C’est à nouveau l’heure de la relance en Europe : Keynes n’attend plus que le retour de l’arme budgétaire.

Publié le 27 janvier 2015 par Edelit @TransacEDHEC

Le jeudi 22 janvier 2015 restera dans l’histoire : Mario Draghi, président de la BCE annonce la mise en place d’un QE européen. Le programme va porter sur 60 milliards par mois jusqu’en septembre 2016, soit une enveloppe globale de 1.140 milliards d’euros.

Bref, on a enfin réussi à contrer l’obédience Allemande.

Le Quantitative Easing appartient à la famille des politiques monétaires non conventionnelles.

Le QE est une politique monétaire non conventionnelle. Les banques centrales mettent en œuvre des mesures non conventionnelles lorsque les canaux de transmission (crédit, taux d’intérêt..) de la politique monétaire ne fonctionnent plus de manière satisfaisante. Elle est utilisée dans des circonstances économiques exceptionnelles (crise bancaire, financière ou économique).

La mise en place de ces politiques constitue un grand tournant dans la politique monétaire des banques centrales : ce grand tournant peut être à la fois pensé par ses objectifs mais aussi par ses instruments. Par exemple, la FED a un mandat dual (la croissance et l’inflation) alors qu’institutionnellement, l’action de la BCE ne se limite qu’au maintien de l’inflation à 2%. La croissance est donc un objectif secondaire. Aujourd’hui, avec le QE, la croissance économique est devenu l’un des principaux objectifs de la BCE.

On distingue 3 types de politiques monétaires non conventionnelles :

  • les mesures qui visent à orienter les anticipations quant aux évolutions futures du taux directeur
  • Les mesures qui visent à modifier la composition des actifs de la banque centrale
  • Les mesures qui visent à augmenter la taille du passif de la banque centrale

Attention : Il y a assouplissement quantitatif (ou Quantitative Easing) à partir du moment où il y a augmentation de la base monétaire, mais il n’y a pas d’assouplissement quantitatif quand on vise à changer la structure du passif.

En effet, il existe aussi le Qualitative Easing, souvent négligé : il désigne un changement dans la composition des actifs de la banque centrale qui se traduit par une moindre détention en actifs sûrs et liquides, la taille du bilan restant inchangé.

Un QE, mais pour quoi faire ?

Le QE c’est la « planche à billet » version 2.0. Le QE consiste à acheter des dettes souveraines, des billets de trésorerie émis par les entreprises, reprendre des actifs douteux de banque, racheter des obligations d’Etats à long terme… Tout cela grâce à la création monétaire : la banque centrale injecte ainsi des liquidités nouvelles dans les circuits financiers.

C’est un moyen de relancer l’inflation et de faire baisser le cours de la devise, ce qui favorise les exportations. Cela incite aussi les banques à prêter et permet de réduire la spéculation sur les titres d’Etats.

Plus globalement, c’est un moyen de relancer la croissance. Ça y est, on a enfin trouvé un moyen mais pourquoi est-ce que l’on ne l’a pas fait plus tôt alors ?

Le QE, Une politique pas si nouvelle que ça.

Pour rappel, c’est le Japon qui a été précurseur en matière de politiques monétaires non conventionnelles. Ces politiques n’ont pas fonctionné, le Japon n’arrive pas à sortir d’une crise structurelle depuis 25 ans, même avec l’introduction récente des « abenomics ». Cependant, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, ces politiques ont plutôt bien fonctionné, voire très bien fonctionné pour les Etats-Unis.

Dès 2010, la FED décide d’injecter 600 milliards de dollars à raison de 75 milliards par mois dans l’économie américaine par un nouveau programme de rachat de bons du trésor. Aujourd’hui son taux de chômage est de 5,9% et son taux de croissance annuel moyen est supérieur à 2%.

La BCE a inauguré son arsenal non conventionnel dès 2009 avec la décision inédite d’acheter pour 60 milliards d’obligation sécurisé. Elle a attendu 6 ans avant de commencer le QE ce qui pour certain est une grande erreur : cette politique aurait été bien plus utile au moment de la crise des dettes souveraines en 2012 lorsque les marchés financiers avaient perdu la confiance dans la stabilité de la zone euro. La BCE a toujours été très réticente à l’introduction du QE.

Les Allemands très critiques de cette politique

Tout le monde n’est pas d’accord avec la mise en place de cette politique en Europe, notamment l’Allemagne et son éternelle orthodoxie budgétaire. Ils ont toujours été formellement opposés à l’utilisation de la planche à billet (ils ont connu l’hyperinflation en 1923).

Le président de la Bundesbank avait voté contre la mise en place d’une telle politique. Les Allemands considèrent que la faiblesse de la croissance en zone Euro est liée au très fort endettement et au manque de compétitivité de nombreux pays, et seul des réformes structurelles engagées par les Etats pourront changer cela.

On peut penser que notre QE sera certainement moins efficace que celui des Etats-Unis. Par exemple les taux d’intérêt étaient bien plus élevés aux EU lors de la mise en place du QE ou encore les entreprises américaines ont plus fréquemment recours aux marchés pour se financer et les achats de la banque centrale ont de fait un impact plus direct chez eux que dans une économie (plus largement) financée par les banques.

En d’autres mots, on injecte aujourd’hui de la liquidité dans une économie qui n’a pas vraiment besoin de liquidités, d’après Patrick Artus.

La fin de l’austérité ?

On est de retour dans le débat relance/austérité. Le QE traduit bien une relance de l’économie. Dans un monde idéal, il faudrait compléter cette politique avec l’utilisation des instruments budgétaires et fiscaux, ce qui signifierait la fin de l’austérité.

Les Allemands sont convaincus que l’austérité est le meilleur moyen pour relancer la croissance. Un des grands défenseurs de l’austérité est Jean-Marc Daniel.

Dans Ricardo reviens, ils sont restés Keynésiens, il défend l’idée que la croissance est possible à condition d’adopter une politique de l’offre inspirée par Ricardo plutôt qu’une politique keynésienne de la demande. C’est à dire la croissance par l’investissement et la croissance et par la baisse du déficit public.

Il est convaincu qu’il ne faut pas payer la dette par de l’inflation. D’après lui, la seule solution viable pour réduire l’endettement reste de baisser les dépenses publiques.

Il s’appuie sur l’exemple historique de la Suède: c’est l’exemple d’une politique d’austérité qui réussie ! Entre 91-94, la Suède a connu une crise éco très violente. Son PIB de 1993 est inférieur à 5% de celui de 1991. Le gouvernement a mené une baisse de ses DP spectaculaires : entre 1994-99, la dépense publique est passée de 67% à 53% du PIB. En 2000, le taux de croissance du PIB Suédois était de 2% avec un taux de chômage de 4%.

Dans ce cas, la réduction du déficit de l’Etat a permis un regain de confiance des ménages et une baisse de l’épargne. Ainsi de ce point de vue, pour relancer la croissance il faut paradoxalement faire une politique d’austérité.

On assiste aujourd’hui à la fin de l’austérité en Europe. On ne doit pas cependant oublier que la politique monétaire n’a pas une efficacité éternelle : on peut entrer à tout moment dans la trappe à liquidité (lorsque la banque centrale devient incapable de stimuler l’économie par la voie monétaire). Il faudra donc un jour une relève budgétaire, qui concrétiserait la sortie de l’austérité.

Bref, à qui va le plus profiter cette nouvelle politique de relance ?

Les grands gagnants seront les pays périphériques de la zone euro (Italie, Espagne, Portugal, Irlande). Ils bénéficieront d’une offre de crédit plus abondante et moins onéreuse qu’aujourd’hui avec des taux d’intérêt plus bas.

L’Allemagne aussi sera gagnante : la dépréciation de l’euro entrainée par le QE va accroître sa compétitivité et favoriser ses exportations, dans les pays émergents tout particulièrement.

Par contre en France, il est possible que le QE ait moins d’effets : on emprunte déjà à des taux très faible et le crédit est déjà disponible et bon marché. Le grand problème en France reste la pression fiscale trop forte. Il est donc nécessaire d’accompagner ce QE avec une baisse d’impôt pour créer une vraie relance française.

Les ménages aussi seront gagnants : ils disposeront de crédits plus faibles et pourront renégocier leurs crédits. Enfin, l’augmentation du prix des actifs financiers est l’une des principales conséquences du QE. Cela créera donc un effet de richesse pour les détenteurs d’actifs financiers. On observe dors et déjà une forte hausse du CAC 40 depuis l’annonce de l’introduction du QE européen.