Gab Roy, vidéo repentante ou opération de relations publiques?

Publié le 28 janvier 2015 par _nicolas @BranchezVous
Québec

Ce vendredi, l’ex-blogueur et humoriste Gab Roy plaidera coupable aux accusations de contacts avec une mineure qui pèsent sur lui. Il prendra ensuite vraisemblablement le chemin de la prison pour purger sa peine, qui devrait tourner autour de 18 mois de détention. Profitant de ses derniers jours de liberté, il s’est confié à Buzz Bonin lors d’une entrevue plus tôt cette semaine.

Gab Roy et moi

Mettons tout de suite les choses au clair : je ne connais pas Gab Roy personnellement. Avant qu’il ne fasse parler de lui dans les médias grand public à cause de ses propos envers Mariloup Wolfe, à la fin de l’année 2013, je savais vaguement ce qu’il faisait. Ceux qui me connaissent sont au courant, je ne suis pas «choquable». Ou très difficilement. Alors j’ai tendance à me tenir loin de tout ce qui provoque pour provoquer, parce que ça m’irrite quand on tente de me faire réagir pour des questions de morale. Tant que ça ne fait souffrir personne.

J’ai donc suivi les déboires de Gab Roy comme tout le monde, c’est-à-dire sur les réseaux sociaux, plus ou moins à distance. Pour le tome 1, mon opinion s’est ralliée à celle de ses détracteurs. Son texte sur Mariloup Wolfe était franchement inacceptable. Entre liberté d’expression et diffamation, il n’y a souvent qu’un pas, qu’il a franchi. Tout en se faisant le porte-voix de la culture du viol.

Comme il le dit dans la vidéo, Gab Roy a pris une décision stupide et il s’est fermé les yeux. Cette personne, peu importe si elle lui a fait des avances ou non, avait besoin d’aide. Pas qu’une vedette du Web majeure et vaccinée couche avec elle.

Puis est arrivée l’histoire d’une agression sexuelle sur une mineure. Encore plus sérieuse, celle-ci. Des messages échangés entre Roy et sa victime ont circulé sur le Web. J’en ai lu quelques passages, au cours desquels j’ai ressenti un grand malaise. La victime se trouvait clairement dans une position de vulnérabilité, de grande vulnérabilité, ce qui rend les gestes encore plus inacceptables. Comme il le dit dans la vidéo, Gab Roy a pris une décision stupide et il s’est fermé les yeux. Cette personne, peu importe si elle lui a fait des avances ou non, avait besoin d’aide. Pas qu’une vedette du Web majeure et vaccinée couche avec elle.

Bref, des accusations de contacts sexuels avec une mineure ont été déposées et Gab Roy se dit maintenant prêt à faire face à la musique.

Un homme et son personnage

15 minutes de vidéo, c’est suffisant pour aborder plusieurs facettes de l’histoire. Plusieurs y ont vu un mea culpa pur et simple. Tel qu’il le répète à plusieurs reprises, Gab Roy a fait une erreur, il assume pleinement les conséquences de ses actes et ses fans ne devraient pas défendre les gestes qu’il a commis, ni s’acharner sur sa victime en faisant du slut shaming («elle lui a fait des avances, elle a couru après, et cetera»). Il est sincèrement désolé de faire endurer tout cela à ses filles, particulièrement à celle du secondaire, qui est pleinement consciente de tout. Avoir un père en prison, c’est loin d’être la joie.

Sur le fond, donc, sa démarche apparaît tout à fait sincère et louable. Mais il y a, dès les premières secondes, du sable dans l’engrenage côté forme, à commencer par le cigare, gros comme un barreau de chaise, qui participe à la mise en scène de l’ex-blogueur. Cette mise en scène de soi, ce contenant, se fraie tranquillement un chemin dans notre esprit et crée une barrière qui nous empêche d’adhérer entièrement à ses propos. On VEUT croire Gab Roy, mais chaque puff, mille fois plus ostentatoire qu’un crucifix à l’Assemblée nationale, nous freine, et fait en sorte que certains liners sans doute pas scriptés nous semblent soudain calculés, comme autant de formules punchées visant à toucher le spectateur en plein cœur (bonjour, grand-maman de 93 ans!).

Pourquoi ce dérangeant cigare et, plus encore, pourquoi cette vidéo?

Il est grand, le mystère de la vidéo

Pourquoi Gab Roy a-t-il décidé de s’ouvrir à Matthieu Bonin? Selon l’idée que l’on se fait du personnage ou la relation réelle que l’on entretient avec lui, il y a une foule d’hypothèses possibles.

  1. Le gars est vraiment plein de remords et c’est pour lui une façon de se libérer, de donner son point de vue, de montrer comment il a fait du chemin depuis qu’il est disparu de la vie publique;
  2. Malgré qu’il dise « avoir compris que la vie publique ne lui sied pas », il s’agit d’une façon de préparer le terrain pour un éventuel retour;
  3. Il est bien buddy avec Matthieu Bonin, et entre vedettes du Web, on est toujours prêts à s’entraider pour une couple (de milliers) de likes;
  4. Comme son jugement est vendredi, une vidéo repentante représente une habile opération de relations publiques susceptible d’amoindrir la durée de sa peine;
  5. Un peu tout ça, mais sans doute pas pour servir de matériel à la Buzzfeed pour un «article» fort discutable du Journal de Montréal.

Bref, le fin fond des choses appartient à Gab Roy. De mon côté, c’est aussi ce qu’il n’a pas dit qui m’interpelle. Comme lorsque, apparemment serein et en contrôle, il dit ces mots relativement à son arrivée prochaine en prison :

«Je suis préparé. Je sais comment je peux essayer d’évoluer en tant qu’humain.»

Or, on le sait, une vedette du Web qui a abusé d’une mineure risque de passer un mauvais quart d’heure en prison. Plusieurs, même. Là-dessus, pas un mot. Gab Roy a laissé sa vulnérabilité au vestiaire et on le comprend : il essaie sans doute encore de se convaincre que le milieu carcéral ne le marquera pas à vie, et ne lui laissera pas trop de stigmates physiques ou psychologiques.

À toutes les fois qu’une histoire d’agression sexuelle sort, je pense d’abord à la victime. Puis, rapidement, à l’entourage de l’agresseur, qui souffre par ricochet. Et s’il est un passage de la vidéo où fond et forme se font écho, c’est lorsque Roy parle de ses enfants, victimes collatérales qui n’ont rien demandé. À sa plus jeune, il n’a pas osé dire la vérité… et le vernis craque une fois de plus sous les non-dits :

«Je lui ai dit que je partais travailler une couple de semaines aux États-Unis.»

La vérité, elle l’apprendra donc sans doute quelque part dans une cour d’école, quand un «ami» lui lancera au détour d’une chicane : «T’as rien à dire, ton père est en prison.»

Et ça, c’est d’une tristesse infinie.