Au commencement, Métal Hurlant est une revue de bande dessinée française fondée dans les années 70 par les Druillet, Moebius et autres futurs grands noms de la BD pour adultes. Les américains sont fascinés par ce nouveau souffle et créent leur propre version de la revue : Heavy Metal. Le film animé long métrage canadien du même nom qui sorti en 81 est directement inspiré de ces deux publications. Son réalisateur, Gerald Potterton, est une figure de proue de la vague du dessin animé alternatif des années 60.
Dans le contexte de l'époque où Disney et les longs métrages pour enfant sont quasiment les seuls produits proposés en salle dans le domaine de l'animé, ce film fait l'effet d'une petite révolution. Dans la logique des revues éponymes, il intègre tous les éléments qui dans les deux décennies qui suivent vont faire déborder la bande dessinée et l'animation de la sphère enfantine. Même si son graphisme n'est pas toujours d'une qualité irréprochable et que la fluidité de l'animation peut parfois laisser à désirer, Métal Hurlant n'en reste pas moins très novateur pour son époque, tant par les techniques utilisées qui annoncent l'ère numérique, par sa puissance visuelle, par les musiques qui composent sa B.O, que par sa liberté de ton dont on peut se demander si elle serait encore possible actuellement.
Le film est composé d'une suite d'histoires reliées par l'interaction d'une sorte de perle verte maléfique (coucou Jack Vance !) appelée le Loc-Nar. Il décline et mélange ainsi avec bonheur tous les ingrédients qui caractérisent cette nouvelle BD des années 70 (cyberpunk, dérision, héroic fantasy, érotisme, gore, science-fiction ...).
La dernière séquence consacrée à Taarna est probablement la plus onirique du film. Le personnage féminin au centre du scénario tranche avec les autres histoires qui même appréhendées au second degré peuvent laisser une impression sexiste.
Taarna, la guerrière sans faille chevauchant une sorte de ptérodactyle légendaire, est un mélange subtil entre le chevalier Galaad et le Clint Eastwood des Sergio Leone Elle ne parle jamais mais incarne le bras armé de la Justice dans un monde où cette dernière ne peut s'appliquer que par le glaive...tout un programme. Le personnage est manifestement inspiré de l' Arzach de Moebius publié entre 75 et 76.
La scène du vol, du bain et de l'habillement est tout particulièrement inoubliable. Elle met en scène un rituel de purification, de transformation et de préparation de la guerrière avant le combat. Sa puissance évocatrice réside dans sa capacité à allier poésie, mysticisme et érotisme. Tous les éléments de la vieille tradition littéraire occidentale du héros y passent : le pèlerinage, la quête, le sanctuaire, la pureté, l'épée de justice, la sublimation...
La qualité visuelle et la capacité de cette scène à intégrer l'ensemble de ces thèmes avec une esthétique renouvelée en font à la fois un morceau d'anthologie du cinéma et une oeuvre clef de l'héroic fantasy.
Une mention spéciale au décor qui semble être une sorte de centrale nucléaire désaffectée englobée par le squelette d'un gigantesque dragon qui serait venu mourir dessus. De là à penser que notre héroïne fait trempette dans une piscine de stockage de combustible pour aller récupérer son déguisement en latex... !