Un film de Lee Daniels (2013 - USA) avec Forest Whitaker, Oprah Winfrey, David Oyelowo, Cuba Gooding Jr, Terrence Howard, Lenny Kravitz
Trop lisse.
L'histoire : Etats-Unis. Années 50. Cecil Gaines grandit dans une plantation de coton où malgré l'abolition de l'esclavage, les maîtres continuent d'avoir tous les droits. La mère de Cecil se fait violer par le jeune patron et son père se fait tuer pour avoir osé protester. La maman devient folle. Cecil apprend le travail domestique et dès, qu'il est en âge de voler de ses propres ailes, il quitte la plantation pour aller s'embaucher ailleurs. De fil en aiguille, apprenant sur le tas, il devient maître d'hôtel dans un établissement de luxe. Et il est remarqué par le service du personnel de la Maison Blanche.
Mon avis : L'histoire est belle et triste, et elle est vraie. Et elle remet une couche sur le terrible épisode de la ségrégation raciale aux Etats-Unis, qui a suivi l'abolition de l'esclavage. Si les noirs pouvaient alors accéder à l'emploi et toucher un salaire, la vie continuait d'être très compliquée. Le film met en opposition deux générations, celle qui a subi la domination blanche sans moufter et continué d'être soumise, par habitude, par peur ; et la nouvelle, qui veut désormais accéder aux mêmes droits que les blancs. Intention louable, histoire intéressante, bien que le sujet ait été mille fois traité. Ce n'est pas que j'en ai marre, mais si un peu. Tout le monde vous parlera, surtout en ce moment avec les commémorations sur la libération des camps de la mort de 1945, du devoir de mémoire. C'est juste que je reste un peu désabusée, un peu sceptique. Car on a beau dire, on a beau faire, l'horreur n'est jamais loin. Les exactions de l'état islamique en sont encore la preuve.
Pour changer ne pourrait-on faire des films qui au lieu de ressasser les horreurs passées, exaltent l'utilité de la démocratie, la tolérance, la philosophie, la beauté du monde, le génie de l'homme quand il se met au service du bien, l'analyse du bien et du mal, l'idée que le bien rend la vie plus belle et plus facile ? Des trucs positifs, quoi...
Pourquoi je me lance dans cette mini analyse agacée ? Parce que le film ne m'a pas vraiment passionnée et que j'ai essayé de comprendre pourquoi. Comme il est, selon moi, mal fait, on s'ennuie souvent, alors ça incite à la réflexion, d'où mon introduction.
Trop long, et surtout trop lisse. Terriblement lisse, presque monotone. Ca manque de vie, de chair, de sueur, d'émotion, de romanesque. Ils ont tous l'air un peu endormi là-dedans. Ce n'est pas naturel, ça fait bisounours.
Prenez cette famille. Papa et Maman s'adorent ; ils ne se disputent jamais. C'est cool. Mais pas vraiment réaliste. Même le plus uni des couples se livre à quelques petites chamailleries ou désaccords. Les fils sont parfaits, polis, bons élèves. Même si on sent que l'aîné ne voit pas les choses comme son père, il n'en dit rien, et attendra gentiment d'être adulte pour aller militer à l'extérieur. Où il sera égal à lui-même et à sa famille : lisse.
Ensuite, on constate que ces gens n'ont pas de famille, et pas d'amis. On ne voit qu'une seule courte scène où ils reçoivent, et elle paraît d'ailleurs presque incongrue tant on est habitué à les voir juste entre eux. Qu'est devenue la mère de Cecil ? On imagine qu'il ne l'a pas laissée là où elle était ? S'en occupait-il ? Allait-il la voir ? Et elle, son épouse ? Pas de famille non plus, semble-t-il... C'est tout de même curieux.
Pourquoi c'est important ? Parce que les intervenants extérieurs, ça amène de la vie ! Des rires et des disputes, des barbecues, des Thanksgiving, des enfants qui courent partout. De l'émotion et de l'humour. Et c'est une des raisons pour lesquelles le film semble si atone. La vie de Cecil se déroule tel un long fleuve presque tranquille et on finit par s'ennuyer.
J'ai même été déçue par Forest qui, avec une telle partition, prend son air de chien battu, éteint du début jusqu'à la fin. Il a pourtant tout pour être un minimum guilleret. Sorti des plantations de son enfance, orphelin, il est devenu majordome à la Maison Blanche, il est fou amoureux de sa femme, son fils aîné va à l'université et le deuxième est militaire. Tout n'est pas rose bien sûr, mais cet homme-là n'est pas vraiment l'exemple parfait du pauvre petit noir qui souffre vraiment de la ségrégation.
Ce n'était pas le but ? Non. Mais alors quoi ? Cet homme a eu une assez belle vie. Pourquoi en faire un héros ? J'ai trouvé tout ça un peu démago quelque part, avec la cerise sur le gâteau : Saint Obama.
Le prétexte des 30 ans passées à la Maison Blanche permet au réalisateur de s'amuser avec un défilé d'acteurs prestigieux (je ne les mets pas là-haut tant les rôles sont courts) incarnant divers présidents et premières dames. C'est rigolo, mais le terme même ne devrait pas être associé à un film qui se veut un rappel de la difficulté des noirs à parvenir à l'émancipation totale !
Oprah Winfrey est magnifique. C'est la seule qui m'ait émue.
Bref, l'intention est bonne, mais le film pas génial, et du coup beaucoup trop long (2h15).
Les critiques sont souvent très élogieuses. Je garderai donc celles qui correspondent à mon ressenti : "De cette matière noble mais prompte à se transformer en Kouglof formaté pour les oscars, Lee Daniels tire une fresque bancale." (TéléCinéObs) ; "Cette fresque historique est poussive est déjà vue... Elle se déroule sans subtilité." (Elle) ; "L’écriture de l’histoire au cinéma n’est jamais mieux prise en défaut que dans son écriture du présent : l’agenouillement aveugle sur lequel le film s’achève vaut pour preuve de son simplisme généralisé." (Critikat) ; "Difficile de ne pas voir en Lee Daniels le roi du calcul, de la démagogie et de l'opportunisme. Avec "Le Majordome" (...), il veut faire oublier les audaces licencieuses de son "Paperboy" pour récolter un maximum de statuettes dorées. Grâce aux aveugles, il devrait y parvenir." (TF1 News).
Le film a fait un carton en France (2.000.000 spectateurs) et dans le monde. Il a remporté six nominations aux Oscars, mais aucune statuette.