Le Sénat a ainsi supprimé la qualité " d'êtres vivants doués de sensibilité " accordée par l'Assemblée nationale aux animaux, lors de la nouvelle lecture d'un texte de simplification du droit et des procédures ce 22 janvier 2015.
Selon un sondage Ifop réalisé en octobre 2014 pour "30 millions d'amis", 89% des Français se déclarent pourtant favorables à cette modification du Code Civil.
" Pourquoi avoir légiféré à la va-vite sur un tel sujet, d'autant que la rédaction retenue, loin d'être parfaite, soulève de réelles interrogations ? Les promoteurs du texte prétendent qu'il faut assurer une reconnaissance symbolique de la spécificité des animaux dans le code civil. Mais cela pose une grave question de principe : une loi à vocation symbolique est-elle vraiment normative ? Le code civil doit-il être un code civil de symboles ? Surtout, qu'y a-t-il de normatif à disposer que les " animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité " ? La loi n'a pas à dire ce qui est vrai ou faux ; elle proclame ce qui juste ou injuste, autorisé ou interdit " a déclaré le rapporteur Thani Mohamed Soilihi (PS) lors de la Séance du 22 janvier 2015.(à lire sur le site www.senat.fr)
"La disposition introduite est bien sympathique, mais il existe une notion simple dont il faut tenir compte : le fait que l'animal est un bien. Pourquoi l'animal est-il considéré, dans le code civil, comme un bien ? Parce qu'on peut le vendre et qu'on peut le louer. Cela n'empêche nullement que d'autres dispositions prévues par le code de l'environnement et par d'autres textes reconnaissent que l'animal est un être sensible dont il faut tenir compte en tant que tel. Mais cela ne relève pas du droit civil et cela existait déjà.(...) Cette réflexion sur le statut de l'animal aurait mérité, vous l'avouerez, un débat un peu plus approfondi" a quant-à-lui estimé Jean-Jacques Hyest (Ump).
Pour la création d'une catégorie "animaux" dans le Code Civil entre les "personnes" et les "biens"
L'amendement prévu dans le projet de loi de modernisation et de simplification du droit visait à ce que le Code Civil soit plus clair vis à vis du statut de l'animal, là où le Code rural et le Code pénal considèrent les animaux plus ou moins explicitement comme des êtres vivants doués de sensibilité. Ce changement de statut était surtout symbolique et éthique et aurait eu peu d'impacts pratiques.
24 intellectuels (dont des philosophes, écrivains, historiens...) ont signé un manifeste en octobre 2013 pour que les animaux bénéficient d'un régime juridique conforme à leur nature d'êtres vivants et sensibles et que le Code Civil aménage une catégorie qu'il leur soit propre entre les personnes et les biens. Voici le texte:
"Les animaux sont encore définis par le Code civil comme des choses, sur lesquelles l'homme peut par conséquent exercer un droit absolu. Nous n'ignorons pas que toute tentative de faire évoluer cette classification se heurte à la force des habitudes et soulève invariablement des objections d'ordre économique. Nous l'ignorons d'autant moins que c'est le cas chaque fois qu'est réclamée la légitime considération due à un groupe exploité ou opprimé. Certes, les animaux ne sont pas des êtres humains. Ce n'est pourtant pas la proclamation d'une dignité métaphysique, mais certains attributs - capacité à ressentir le plaisir et la douleur notamment - que les humains partagent avec au moins tous les vertébrés, qui enracinent les droits les plus fondamentaux. Et bien que dans diverses réglementations françaises et européennes les animaux soient reconnus pour leur qualité d' " êtres sensibles ", encouragées en ce sens par les progrès de la connaissance scientifique, ils demeurent de manière de plus en plus contradictoire des biens meubles dans notre Code civil."
C'est maintenant l'Assemblée nationale, chargée d'examiner le texte en lecture définitive, qui confirmera ou non cette suppression du statut juridique de l'animal.
Stella Giani