Lady et Sir Chiltern sont les coqueluches de la bonne société londonienne. Elle est délicieuse. Il est riche et brillant. Lors d'une soirée, une intrigante vient fissurer ce masque en révélant une ancienne escroquerie. Mrs Cheveley, ravissante et subtile, tente de faire chanter Sir Chiltern. Heureusement, Lord Goring, le dandy par excellence, se charge de la belle. Voilà la version légère.
Mais derrière cette façade plus ou moins riante, Wilde s'interroge sur la politique de son temps, sur l’honnêteté des hommes des deux Chambres et sur le succès des escrocs. Tous en prennent pour leur grade, bien entendu. Mais la punition n'est pas bien lourde. Car si l'homme est brillant, pourquoi se laisserait-il entraver par son passé ?
La voix politique des femmes tente aussi de se faire entendre à travers les actions de Lady Chiltern. Toutefois, Wilde la renvoie à sa condition effacée : "La vie d'un homme a plus de valeur que la vie d'une femme. Elle a des perspectives plus vastes, un champ d'action plus large, des ambitions plus grandes". Même si elle semble tourner en dérision cette sentence. Enfin, se pose la question de l'amour et du mérite. "Dans la vie conjugale, l'affection surgit lorsque les gens se détestent totalement, n'est-ce pas ?". Conquérir une femme et une place en mentant, la garder en mentant, voilà qui n'est pas joli joli. Mais du côté des femmes, n'aimer que des hommes idéaux, n'est-ce pas aussi les pousser à mentir pour mieux les éblouir ? Une pièce plus profonde et dérangeante qu'elle n'en a l'air puisqu'elle n'est pas si morale qu'il y parait. Agrémentée de délicieux bons mots de Lord Goring, ce dandy oisif, attachant et brillant, ainsi que de Mrs Cheveley, qui est loin d'être une idiote, le texte est un plaisir ! Et les personnages également. Coup de cœur pour l'hypocrite de la pièce, Lady Markby, toujours à contre-courant.