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L'Affaire SK1

Publié le 14 janvier 2015 par Cinealain

Date de sortie 7 janvier 2015

L'Affaire SK1 - Affiche

Réalisé par Frédéric Tellier
Avec Raphaël Personnaz, Nathalie Baye,

Olivier Gourmet, Michel Vuillermoz, Adama Niane, Christa Theret,
Thierry Neuvic, Marianne Denicourt, 
William Nadylam


Genre Drame, Policier


Production Française

Synopsis

Paris, 1991. L’histoire vraie de Franck Magne (Raphaël Personnaz), un jeune inspecteur qui fait ses premiers pas à la Police Judiciaire, 36 quai des Orfèvres, Brigade Criminelle. Son premier dossier porte sur l’assassinat d’une jeune fille. Son enquête l’amène à étudier des dossiers similaires qu’il est le seul à connecter ensemble.


Il est vite confronté à la réalité du travail d’enquêteur : le manque de moyens, la bureaucratie… Pendant 8 ans, obsédé par cette enquête, il traquera ce tueur en série auquel personne ne croit.


Au fil d’une décennie, les victimes se multiplient. Les pistes se brouillent. Les meurtres sauvages se rapprochent. Franck Magne traque le monstre qui se dessine, pour le stopper.


Le policier de la Brigade Criminelle devient l’architecte de l’enquête la plus complexe et la plus vaste qu’ait jamais connu la police judiciaire française. Il va croiser la route de Frédérique Pons, une avocate passionnée, décidée à comprendre le destin de l’homme qui se cache derrière cet assassin sans pitié.


Une plongée au coeur de 10 ans d’enquête, au milieu de policiers opiniâtres, de juges déterminés, de policiers scientifiques consciencieux, d’avocats ardents qui, tous, resteront marqués par cette affaire devenue retentissante : "l’affaire Guy Georges, le tueur de l’est parisien".

L'Affaire SK1

Entretien avec Frédéric Tellier

Comment avez-vous été amené à vous intéresser à Guy Georges ?

Une amie à moi avait subi un viol, ce qui m'avait traumatisé et plus tard sensibilisé, à la fin des années 90, à cette psychose autour de ces viols et meurtres à répétition perpétrés par Guy Georges à Paris. J’avais suivi cette affaire, et fini par bien la connaître.

Plusieurs années après, j'ai fait la connaissance des avocats de Guy Georges, notamment Frédérique Pons. Puis, un ami qui travaille à la Crim', au 36 Quai des Orfèvres, m'a présenté au vrai Charlie – Charlie étant un nom d’emprunt pour le film –, le flic qui a enquêté sur l'affaire et qu'interprète Raphaël Personnaz. Cette affaire m'obsédait depuis des années jusqu'au jour où j'en ai parlé au producteur Julien Madon, qui m'a proposé d'en faire un film.

Pourquoi une telle obsession ?

Parce que la question de savoir comment on vit avec le Mal, qui est celle du Livre de Job, me hante depuis toujours. Lorsqu'on me disait, enfant, qu'il fallait souffrir pour être heureux, j'étais toujours agacé : je ne suis pas certain que le fait de vivre de grandes peines ouvre le moindre horizon. Le livre de Job se termine par cette phrase : "le Mal est inconnaissable" – en tout cas, pour moi, il est inconsolable. Cette immersion malgré moi dans cette affaire en était un exemple des plus éloquents : je n'ai jamais cessé de me demander comment les familles des victimes pouvaient aller de l'avant avec autant de courage et comment ce flic, qui s'est gâché la vie en s'acharnant à traquer ce tueur en série – alors qu'on ne savait pas qu'il s'agissait d'un seul et même assassin –, arrivait à trouver la force pour mener son combat.

Quel travail de documentation et de recherches avez-vous mené ?

Avant de m'atteler au travail d'écriture, j'ai réuni des pièces pendant cinq ou six ans. Mais même pendant l'élaboration du scénario, qui s'est étalée sur presque trois années, Patricia Tourancheau et d’autres interlocuteurs ont continué à me procurer de la documentation, tandis que j'avais aussi accès aux témoignages des policiers qui étaient sur l'enquête à l'époque des faits et que j'ai beaucoup consulté les procès-verbaux. C'était d'autant plus important de se documenter en permanence que, dans le film, tout – ou presque – est authentique.

Justement, quelle part de fiction vous êtes-vous autorisée ?

On est ici dans un cinéma de transmission, pas de distraction, et mon souci était de faire le film le plus crédible possible – pas un documentaire bien sûr, mais une œuvre authentique. Il fallait donc que les faits soient le plus honnêtes possible et que j'aie un regard sincère sur l'affaire.

Du coup, je me suis très peu écarté de la réalité. Il faut bien voir que dix ans se sont écoulés entre le premier crime et le procès, et qu'il a nécessairement fallu condenser le temps. Mais l'affaire a imposé sa dramaturgie originelle. La seule liberté que je me sois autorisée, c'est de travailler les personnages et de montrer l'angle humain de l'affaire : Comment le mal affecte-t-il les protagonistes ? Comment l'humain vacille-t-il devant l'inconsolable et continue-t-il de vivre malgré tout ?

Comment avez-vous élaboré et construit le scénario ?

J'ai été seul pendant toute la période "prénatale" de collecte d'informations. Au moment de réfléchir à la dramaturgie, je savais que l’écueil majeur aurait été d'adopter le point de vue de Guy Georges, qui ne m'intéressait pas du tout, et qui était légitimement insupportable. Quand j'ai trouvé la perspective qui correspondait au projet, l'angle sur les personnages, les choses se sont articulées assez facilement. J'ai d'abord fait, seul, un travail de structure autour des deux points de vue – ceux du flic et de l'avocate – qui s'entrechoquent, se croisent, et se décroisent en permanence.

Ensuite, j'ai collaboré à l'écriture avec David Oelhoffen, qui m'a été présenté par le producteur. Il a adhéré à la sensibilité que je voulais injecter dans le scénario, et on a traversé ensemble de grandes joies et de grandes peines au fil de notre écriture tant le sujet était rempli d’émotions fortes, tout le temps.

Sur le plan technique, notre travail a été soutenu par la documentation de Patricia Tourancheau, journaliste à Libération qui a suivi à l’époque l'intégralité de l'affaire et assisté à l'ensemble du procès : son approche journalistique nous donnait du recul et de la précision par rapport aux faits.

Sur le plan émotionnel et celui du vécu, nous discutions et écoutions le vrai Charlie et Frédérique Pons. Et nous leur faisions relire les versions successives du scénario : grâce à leurs conseils, j'ai apporté les réajustements nécessaires.

Très vite, en quelques plans, les personnages existent à l'image, sans psychologie, ni longs dialogues. Sur quoi ce travail repose-t-il ?

Il m'a été très difficile d'entrer de plain-pied dans cette histoire car la charge émotionnelle était puissante : ce sont des faits réels, qui se sont déroulés il y a à peine vingt ans, et si je l'ai fait, c'était pour témoigner d'une affaire terrible à la fois pour la police, pour les avocats et évidemment pour les familles de victimes. Je me sentais donc investi d'une grande responsabilité. Et, du coup, les acteurs ont aussi perçu cette émotion et ont réussi à la transcrire. Naturellement, elle les a affectés et "chargés", d'autant plus qu'ils ont rencontré les vrais policiers qu'ils incarnent à l'écran. Tout cela était très concret, et leur marge de manœuvre était étroite.

On est très loin d'une héroïsation de la police : on est confronté au quotidien, aux déconvenues, et aux frustrations des hommes et des femmes du 36…

Mon objet était d'être honnête, et donc, crédible. Je voulais être proche des personnages, de leur vérité, de leurs tortures, de ce qui les anime. En discutant avec le vrai Charlie, je l'ai senti souvent fragile : j'ai essayé de rendre cette réalité-là à l'écran. Simplement ça. Sans effet. Et sans héroïsation du coup. Comme vous dites : des hommes et des femmes, des invisibles, discrets, humbles, qui font de leur mieux, qui donnent d’eux-mêmes, sans en attendre grand chose. Je ne pouvais moralement pas trahir ça. Et pour moi, le film est intéressant pour cette raison.

En filmant le procès, vous êtes-vous posé la question de la représentation du "spectacle" de la justice ?

Encore une fois, il s'agissait de faire un film qui ne soit pas un documentaire mais qui soit extrêmement documenté. On a tourné dans la vraie salle d'Assises où a eu lieu le procès de Guy Georges, grâce à une autorisation exceptionnelle qui nous a été délivrée. En effet, les autorités judiciaires ont été touchées par le scénario.

Dès qu'on arrive dans cette salle d'Assises, l'ambiance est lourde : tout était tellement réel, et pour cause, qu'il était assez évident d'éviter la théâtralisation. Cette grande salle solennelle avec sa cage de verre (seul élément qui n’existait pas à l’époque) pour le prévenu nous a imposé la sincérité.

L'Affaire SK1

Raphaël Personnaz et Nathalie Baye

Le choix de Raphaël Personnaz et de Nathalie Baye s'est-il imposé rapidement ?

J'avais un impératif de réalité, là encore, et le parcours du flic me semblait initiatique puisqu'il n'a que 30 ans quand il arrive au 36 et s'attelle à l'affaire, et qu'il en sort dix ans plus tard avec deux enfants. J'ai pensé à Raphaël dès l'écriture et son humilité m'a convaincu : il n'a pas eu peur de se plonger dans l'affaire.

J'avais travaillé avec Nathalie et j'avais envie de la retrouver sur un nouveau projet. Ceci dit, tout le monde a envie de tourner avec elle ! Étonnamment, elle est très proche physiquement de Frédérique Pons et elle a vite adhéré au projet. Pour l'un, comme pour l'autre, j'ai essayé de les guider dans l'émotion des personnages, qu'il s'agisse des sept ans de traque pour le flic ou des quatre mois de travail pour l'avocate. C'était intense, et à chaque fois qu'on se posait des questions, on revenait à la réalité qui nous guidait et nous imposait des choix. Le plus lourd à gérer, c'était la charge émotionnelle.

Et les acteurs du groupe "Carbonel" de la Crim' ?

J'avais déjà proposé un rôle à Olivier Gourmet pour un autre film, mais il n'était pas libre. J'avais très envie de tourner avec lui : dès qu'il a lu le scénario, il m'a dit oui. La force du sujet l'a convaincu, j’imagine. Avec lui, les rencontres ne sont pas quotidiennes car il habite en Belgique. Il est venu à Paris sur une journée et on a tout condensé, essais costumes et lectures. Dès qu'il a enfilé le costume, il était le personnage ! Même hors plateau, il reste habité par le rôle jusqu'à la fin du tournage. Il a été puissant et… bougon, tel qu'était le personnage, qui d'ailleurs s’appelle Bougon.

Michel Vuillermoz, qui campe Carbonel, évoquait très bien, pour moi, ce personnage élégant, truculent, meneur d'hommes, tout en étant d'une grande sensibilité. Je lui ai fait lire le scénario, on s'est rencontrés, et il m'a donné une réponse positive.

Il était essentiel que le groupe Carbonel semble soudé. Comment les acteurs s'y sont-ils préparés ?

Je tenais à ce que les acteurs du groupe se rencontrent et passent du temps ensemble. J’ai organisé des lectures, des dîners, un peu à la manière des week-ends de cohésion de groupe en bateau que l’on peut voir dans le film.

Ils ont donc passé beaucoup de temps ensemble, pas forcément pour parler du film, mais pour forger un esprit de corps et apprendre à se connaître. Ils ont aussi passé plusieurs soirées avec le vrai Charlie. Ensuite, avec Raphaël Personnaz, on a fait un gros travail de lectures et d'immersion au sein de la Crim' au 36.

Christa Théret tient un rôle modeste, mais essentiel.

Il s'agit d'un rôle complexe, toujours sur le fil : la seule rescapée de toute cette horreur. Christa est passée par une phase "d'apprivoisement" animal de la situation, du sujet. C’est sa méthode. Puis, elle s'est emparée entièrement du rôle. Avec beaucoup de justesse, et de simplicité.

Quel visage souhaitiez-vous donner à Guy Georges pour éviter la caricature du serial killer ?

C'était très délicat pour Adama Niane, qui l'incarne dans le film, car il fallait qu'il cerne bien les risques moraux qu'il prenait en jouant ce rôle. On a donc énormément travaillé sur la responsabilité morale, et paradoxalement la façon d’interpréter ce personnage. J'ai mis pas mal de temps à dénicher l'interprète parce que je voulais un très bon acteur, mais pas connu : je craignais que la notoriété ne vienne vampiriser le rôle, et je l'ai trouvé en faisant un très long casting. Au final, j'ai hésité entre deux acteurs jusqu'à ce qu'un déclic se produise : Adama m'a montré qu'il pouvait incarner le personnage, tout en prenant une distance personnelle avec lui. Et il a une grande puissance de jeu et de travail. C’est un grand acteur.

Il connaissait bien William Nadylam, qui joue l'avocat, avec qui il avait travaillé sous la direction de Peter Brook. Leurs retrouvailles sur le film se sont donc faites simplement. Plus généralement, il était essentiel qu'on s'épargne le maximum de problèmes pour pouvoir faire aboutir ce projet extrêmement éprouvant : si on ne s'était pas entendus, on n'aurait pas pu tourner le film, étant donné l'ampleur de la tâche qui nous attendait.

La suite de l'interview en cliquant ICI !

Mon opinion

Ce film d'une grande sobriété repose sur un scénario parfaitement documenté, une mise en scène efficace et une reconstitution minutieuse de ce sordide fait divers.

Dix années nécessaires à la police de l'époque pour démasquer un monstre sanguinaire et multi récidiviste. L'opiniâtreté des policiers du 36 Quai des Orfèvres et les moyens mis à leur service à cette époque révolue, sont des éléments majeurs qui constituent, pour grande partie, l'essentiel de la réussite du film.

Les rivalités entre certains services de police, sont à peine soulignées. Frédéric Tellier avoue "comment on vit avec le Mal, qui est celle du Livre de Job, me hante depuis toujours." son film tourne donc essentiellement autour de ce meurtrier, interprété dans le film par un remarquable acteur, Adama Niane.

Un casting de premier ordre allant de Thierry Neuvic, Olivier Gourmet, ou encore l'excellent Michel Vuillermoz côté police.

Et enfin, Raphaël Personnaz s'impose , et réussit une belle composition.


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