Viollet pressent des rapports intimes entre la géologie et l’architecture. Il se met à chercher dans les massifs des structures cachées. Mieux : il voit la montagne comme «une immense usine». Il écrit en 1875 : «Cette usine fournit l’eau de nos rivières, c’est-à-dire la vie. L’usine est en mauvais état, elle a besoin d’être revue et réparée ; elle périclite par notre faute surtout, et par l’action du temps. Et nous gémissons sur les conséquences de cet état des choses, en essayant des palliatifs qui prêteraient à rire, si on pouvait rire en présence de tant de ruines.» En puisant dans les ressources de la géométrie, de la minéralogie et de la plus pure fantaisie, Viollet entreprend par exemple la reconstruction sur le papier des états successifs de la chaîne des aiguilles de Chamonix. Dès ses 18 ans, le jeune Eugène avait noté dans son Journal : «Je crois qu’il est dans ma destinée de tailler mon chemin dans le roc ; car je ne pourrais suivre celui pratiqué par les autres.» A la fin de sa vie, ses années d’excursions montagnardes vont se traduire par la production d’une carte très détaillée du massif du Mont-Blanc dans laquelle les critiques verront une œuvre d’art plus que de science, ainsi qu’un livre, le Massif du Mont-Blanc (1876) où entrent en collision les productions de ses hémisphères gauche et droit, le romantisme et le rationnel, le désir et le constat.
Source: l'article d'Edouard LAUNET sur le site next.liberation.fr
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