La délicieuse plongée dont m’avait privée ma dernière lecture, je l’ai vécue avec Le complexe d’Eden Bellwether, une brique de 500 pages qui m’en a paru la moitié. Dès le prélude, on tombe en apnée, le souffle retenu. Il y est question d’ambulance, de police, d’un mort sous un drap. De deux morts en fait. Deux petites pages qui mettent la table. Par la suite, le sentiment du danger imminent ne nous lâchera plus. Grisante alarme.
Oscar, un aide-soignant dans une maison de retraite pour personnes en perte d’autonomie rencontre Iris, la sœur d’Eden, un organiste de génie dont la prestation attire Oscar, athée convaincu, dans l’église où il se produit. Un envoûtement. Oscar, en amour d’Iris, sera introduit dans la famille opulente des Bellwether. Il deviendra membre à part entière de la petite bande d’amis qui fréquentent Iris et Eden. À partir de ce moment, l’engrenage est en marche. Non seulement, on sait qu’un drame est inévitable, mais on l’appréhende à chaque ligne.
L’auteur met en scène avec beaucoup d’habileté la folie qui confine au génie, les rouages pervers de la manipulation et la confusion qu’elle sème dans les esprits, le nôtre inclusivement. Tout comme les protagonistes, on ne sait plus que penser, qui croire.
Quelque chose dans ce roman, le cadre universitaire, la petite bande repliée sur elle-même et dominée par l’un d’entre eux, l’atmosphère sourdement inquiétante, m’a rappelé Le maître des illusions de Donna Tartt et le plaisir qu’il m’avait procuré. Quelques jours après avoir refermé le livre, je repense à Oscar avec nostalgie, comme à un être croisé par hasard, auquel je me serais attaché et que le destin a emporté au loin. Un de plus dans la galerie imaginaire qui peuple l’âme du lecteur.
Le Complexe d’Eden Bellwether a été couronné par le prix de la FNAC, l’immense chaîne de librairies françaises. « Benjamin Wood », nous apprend son éditeur, « né en 1981, a grandi dans le nord-ouest de l’Angleterre. Amplement salué par la critique et finaliste de nombreux prix, Le Complexe d’Eden Bellwether est son premier roman. »
Benjamin Wood, Le Complexe d’Eden Bellwether, Zulma, 2014, 500 pages.