Il n’y a pas tout à fait un an, je vous disais ma déception que j’avais éprouvé concernant le dernier album de Vincent Delerm, un de mes artistes musicaux préférés, tant j’avais eu l’impression en l’écoutant que pour la première fois depuis plus de dix ans que je le connais, je m’étais senti un peu éloigné de son univers.
Cette –relative- déconvenue ne m’a nullement empêché d’aller l’applaudir lors de son passage sur Lyon. Surtout que cette année , il est venu chanter, le 16 janvier dernier précisemment, au Radiant, ma salle fétiche, pour y présenter son nouveau spectacle, dans lequel ce dernier album constitue la première partie, alors que la seconde partie tourne autour des albums précédents, la seule condition étant visiblement que les chansons sélectionnés parlent de couple ou au moins de jeunes filles (on aura donc droit aux "filles de 1973" mais pas au magnifique "Chatenay malabry")
Car Delerm n’en finit pas d’exploiter le sujet (incontestablement inépuisable) de son dernier opus, à savoir le couple, et plus généralement le rapport entre un homme et une femme.
Les célibataires qui sont venus voir Delerm ont pu alors se sentir un peu de trop (c'est ce que certains m'ont d'ailleurs dit sur Twitter) lorsqu’il a allumé la salle et qu’il a sondé les spectateurs pour connaitre la durée d’âge de leur couple, mais les autres étaient forcément ravis de cette complicité avec le public qu’on n’avait pas forcément ressenti dans le dernier spectacle Memory.
Alors certes, certains des défauts que je trouvais dans l’album "Les amants parallèles" restent peu ou prou les mêmes en live : cette vision du couple est toujours un peu trop minimaliste et manque par trop de relief et d’humour, mais on apprécie largement le fait que Delerm, comme il le fait toujours en concert ,se permette de rajouter ici et là des enregistrements complètant les paroles originelles, en y dévoilant quelques anecdotes pas piqués des vers et qui parviennent à rendre ces petits riens moins insignifiants et finalement plus universels que sur le disque.
Et puis et surtout, le concert prend toute son ampleur grâce à la mise en scène subtile et réussie signée Aurélien Bory. On a ainsi pas mal de textes et de silhouettes projetés fond de scène par des rétroprojecteurs (qui font un peu penser à ceux qu’on avait dans nos années lycées).
Une scénographie manuelle qui rentre en résonnance parfaite avec l'artisanat du piano arrangé de son complice Clément Ducol., l'arrangeur du disque-et accessoirement pour la rubrique people compagnon de Camille.
Ici, contrairement au disque où ce piano arrangé ne sonnait pas toujours de façon très agréable à l’oreille, cet instrument qui joue tout seul apporte une vraie mélancolie et une vraie touche de magie au spectacle, témoin ce Magnifique "Hacienda", très belle réflexion sur la paternité qui me touchait déjà sur disque, mais pas à ce point.
Alcaline, le Concert : Vincent Delerm - "Hacienda"
Plus que jamais, Delerm met en avant son instrument fétiche et avec ces deux pianos, arrive à apporter un peu du lyrisme qui faisait défaut à son album. Du coup, les morceaux bénéficient d’un rythme quasi, cinématographique, et plus qu’en écoutant le disque on voit mieux les images se bousculer d’avec les mots, comme dans ce magnifique (mais hélas trop court)" le film" qui ouvre l’album « Et tu connais le film par cœur la fille maladroite l’ascenseur le garçon sous la pluie qui court… »
Quant à la seconde partie du spectacle, elle est réellement enchanteresse et on est ravi que Vincent Delerm ait un peu freiné son désir de ne plus faire de simples tours de chants sans mise en scène accompagnant.
Car dans cette seconde partie, Delerm revient à ses premiers amours, le piano voix et les monologues intérieurs (faussement) désabusés et autres anecdotes décalées qu’il livre en off ou en in au public, et cela, le public de Delerm l’apprécie forcément, tant cela fait partie de la touche Delerm, au risque que les autres, une fois encore (même si ce ne sont pas forcément les mêmes que ceux qui étaient en couple) se sentent un peu mis sur la touche.
C’est ainsi que le "ah bon!" qui ponctue chaque strophe de la fameuse "Vipère du Gabon" du mythique premier album sera reprise par les ¾ de la salle, à la grande surprise du quart restant (surement des abonnés du radiant)….
Mais même ce quart non initié a semblé être vraiment réceptif aux incontournables de l’artiste, entre "Deauville sans Trintignant" ( qui donne malheureusement une fausse image d’un homme et une femme que j’ai vu récemment en DVD) , , "Le Baiser Modiano" ou encore "Le Monologue Shakespearien" sur lequel le public ( et presque dans son entier ce coup ci ) finira par chanter tout seul les refrains: "On a planté en pleine nuit l’Archevêque de Canterbury, on a posé un lapin au dénouement Shakespearien..."
Bref, un concert assez incroyable, quasiment du même niveau que celui qu’il avait donné au Théâtre de la Croix Rousse en 2009 ( la date est mémorable, ma compagne était enceinte jusqu’au dents de notre fille et une nouvelle fois un vrai et beau moment de communion et de complicité avec un artiste qui sous ses dehors de faux dilettante, semble réellement touché et ému par ces gestes de grande affection.
Alcaline, le Concert : Vincent Delerm - "Fanny Ardant et moi"