The Americans : Agent dormant ne dort jamais
Créée par Joe Weisberg, ancien agent de la CIA, The Americans est diffusée sur la chaîne FX depuis janvier 2003. Alors que la deuxième saison s’est terminée en mai 2014, la saison 3 sort le 28 janvier aux US, l’occasion pour nous de revenir sur deux saisons intenses.
The Americans, c’est l'histoire de deux vrais-faux américains tellement bien installés dans leur coquette banlieue de Washington qu'on se demande parfois combien de saisons il leur faudra pour délaisser la Cause et se fondre un peu plus dans le confort douillet de leur vie made in USA.
La Guerre Froide remise au goût du jour par le républicain Reagan élu à la Maison Blanche en ce début des années 80, donne du fil à retordre à nos agents infiltrés, espions obéissants et hyperactifs. Le programme Star Wars- n'oublions pas que Reagan est un ancien acteur-et la mise en place du bouclier spatial sur ordre présidentiel obligera les Jennings à gérer presque jour et nuit les turpitudes d'autres agents plus ou moins dociles, à subtiliser des plans ultra-secrets -le programme Echo - dans des conditions rocambolesques, à faire le « sale boulot » quand le Centre l'ordonnera, à exceller partout, dans leur vie familiale comme dans leurs activités au service de l'Empire du Mal.
Cette seconde saison, mélange explosif de temps forts à base d'actions réglées au cordeau et de scènes plus intimistes où les problèmes familiaux, humains en somme, viennent s'infiltrer et finalement dérégler les plans bien tirés de la planification toute soviétique de ce couple épatant, nous replonge avec délice dans une période si proche et si loin à la fois.
C'est d'abord le souci permanent avec lequel les scénaristes nous installent dans l'actualité tendue de cette époque - certains la découvriront, d'autres la revivront par le biais de cette fiction- qui fait la qualité de cette saison. Tout est là, en filigrane, décliné par touches successives, Reagan et ses obsessions anti-communistes hante métaphoriquement les couloirs du FBI, les agents sont sur les dents et certains perdront pied dans les bras d'une belle espionne venue de Vladivostock ; le sinistre KGB, représenté ici par la claustrophobique Residentura, bruisse des pires trahisons et complots. La menace pour chacun d'être renvoyé au pays du socialisme réél fait trembler chaque agent en poste à Washington et exacerbe sous nos yeux les luttes intestines les plus cruelles. Exfiltrations, renseignements hautement sensibles, confidences sur l'oreiller, déstabilisation en tout genre sont au menu quotidien de l'homo sovieticus d'alors aux prises avec la peu avouable tentation capitaliste.
Mais la saison ne serait rien sans la famille Jennings, américains trop parfaits, couple rabiboché et attachant qui concentre tous les problèmes et apporte toutes les solutions. Ils sont présents sur tous les fronts. Agents de voyage en couverture et parents attentionnés at home, ils gesticulent en tout sens pour la Cause et s'interrogent quotidiennement sur les dangers encourus par leur progéniture, au gré de missions périlleuses, parfois hasardeuses, qu'ils mènent sans répit. Paige, leur ainée s'émancipe, se tournant -oh sacrilège ! Vers l'Eglise ! -et impose à ses géniteurs les affres de son adolescence occidentale. Sans parler du garçon, plus jeune et plus malléable, fondu de jeux vidéo qui n'hésite pas (comme papa!) à entrer par effraction chez les voisins pour jouer jusqu'à plus soif! Leurs parents effarés se demandant illico si l'Amérique permissive n'a pas totalement perverti leurs kids et s'ils ne s'éloignent pas à grands pas de leur véritable mère-patrie dont les enfants ignorent tout.
Une série hautement addictive
Nous sommes cependant un peu trop souvent éblouis voire étonnés devant la capacité des deux agents à tout organiser partout et tout le temps. Des journées de 24 heures ne suffisent pas à ces deux-là! D'ailleurs, le réalisme revendiqué de la série en pâtit quelque peu mais l'alternance de scènes intimistes et de scènes plus« décoiffantes» et même brutales nous autorisent à y croire et agissent insidieusement sur le spectateur assidu que nous sommes. Nous sombrons alors peu à peu dans une addiction que les cliffhangers psychologiques et les péripéties tordues à souhait ne font qu'accélérer!
Que dire alors sinon bravo aux scénaristes et metteurs-en scène d'avoir réussi un pari difficile: nous faire aimer sans retenue des personnages qui tuent et qui mentent au nom d'une idéologie désuète aujourd'hui, si meurtrière hier. Mais L'Amérique de Reagan n'en sort pas grandie pour autant -pas de place ici pour une vision manichéenne du monde!-, l'âme humaine est partout la même, déchirée et contradictoire, brutale et fragile.
Un différence pourtant, la liberté n'a pas de prix, c'est l' Amérique qu'il faudrait croire mais la saison prochaine nous en parlera probablement !
Critique : Sylvie Noirez
The Americans : bande-annonce saison 1