Backstrom : le portrait vu et revu de l’anti-héros qu’on adore détester
La chaîne FOX, malgré des succès récents (Gotham), peine à face à la dure concurrence des séries originales des chaînes premium ainsi qu’aux productions des nouveaux venus Netflix et Amazon. Du coup, la chaîne a semble t-il préféré assurer ses arrières en proposant une adaptation des best-sellers suédois de Leif G.W. Persson, romans éponymes (Evert Bäckström) contant les aventures d’un policier râleur, antipathique, alcoolique mais génial. Backstrom est un enquêteur hors-pair, précisément parce-que son esprit « corrompu » parvient à déceler le pire chez les individus. Un air de déjà-vu ? C’est un Dr House un peu plus gros, un peu moins méchant, que nous montre cette énième série policière.
Backstrom : l’archétype de l’anti-héros
C’est Rainn Wilson (The Office) qui interprète le rôle d’Everett Backstrom, chef de l’équipe des « special crimes » de la ville de Portland. Un chef atypique et insupportable, qui traîne son gros ventre et son vieux cigare –qu’il n’allume jamais, un clin d’œil sans doute à Sherlock Holmes et son inséparable pipe- sur les lieux du crime. Everett représente la loi pour pouvoir mieux la contourner : afin de garder dans sa juridiction une affaire qui vraisemblablement ressemblerait à un suicide, il n’hésite pas à déclarer qu’il s’agit d’un homicide, avant même que ces collègues n’en trouvent les preuves concrètes.
Everett est donc un personnage peu séduisant, qui boit de la bière comme on boit de l’eau. Il forme une colocation inattendue avec un jeune gothique queer, fils d’une prostituée que fréquentait le policier, vendeur à la tire et dealer à ses heures. Bref, Everett est, et adore être, à contre-courant. Pour lui, comme pour le Dr House, c’est l’énigme qui est excitante à résoudre. Rendre la justice (ou la santé) n’est pas une priorité, comme les individus sont de toute façon foncièrement mauvais. Du coup, on retrouve énormément de similitudes entre les deux personnages. Parfois même, Everett fait penser, par son franc-parler et ses difficultés relationnelles, au génial David Tennant dans Broadchurch. Le pilote s’ouvre d’ailleurs sur l’examen psychologique de Backstrom, lors duquel on lui ordonne de « se faire un ami ». En fait, Everett Backstrom descend d’une longue tradition littéraire de détectives torturés et apathiques, de Harry Bosch chez John Connely à John Rebus chez Ian Rankin.
Une série comico-policière qui manque de cohérence
La crédibilité de la série est mise à mal par un casting peu judicieux, trop hétéroclite peut-être, rendant difficile l’adhésion et l’identification des spectateurs aux personnages, identification sur laquelle repose en grande partie le succès des séries policières - qui fonctionnent sur le schéma un épisode = une enquête -.
En effet, quelle surprise de découvrir dans l’équipe de Backstrom le David Palmer (Dennis Haysbert) de 24 ! On s’étonne de ce changement de ton pour l’ancien président fictionnel des Etats-Unis, habitué aux menaces terroristes et à la tension permanente instaurée par la série la plus parano de tous les temps. Du coup, difficile de l’imaginer chapeau sur la tête, manger des cuisses de poulet et partir à la chasse aux criminels.
La deuxième partie du pilote est nettement plus rythmée que la première : alors que l’enquête avance, on découvre les fragilités de ce râleur invétéré, génie cérébral mais incapable de tenir une arme, terrorisé à l’idée de devoir tirer sur quelqu’un, même dans une situation d’extrême urgence. Les séquences chez le docteur (« indien tandoori » comme l’appelle Backstrom) qui ouvrent et ferment l’épisode résument en fait assez bien un pilote qui nous présente d’abord un personnage à la limite du caricatural, à l’humour corrosif et aux remarques acerbes, pour conclure sur un individu nihiliste dépressif, qui ne croit plus en l’homme ni en la vie.
La série est diffusée sur FOX depuis le 22 janvier et comptera 13 épisodes.
Backstrom : bande-annonce