Selon les statistiques de l’Agence Française pour le Jeu Vidéo, plus de la moitié des joueurs seraient en fait des femmes, et pourtant, nombreuses sont celles qui déplorent la présence d’une console dans leur salon. En effet, la précieuse manette de monsieur serait en train de détruire leur couple petit à petit.
Avachi dans le canapé, Bastien a les yeux rivés sur l’écran. On ne l’entend pas. Seules les pétarades de sa mitraillette se font entendre de la sortie audio du téléviseur. Il est bientôt 20h et il entame sa dixième heure de jeu d’affilé. Une attitude que Coralie, sa compagne, ne comprend pas : «Depuis qu’il joue aux matchmakings, il a disparu de la surface de la Terre. Il est dans son monde et ce qui se passe autour, il le remarque à peine». Et il a peut-être tort, car ce soir Coralie s’est apprêtée. Elle a mis sa plus jolie robe, s’est pomponnée pendant une heure et ce soir, elle sort avec ses copines. Elle précise «Je lui ai dit que j’allais sortir. Et je lui ai répété! Depuis une semaine! Mais quand je vais passer la porte, c’est à ce moment-là qu’il va s’en rendre compte, parce qu’il n’écoutait pas quand je lui ai dit. Et du coup il va s’énerver». Le manque de communication, c’est le premier problème dans un couple dans lequel une addiction aux jeux vidéo s’est immiscée.
Chronophagie et addiction
Même problème chez Deborah : «Budget, temps, tout y passe! C’est bien simple, moi je n’existe même plus». Dans son couple avec Cédric, au début tout était rose. La belle passait avant tout le reste dans le cœur de son homme. Mais avec le temps, les choses ont changé. Il faut dire qu’à leur rencontre, il n’allumait pas sa console dès qu’il avait cinq minutes de temps libre. Maintenant c’est devenu un réflexe. Selon Deborah, la journée-type de Cédric est très simple : «il se lève, se sert un café et allume la console. Ensuite il va bosser quand même, mais il part le smartphone à la main, et je sais qu’il joue dans les transports. Plusieurs fois, je l’ai vu emmener sa console portable discrètement glissée dans sa poche. Il travaille dans une banque. J’espère que les clients ne le voient pas jouer. Je le prendrais mal à leur place. Le soir, quand il rentre du travail, il s’installe devant la télé pour jouer jusqu’à ce que je l’appelle pour le dîner, il se contente alors de mettre pause et de changer la source du téléviseur pour qu’on puisse regarder les infos pendant le repas. Le dessert à peine terminé, il retourne s’installer manette en main jusqu’à ce qu’il aille se coucher». Un véritable calvaire pour Deborah qui se retrouve à assumer seule l’ensemble des tâches de la maison. «Qu’il ne s’occupe de rien dans la maison, c’est une chose, mais des fois j’aimerais bien qu’il s’occupe au moins de moi» précise-t-elle.
La place du couple
Coralie ne reçoit pas beaucoup plus d’attention de la part de Bastien. Elle préfère encore en rigoler : «Il est capable de sortir les dates précises de toutes les sorties de jeux, en revanche, mon anniversaire, il ne s’en rappelle pas, au bout de 6 ans de couple!». Question d’intérêt. La mémoire est sélective et on retient plus facilement
des dates pour des sujets qui nous passionnent. Que penser alors de la façon dont Bastien voit son couple? «Mais non, je l’aime!» argue-t-il, «mais ce qu’elle me raconte est rarement intéressant, alors je préfère jouer». Incompréhensible. Comme si ses jeux étaient une sorte de bulle dans lequel il éviterait d’entendre sa femme quand elle parle trop. Et sa compagne a bien essayé de ne plus prononcer un seul mot: «Ma copine Sophie m’avait conseillé d’essayer un petit truc, je n’ai pas ouvert la bouche pendant trois jours de suite. Je n’ai rien dit, rien demandé». Bastien n’avait même pas remarqué, trop absorbé par ses jeux.Des concessions
Chez Belinda, on a trouvé la parade. «Nous, on fait tout à deux. Et c’est presque normal pour un couple. Quand je pars en vacances, c’est avec lui. Quand je dors, c’est avec lui. Pour les jeux, c’est pareil, c’est avec lui». Dans le salon, Belinda et Pascal jouent en coopération et leurs parties multi-joueurs se font sur écran partagé. Et la règle d’or, c’est surtout de ne jouer que sur certaines plages horaires. Elle précise: «on s’autorise un moment de jeu le week-end seulement, soit le samedi, soit le dimanche. Jamais les deux». Et le reste du temps est libre pour faire d’autres activités à deux. Des concessions qui ont permis au couple de ne jamais se disputer. Ce qui n’était pas le cas dans le couple de Clara chez qui les éclats de voix en dehors des sessions de jeu ont fini par prendre le dessus. «Mon ex passait tellement de temps sur son jeu de rôle, que j’ai fini par le quitter pour un mec de sa guilde» explique-t-elle.
Avoir une passion et se détendre sur des jeux vidéo, c’est bien. Mais avant d’y consacrer tout votre temps, n’oubliez pas de regarder ce qui se passe dans le monde réel. Vous risqueriez peut-être d’atteindre le game-over avec tout autre chose que votre partie.