d'après LE DONNEUR D’EAU BÉNITE de Maupassant
Un charron avait marié
La fille d’un fermier.
Après quelques années,
Un fils leur était né.
Ils l’ont appelé Armand.
Quand il eut cinq ans,
Cet enfant s’est échappé
Pour aller voir les fauves en cage
Du cirque installé
Sur la place du village.
Mais il ne revint pas.
En vain son père le chercha.
Il se rendit à la gendarmerie,
Fit des démarches à la mairie,
Questionna les passants,
Interrogea les paysans.
Une fois, un voyageur lui raconta :
-« Moi, j’ai connu un gars
Qui avait perdu sa fille.
…Il l’a retrouvée à l’église de Blonville. »
Espérant une pitié de la destinée,
Le charron rechercha son garçon
Dans toutes les églises de la région
Pendant des années,
Certain de le trouver parmi les fidèles.
Un jour, dans l’une d’elle
Il remplaça au pied levé
Le donneur d’eau bénite
Qui venait de décéder.
Lors des messes dites,
Il dévisageait tous ceux
Qui priaient dans le saint lieu.
Un dimanche, à l’issue de l’office,
Le curé et un jeune homme bavardaient.
Le charron avait vu jadis
Le visage de ce dernier.
Alors il s’approcha
Et lui demanda :
-« Ne vous apelez-vous pas Armand ? »
-« Oh ! Quelle surprise ! Papa Jean ! »
Ils se sont embrassés et ont pleuré
D’une joie démesurée.
Puis ils se rendirent chez le jeune homme
Qui raconta : -« Quand j’étais môme,
Des saltimbanques m’ont enlevé.
J’ai mené leur vie dépravée.
Mais un an après, au début de l’été,
Ayant assez de ces lascars,
Je les quittais
Et errais au hasard.
Un soir, une marquise
Riche et exquise
M’a recueilli et m’a adopté.
Elle n’avait pas d’enfant.
J’ai hérité
D’une belle fortune à son trépas.
Bien sûr, je vous ai cherché longtemps
Mais on ne vous connaissez pas.
Personne. Nulle part. Voilà mon histoire.
Et maintenant, si vous le permettez
Je vais vous présenter
Ma fiancée, Victoire !