On ne le dira jamais assez : rien de tel qu'une bonne grosse séparation bien douloureuse pour remettre en selle une chanteuse en panne d'inspiration ! Le nouvel album d'Alanis Morissette, à paraître le 2 Juin, a été accouché dans la douleur. On sait tous ce que c'est l'amour : ça fait mal et ça rend fou parfois. Alanis est passée par toutes les étapes de la souffrance post-rupture et Flavors of Entanglement en témoigne avec beaucoup de sincérité et de poésie. Une pièce majeure de l'oeuvre de la Canadienne, à découvrir d'urgences.
Alanis n'a pas son pareil pour dénicher des titres d'albums tous plus farfelus et intrigants les uns que les autres. Après l'album qui l'a révélée au grand public, Jagged Little Pill (Souvenez-vous : Ironic, You Learn, Hands in my pocket ...), sa pièce maîtresse à mon sens inégalable, Supposed Former Infatuation Junkie, le discret mais efficace Under Rug Swept et le plus que dispensable So-Called Chaos, la voilà qui fait son retour avec Flavors of Entanglement, une sorte de retour aux sources avec une touche électronique que l'on ne lui connaissait pas jusqu'ici, apportée par Guy Sigsworth (Seal, Bjork, Madonna ...) Si ses titres de chansons sont originaux, il en va de même pour ses paroles. C'est ça qui est bien avec Alanis. On sait que dans le monde de la musique anglo-saxonne, de manière générale, les paroles ne sont pas très soignées. C'est la mélodie qui compte. Avec elle, on a et la mélodie et les paroles. Calé entre un Madonna et un Mariah Carey, ça fait du bien un peu de contenu en plus de la forme. Je serais presque tenté de comparer Alanis à Zazie parfois. Ne me lapidez pas ! Non c'est vrai. Elles soignent toutes les deux leurs textes en leur conférant un sens profond; quand elles chantent sur scène, elles sont dans une sorte de transe assez fascinante à observer; elles tombent parfois dans ce que certains considérent comme de la démagogie (la guerre c'est pas bien - les filles c'est trop fort - la planête faut la protéger); elles ont un coté bonne copine à qui on hésiterait pas à taper dans l'dos si ce n'était pas des stars; musicalement, elles font toutes les deux du pop-rock même si Zazie est plus pop que rock et Alanis plus rock que pop, beaucoup moins avec les années cependant; et puis surtout, elles ont toutes les deux les cheveux longs !
Alanis quand elle est pas bien, elle écrit. Ca lui fait du bien et parfois, ça donne de sacrées belles chansons. On se souvient encore tous de That I Would Be Good, une de mes chansons préférées si vous voulez tout savoir. Le dernier album regorge de magnifiques ballades qui déclinent le thème de la rupture et ses conséquences à l'infini. Not As We, avec son piano et sa sobriété, est un petit bijou. Sur ce titre, elle essaye tant bien que mal de repartir à zéro, en passant du "nous" au "Je". Et Dieu sait que c'est difficile. Tapes est également très touchante. Elle parle de tous ces souvenirs, heureux et malheureux, que l'on arrive pas à effacer de sa mémoire quand l'autre est parti. Elle traîte aussi de la perte de confiance en soi, inévitable dans ces moments-là. Moratorium, qui posséde un petit coté mystique, est du Alanis dans la plus pure tradition. Ce titre aurait très bien pu figurer sur Supposed Former Infatuation Junkie. Les paroles sont un peu alambiquées mais le message essentiel à retenir c'est qu'elle ne veut plus jamais tomber amoureuse parce que l'amour ça fait trop souffrir. Elle ne va pas jusqu'au "Les mecs c'est tous des cons" mais presque. En attendant, la chanson est extra et c'est bien le principal ! Je n'accroche pas plus que ça à Torch, bizarrement. Peut-être est-ce dû au refrain un poil agaçant ? Les paroles sont plutôt belles et abordent le thème du manque. L'odeur de son ex lui manque, son corps étendu dans son lit aussi. Des trucs classiques quoi. Mais ce qui lui manque aussi c'est quand elle voyait passer son mec, dans l'embrasure de la porte, des documents à la main. Oui, bon. Pourquoi pas après tout ? Y'a les mouchoirs de son ex qui lui manquent aussi. Comme quoi, l'amour ça rend con. Au rayon des petits bijoux de l'album, impossible de ne pas citer Giggling again for no reason, une des rares chansons un peu positive et souriante de l'album. Si on prend la chanson au premier degré, madame a pris un peu d'ecstasy et ça la fait se marrer tout le temps sans raison. Peut-être que l'ecstasy est métaphorique ... Toujours est-il que cette chanson est entraînante et donne envie de faire comme elle : prendre sa voiture (je ne conduis pas mais j'imagine !), baisser les vitres (c'est encore mieux si vous avez une décapotable), se prendre le vent dans la tronche et penser au sentiment de liberté que cela procure. Paraît que ça fait du bien. Je n'en doute pas. Au rayon des chansons qui bougent, on retrouve le premier single, Underneath, pas extraordinaire, du Alanis vu et revu; Citizen of the planet, engagée mais typiquement dans le trip démago, qui vaut surtout pour ses guitares énervées sur les refrains; Versions of Violence, rock électronique, un peu à la Muse (un peu, j'ai dis !) et enfin une sorte d'OVNI intitulé Straitjacket. Il semblerait qu'Alanis ait voulu elle aussi prouver qu'elle était capable de faire des chansons pour remuer son popotin. On se retrouve donc avec un truc électro-dance très sympathique. C'est un peu comme si Kylie Minogue avait fait une chanson intelligente (j'adore Kylie cependant). Il y est question de l'amour qui rend complétement barge et d'un mec qui ne sera content que quand sa copine se sera faite internée en hôpital psychiatrique. Tout un programme ! L'album, dans sa version simple, se termine par Incomplete, un constat sur la vie pas très positif mais sur une musique enjouée. Mignon.
Composé de 11 titres, quasiment tous réussis, Flavors of Entanglement sortira aussi dans une édition limitée avec des bonus tracks. Parmi eux, Madness, toujours sur le thème de la folie post-rupture, tout doux et tout émouvant, Limbo No More, un peu longuet mais beau et On The Tequila, assez étrange pour du Alanis, positif et sautillant. On peut dire qu'avec ce très bon album, Alanis nous rassure un peu. Elle est toujours capable de faire de bonnes choses, il lui fallait juste une bonne claque dans la gueule ! Je dis bravo madame.