FAQ : Les questions que vous vous posez après la victoire de Syriza en Grèce

Publié le 26 janvier 2015 par Plusnet
C'est une nouvelle ère politique qui s'ouvre en Grèce, et peut-être en Europe, avec la victoire du parti de gauche radicale Syriza. C'est la première fois qu'une formation qui s'oppose aux politiques d'austérité menée par Bruxelles dirige un pays. Après un certain vent d'espoir, salué par de nombreuses formations politiques, se posent les questions concrètes.
Syriza peut-elle se passer des autres partis grecs ? 
La victoire du parti de gauche radicale est historique parce qu'elle se conjugue avec le recul des grands partis traditionnels, les conservateurs de Nouvelle Démocratie – qui obtiennent 76 sièges – et les socialistes du Pasok, qui n'obtient que 4,88 % des voix et 13 sièges, mettant fin à quarante ans de bipartisme dans le pays. Syriza n'ayant pas obtenu la majorité absolue au Parlement – 149 sièges au lieu des 151 requis –, elle doit mettre en place des alliances ou une coalition, qui ne se négocieront pas avec les grands partis traditionnels, mais avec une ou plusieurs des autres formations qui ont dépassé le seuil des 3 % des voix nécessaires pour avoir des élus. C'est avec le parti de droite souverainiste Grecs indépendants AN.EL qu'un accord de gouvernement se dessinait lundi matin. « Nous allons donner un vote de confiance au nouveau premier ministre, Alexis Tsipras », a affirmé Panos Kammenos, président de cette petite formation. M. Tsipras est devenu le premier ministre le plus jeune du pays en plus d'un siècle lors d'une cérémonie lundi après-midi. Une consultation avec les centristes de To Potami est également envisagée, représentant une option d'alliance plus modérée vis-à-vis de l'Union européenne (UE). Aucun rendez-vous n'a cependant été fixé avec eux, pas plus qu'avec les communistes du KKE, avec lesquels M. Tsipras souhaite discuter, bien qu'ils aient régulièrement exclu toute alliance.
Quel sera le rapport de force avec l'Union européenne? Même si Alexis Tsipras a promis de maintenir son pays dans la zone euro, évitant ainsi la « Grexit », et s'il a modéré son discours ces dernières semaines, sa nomination comme premier ministre constitue la remise en question la plus marquée de la méthode de gestion de crise adoptée par l'UE depuis plusieurs années. Le plus gros dossier qui sera au menu des pourparlers avec la « troïka » de créanciers est le remboursement de la dette publique grecque, qui atteint 321,7 milliards d'euros (175 % du PIB), et sur les conditions du versement de plus de 7 milliards d'euros d'aides financières dont la Grèce a besoin au cours des mois à venir car elle est encore incapable de lever des capitaux seule sur les marchés. Les mises en garde des responsables européens n'ont pas tardé à tomber lundi. Ainsi de la Banque centrale européenne (BCE), qui a déclaré : « Il n'appartient pas à la BCE de décider si la Grèce a besoin d'un allégement de la dette. Mais il est absolument clair que nous ne pouvons pas être d'accord avec l'allégement d'une dette qui comprend des obligations grecques détenues par la BCE. » La chancelière allemande, Angela Merkel, a répété que Berlin attendait du futur gouvernement grec qu'il respecte les engagements pris jusqu'à présent par le pays en matière de réformes économiques et de rigueur budgétaire, a fait savoir son porte-parole. Un rééchelonnement de la dette grecque est une option, mais il n'est pas question pour l'Allemagne d'accepter un effacement. Ni pour les ministres de l'économie européens, qui se réunissent lundi à Bruxelles, à en croire le premier ministre finlandais Alexander Stubb :
« Il n'y aura pas de remises de dette, mais nous sommes prêts à discuter d'une extension du programme de renflouement ou des échéances [qui arrive à échéance le 28 février]. »
Quelles seront les premières mesures que prendra Syriza ? Mettre fin à l'austérité, renégocier la dette et relancer la croissance : le programme économique de Syriza est connu depuis avant le début de la campagne pour les législatives. Le parti avait annoncé la mise en œuvre d'une dizaine de mesures au lendemain même de la formation de son gouvernement, mercredi, visant à relever le niveau de vie des plus vulnérables en agissant sur le niveau du salaire minimal ou de la retraite, mais aussi en introduisant des allégements fiscaux et en mettant en place des aides sociales pour les plus démunis.
Entre autres mesures, le programme de Syriza prévoit une hausse du salaire minimal à 750 euros, un 13e mois pour les retraites de moins de 700 euros et un relèvement du seuil annuel de revenus imposables pour les particuliers, abaissé à 5 000 euros, et que Syriza propose d'établir à 12 000 euros. Le coût de l'ensemble de ce programme est estimé par Syriza à un peu moins de 12 milliards d'euros sur deux ans, qu'il compte financer avec la lutte contre l'évasion fiscale et la contrebande, la réaffectation des ressources issues du programme européen et des ressources issues du fonds de stabilité financière.
Cette dynamique politique peut-elle se répéter dans d'autres pays européens ?  Avant même les législatives, Syriza avait inspiré plusieurs partis politiques europeéns. Avec cette victoire, les yeux vont se tourner vers l'Espagne, dont le parti de gauche radicale Podemos rêve d'un destin similaire pour les rendez-vous électoraux de 2015 – des municipales en mai, des régionales partielles au printemps et en septembre, puis des législatives, en principe en novembre
Les deux partis politiques s'opposent à une « troïka » (Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Commission européenne) jugée responsable des maux de l'Europe, dénoncent la corruption des « élites », accusées de « s'être approprié » des institutions démocratiques et revendiquent une solidarité des peuples de l'Europe du Sud. Au-delà de l'Espagne, la situation politique grecque intéresse en Irlande ou au Portugal, pays aussi durement touchés par des politiques économiques d'austérité. Si le Portugal ne dispose pas, pour l'heure, d'une formation calquée sur le modèle de Syriza – les mouvements et les partis situés à gauche du Parti socialiste ne sont pas parvenus à créer d'alliance ou de dynamique –, le paysage politique irlandais voit, lui, monter l'Anti-Austerity Alliance, une large alliance anticapitaliste lancée en 2014. Leur leader, Paul Murphy, était d'ailleurs venu vivre la victoire en direct à Athènes.
En France, le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, très présent dans les médias dès dimanche soir, prédit que « c'est une page nouvelle pour l'Europe » et une « occasion de refonder l'Europe, qui est devenue l'Europe fédérale des libéraux ».



Cette victoire peut-elle avoir une incidence sur la politique française ? Difficile à dire. Il ne fait pas de doute que plusieurs formations de gauche, au premier rang desquelles le Parti de gauche, espèrent un effet de contagion : profiter de cette victoire pour montrer que l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement de gauche radicale et antiaustérité est possible. M. Mélenchon y voit déjà un « effet domino » grec et un « printemps européen ». Chez les Verts, Cécile Duflot, qui a signé une tribune mise en ligne sur le site de Libération, juge que « la première bonne nouvelle grecque, c'est de faire renaître un vrai débat européen » et que, désormais, « un nouveau consensus peut naître ».
Ces dirigeants avaient fait part de leur soutien à Syriza en se réunissant lundi au gymnase Japy, à Paris. D'aucun voyaient déjà dans cet improbable rendez-vous « le futur gouvernement de la France ». Pour autant, les conditions ne sont pas, aujourd'hui en France, réunies pour l'émergence d'une grande force de gauche radicale, ainsi que l'explique notre journaliste Nicolas Chapuis.
Pourquoi même des partis de droite se réclament de Syriza en France ?
Ce n'est pas exactement que ces partis de droite se réclament politiquement de Syriza, plutôt qu'ils ont vu dans cette ascension une occasion de rappeler leur positionnement eurosceptique. Ainsi de Marine Le Pen qui, avant les élections, annonçait son soutien à Syriza, une stratégie qui visait aussi à démarquer le Front national (FN) du parti néonazi Aube dorée, arrivé en troisième place avec 17 élus, mais auquel le FN ne veut pas être associé.
Ainsi aussi de Nicolas Dupont-Aignan, député de l'Essonne et président de Debout la France, parti gaulliste et eurosceptique, qui a salué la victoire de Syriza, estimant qu'il ne s'agissait « pas seulement [de] la victoire de la gauche radicale mais aussi [du] réveil d'un peuple qui n'en pouvait plus ».
Source : LeMonde