Syriza, le parti de la gauche radicale, a remporté les élections législatives dimanche dernier en Grèce, avec une majorité relative d'un gros tiers des suffrages exprimés. Son leader Alexis Tsipras a été désigné premier ministre dans la journée de lundi.
Les prédictions d'apocalypse en cas de victoire de Syriza furent complétées par toute une salve de bêtises plus ou moins drôles.
1. Tsipras serait libéral. Il serait le Matteo Renzi grec, un soc-lib qui va révéler sa vraie nature. Pour preuve, il veut rester dans l'Europe et même dans l'euro. Minimiser l'importance d'un séisme politique que l'on a décrit comme la fin du monde et des astres quelques semaines auparavant est quelque chose de savoureux.
2. Tsipras serait un souverainiste. La preuve, il s'est allié à Panos Kammenos, un populiste de droite souverainiste également, pour obtenir les 2 sièges (sur 152) qui lui manquaient pour sa majorité parlementaire. Ces commentaires hâtifs, de la part de commentateurs paresseux ou ignorants, se sont multipliés sur les ondes. Julien Bayou (EELV) rappela mardi soir quelques évidences locales: Syriza ne pouvait compter sur le parti communiste qui avait annoncé la couleur avant le scrutin (aucune alliance), ni sur sa droite la plus proche qui ne soutenait que la politique pro-Troïka. Pire encore, il fallait anticiper la future élection du président grec, 200 voix de majorité (et non 152).
3. Tsipras serait un neo-marxiste. Un "champion de la lutte gréco-marxiste contre l'austérité" expliquait même Le Figaro quelques heures avant sa victoire ! Tsipras est même "issu de la gauche marxiste la plus sectaire et antilibérale" assurait Ivan Rioufol, Le Figaro. Horreur ! Dès mercredi 28 janvier, le gouvernement Tsipras annonçait l'arrêt de « la privatisation du port du Pirée et celui de Thessalonique », le relèvement du salaire minimum de 580 à 750 euros par mois, une hausse des retraites, la réintégration de quelques milliers de fonctionnaires et la suppression de deux franchises médicales.
4. Tsipras aurait gagné de peu. On rappelle que 36% des suffrages exprimés avec un gros tiers d'abstentions, cela ne fait pas une majorité. C'est même un quasiment un putsch, un premier pas vers la dictature socialo-marxiste. Mais quand l'UMP (en 2007) ou le Parti socialiste (en 2012) remportent nos législatives nationales avec des scores nationaux à peine plus haut (40%) et une abstention plus élevée (40% en 2007; 44% en 2012), personne ne craint de crier au raz-de-marée dans les rédactions.
5. La victoire de Syriza devait signifier la faillite prochaine de l'Europe toute entière, de la Grèce ou de l'euro. Il fallait écouter David Pujadas se promener à Athènes, en direct pour son journal télévisé, au lendemain de la victoire: " les touristes continuent à s’y promener comme si c’était un jour ordinaire". Sans grand rapport avec les élections grecques, l'euro avait déjà dévissé, il était temps pour nos exportations et le tourisme. Aux premières annonces du gouvernement Tsipras, la bourse d'Athènes dévisse aussi, -9% en une journée. Est-ce si grave ?
6. Refuser l'austérité serait un "saut dans l'inconnu". C'est, mot-mot-mot, l'un des autres commentaires époustouflants de notre notre Pujadas national: "comment les Grecs vivent-ils ce saut dans l’inconnu ?" Primo, la remarque témoigne d'une obéissance idéologique hors normes, mais déjà connue, de certains de nos commentateurs politiques. Secundo, l'austérité en vigueur en Grèce, qui a réduit les salaires d'un quart en 4 ans, fait bondir d'un tiers le nombre de suicides, propulsé un parti neo-nazi à la troisième place du podium législatif et multiplié par 7 le taux de pauvreté en 6 ans, tout en laissant filer la dette publique de 112 à 175% du PIB en 5 ans, n'était-il pas le véritable saut dans l'inconnu ? La destruction méthodique d'une démocratie européenne ?
7. Pour d'autres, la victoire de Syriza devait signifier la fin d'une utopie politique. En France, l'UMP s'est démarquée des autres formations politiques en cachant mal sa crainte et sa stupéfaction. L'austérité conservatrice locale était aussi son programme. D'autres, en Grèce ou ailleurs, assènent que le gouvernement Tsipras va rapidement se "conformer à la réalité". Que le gouvernement Tsipras ne trouvera pas les 12 milliards d'euros pour son plan humanitaire.
8. En refusant de rembourser pas la dette grecque, Syriza veut chiper près de 600 euros "dans la poche de chaque Français". Avez-vous jamais entendu un expert détailler comment a évolué la composition de la dette publique grecque ? Qui furent les premiers prêteurs ? Ou encore à quoi a servi précisément l'envolée de la dette grecque ? L'argument, gentiment naïf et franchement hypocrite, que l'on nous sert habituellement est que la Grèce doit rembourser ce qu'elle a emprunté pour financer des dépenses publiques incontrôlées. C'est un peu court. Les emprunts grecs ont progressé d'environ 50 milliards d'euros depuis 2008. Ils ont servi ... à rembourser les dettes précédentes souscrites auprès d'institutions privées. En particulier, les banques françaises et allemandes, généreuses prêteuses à l'Etat grec avant la crise, étaient en risque. Et la Troïka (BCE, FMI, UE) a substitué des prêts publics à ces financements privés.