La Lorraine a l'image du gris. Ca lui colle à la peau. Le noir et le blanc, il faut dire, s'y sont tellement mêlés, au rythme des conflits qui passaient par là, revenaient par ici, trucidaient corps et âmes, faisant pousser les monuments et les cimetières comme des champignons, que ça marque les esprits. Façonne l'attitude. Invite à un fatalisme de circonstance à défaut d'être de bon aloi. Surtout que loin de se répéter, l'histoire continue. Le gris dans les têtes est là.
L'actualité locale est comme un ring qui mettrait des pains sur la tronche du lorrain qui encaisse en bronchant mais en ayant déjà perdu la partie. Le nerf de la guerre n'est plus le même, l'air de la peur ne varie pas. Qu'il ne fait pas bon être un politique par les temps qui courent. En peu de temps, l'annonce de 2 à 3 000 emplois dans l'industrie. Et l'annonce de fermeture de casernes. Avec des départs prévus de milliers de familles. Plus que ça désenclave à coup de TGV et de 4 voies, plus que ça mène à des champs de betterave. Et pourtant, pourtant, je ne parviens pas à céder à la morosité ambiante. Je me dis que de tout cela jaillira quelque chose. Il y a eu de la vie et des vies avant ces combats, ces usines, ces casernes. Il y en aura après.
Les mêmes annonces disent moins tout ce qui se créé ici et là. Paysage en mutation. Géographie qui évolue. Manque le photographe qui pourrait figer de manière plus pertinente cette réalité d'aujourd'hui. A force de regretter celle d'hier, elle ne voit pas encore celle de demain qui se dessine sous ses yeux.