après plusieurs mois de vadrouille, je me sens un peu hors sujet avec mes chaussures de marche bien usées et mes vêtements qui commencent à se trouer d’un peu partout. Je prends conscience qu’il serait bien d’investir dans de nouveaux vêtements. Rita va aussi être une excellente coach shopping, et m’aide vite à me remettre dans le bain.
Déambuler dans Buenos Aires c’est aussi entendre de drôles chants d’oiseaux. À chaque coin de rue ça siffle, ça parle, ça chantonne, ça klaxonne. Les Porteños ont un talent élocutif qui dépasse l’imagination, un théâtre de rue qui vous décroche irrémédiablement un sourire. Et le compliment n’a pas d’âge. C’est un art qui se transmet de génération en génération et les plus anciens ne sont pas en reste avec leur verve : « Tu sors tout droit de mes rêves », « attends, là, je peux pas parler, il y a deux belles femmes qui sont en train de passer devant moi ! »
Mais au bout de 2 jours, finie la rigolade, l’été fait place au déluge. Les températures chutent d’un bond ! Nous sommes trempées jusqu’aux os. Buenos Aires, pourquoi tu me fais ça ?! Certaines parties de la ville sont même inondées. C’est bien ma veine ! Les pluies sont tellement fortes, qu’il devient compliqué de se déplacer. Je découvre la Boca sous le déluge. Dommage ! Un quartier si coloré que je ne peux photographier à ma guise. Seul avantage, le « Caminito », l’une des rues les plus célèbres et colorées de la ville, est vide. Nous nous réfugions avec Rita dans un café et bénéficions d’une session quasi-privée de tango argentin. Buenos Aires on se reverra !… Pour l’heure, je pars en direction de la Patagonie avec Miquel, un ami venu me rejoindre de Catalogne.