Photographe, née en 1949, Françoise Saur nous présente son pays natal, à travers une exposition intitulée Voyages en Algérie, 1970-1975, 1999-2010.
Vue de l’exposition, du noir et blanc à la couleur © photo: Caroline Megel
Diplômée de l’école Louis-Lumière de Paris, puis de la Folkwangschule für Gestaltung d’Otto Steinert à Essen (Allemagne), Françoise Saur n’oublie pas son pays, qui la vu grandir jusqu’à ses douze ans. Première femme à remporter le prix Niépce en 1979, elle est en perpétuelle recherche d’un rapport à l’autre. Ses photographies sociologiques ou documentaires se transforment en narration pour évoquer le récit d’un monde lointain, empreint de mystère et d’onirisme.
Sa collecte d’images s’apparente à un journal photographique, qu’elle nous fait partager pour la première fois, notamment dans une petite salle au cœur de l’exposition. Nous sommes amenés à y pénétrer depuis le début de notre visite, car la voix de la photographe résonne et emplit l’espace de son timbre évocateur d’une vie comblée de péripéties. Tels des témoignages de sa vie passée, des carnets de bords sont ici exposés sur les murs accompagnés par des photographies, dont Françoise Saur est le sujet. Prise en train d’être habillée en robe traditionnelle, elle nous montre un moment d’intimité, où le bonheur de l’instant est palpable. L’enregistrement sonore réalisé par son fils, Joris Rühl, amplifie le sentiment de rencontre et de partage. Semblable à une discussion en tête-à-tête avec chaque visiteur – nous pouvons nous asseoir sur des poufs autour d’une table basse où sont disposés des livres de la photographe – elle nous livre ses pensées.
Algérie – Hauts-Plateaux, années 70 © Françoise Saur
Évocatrices d’une réminiscence, les photographies explorent de façon singulière le travail et la volonté de l’artiste à mettre en image le moment présent. En effet, dans les années 1970, Françoise Saur a redécouvert l’Algérie avec un regard d’adulte, bien différent que celui qu’elle avait à son départ. Spontanéité et nostalgie s’entremêlent dans ces clichés en noir et blanc à l’esthétique épurée – sans artifice coloré – représentant des hommes et des femmes dans leurs quotidiens au milieu du désert ; une capture d’un instant de vie.
Cette démarche me fait penser au travail d’Henri Cartier-Bresson (1908-2004), photographe, reporter et dessinateur français. Tel un chasseur, il était dans l’observation constante, pour être disponible et réceptif à l’image qui s’offre à lui. Il suffit d’être présent, sans réfléchir, s’oublier dans la contemplation d’un moment singulier, mais toujours avec le doigt sur le déclencheur ; se tenir près à la rencontre du hasard. Également assoiffé de voyages, il a parcouru le monde armé de son Leica – un autre point commun avec Françoise Saur – à la recherche de l’instant décisif, dont il fit son leitmotiv. C’est le moment où tout se joue, le moment qui conduit à un résultat définitif ; le déclenchement est guidé par un instinct très fort, puissant, permettant de libérer l’esprit au bon moment, lorsque l’événement survient.
Vue de l’exposition, série en noir en blanc © photo: Caroline Megel
Grâce à une association franco-algérienne, Françoise Saur a entrepris un nouveau retour aux sources entre 1999 et 2001, et a fait le choix de ne vivre qu’entre femmes, habitantes du Gourara, au sud du grand erg occidental. Hospitalité et humanité sont les sujets de ces clichés, dont les protagonistes sont liés par une confiance indubitable. Au fond, nous sommes les mêmes femmes d’un seul monde.
Par ailleurs, les photographies en noir et blanc se confrontent à celles en couleur. Les murs d’une autre salle en sont parés. Les clichés en couleur « permettent de prendre de la distance par rapport à la réalité et d’être pourtant dans son intimité », explique Françoise Saur. De la distance il y en a, mais pas seulement dans la technique. En effet, entre les deux périodes de prises de vue, des changements se sont opérés dans ce pays. La photographe est partie en France à la fin de la guerre d’Indépendance (de 1954 à 1962) et depuis, de nombreux bouleversements ont rythmé la vie des algériens ; les clichés révèlent certains stigmates, notamment les pratiques ancestrales se heurtant à la modernité envahissante. Les prises de vue sont des invitations au dépaysement tout en étant une interrogation sur le devenir du pays.
Il s’agit d’un retour aux sources pour apprendre l’histoire d’un peuple et l’histoire de son pays natal mais également celui de son cœur. Françoise Saur nous convie à l’accompagner dans ses voyages, son errance et ses découvertes par le biais de ses clichés, immortalisant ses souvenirs.
Caroline.
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Exposition à la Galerie de La Filature jusqu’au dimanche 1er mars 2015
20 allée Nathan Katz – 68100 Mulhouse
Entrée libre du mardi au samedi de 11h à 18h30
Les soirs de spectacles et le dimanche de 14h à 18h