Charlie Mordecai de David Koepp se résume à peu de choses. Un humour qui, au mieux, nous décoche quelques sourires grâce à une répartie issue de la cour de récréation. Autant dire que la comédie perd une part de son identité. Ses acteurs interprètent tour à tour des personnalités qui oscillent de la banalité, au ridicule voire au cliché. Au milieu, se démène un Johnny Depp qui mimique, grimace, fait des pieds et des mains pour monopoliser un décor bien vide. Après des rendez-vous manqués et des personnages à l’interprétation pâle, ce n’est pas la peau du Dandy anglais qui brisera le cercle vicieux du fardé et maquillé Depp.
Et si Charlie Mortdecai, y compris à sa sortie, se cherchait encore une identité ? Echec de la comédie. Casting scintillant en superficie. Toute l’ambition était d’égaliser voire surpasser un Austin Powers passé, au choix, dans la catégorie des films de la parodie culte ou du nanar. A côté de cela, le dandy se démène dans des carcans désuets où la Russie est un ennemi; où les gags se résument à des running-gags essoufflés et vieillissants.
Johnny s’en-va-t-en dérision
Johnny belle-gueule ne suffit pas en 2015. Même pour mettre la main sur Olivia Munn …
Charlie Mordecai est adapté des romans puis nouvelles de l’auteur Kyril Bonfiglioli. A priori, il y avait matière à placer notre fringant personnage au coeur d’excentricité. Il faudra se contenter d’un récit qui se fixe sur l’importance ou non d’une moustache avec, en parallèle, l’idée fixe dans la recherche d’un tableau précis : un Goya. Le genre d’oeuvre qui nourrit mille complots et mille fantasmes, surtout lorsque celui-ci est supposé être au sens figuré comme propre une clef afin de mettre la main sur une coquette somme. Lord Charlie Mortdecai, incarné par Johnny Depp, et sa Lady Johanna jouée par Gwyneth Paltrow, sont désargentés au point de mettre à profit toute l’excentricité et les connaissances artistiques du dandy dans une affaire où le MI-5; la Russie; des asiatiques et quelques intéressés sont prêts à se battre bec et ongle.
Scénario simple mais qui aurait peut-être pu fonctionner. A condition de ne pas compter sur l’omniprésence fatigante de Johnny Depp et d’un service minimal assuré par le reste du casting. Gwyneth Paltrow tente vaille que vaille de récupérer son mari fictif par des tenues de plus en plus élégante … Mais rien n’y fait. Elle, Ewan McGregor ou Olivia Munn font oeuvre de figuration dans une comédie produite par Johnny Depp lui-même. Des sans-âmes voués à des répliques au contenu extrêmement dispensable. A titre d’exemple, Olivia Munn se contentera d’un « Touchez-moi » puis d’un « Je m’occupe de lui » [Charlie Mordecai]. Quelques lignes de monologue pour une prestation d’apparat.
Gwyneth Paltrow tente le tout pour le tout dans une comédie qui peine à convaincre.
Le fil scénaristique de Charlie s’affuble d’évidences. Au mieux, en bon public, il sera toujours bon de se tourner vers les répliques vouées à l’humour. Le sourire n’est pas impossible quoique très simple, fondé sur la répétition et du running-gag pataud. Dès le début, la répétition de la claque grotesque; les blagues sur l’avidité sexuelle de Jock (Paul Bettany à l’écran) l’homme de main de Mortdecai ou les multiples mimiques autour du sacro-saint-graal de la moustache ne prendront que quelques minutes. Que l’humour ne vise pas les nues est une chose. Qu’il se fasse ressentir en panne d’imagination constitue une gêne dont peu de personnes, autorisant la parution de Charlie Mortdecaï , semblent s’être souciées.
Les feux verts et cette forme de carte blanche à Johnny Depp : comment est-ce possible en 2015 ? Être producteur, associé à une image d’excentricité ou d’homme aux milles visages suffit à créer une réputation. Il suffira encore de quelques productions longues pour que le « on-dit » fonde comme neige au soleil …
Y-a-t-il un soldat pour sauver Mortdecai ?
Pourquoi Mortdecai ne prend pas ? L’ensemble se démêle en plusieurs éléments …
Les amoureux de Johnny Depp, aux alentours de la moitié des spectateurs, trouveront l’acteur dans une forme dans la moyenne voire dans sa meilleure forme. Ce rôle de pivot de l’intrigue, il le tient à coeur dans une estime de star. Il en résulte des passages assez inégaux mais qui pourraient suffire à condition d’être complété par un casting étouffant. Oui, le récit narre la vie d’un personnage … Rien n’empêche pourtant des interactions qui vont au-delà du garde-du corps passible et ridicule; du vilain tout désigné par sa nationalité ou le marchand d’art peu scrupuleux qui n’envie que la fin d’un concurrent du marché de l’art.
Il y avait matière à créer de l’élégance, à se servir de l’identité du personnage central. C’était plus ou moins une attente justifiée vis-à-vis de la mise en avant d’un acteur, d’un caractère et même du scénario. Cet éclair d’intelligence aurait été souhaitable dans les moments supposés provoquer le rire. Le spectateur se limite aux frasques sexuelles, aux réparties sexuelles, à l’humour d’un genre espion qui n’est pas forcément mauvais mais qui est usé … Dans d’autres productions et, ici, directement court-circuité par sarépétition dans Charlie Mortdecai. La sensation, assez désagréable, est d’être attendu comme un spectateur qui comprend peu. Du coup, l’écriture se sent obligée, contrainte, forcée d’évoquer à 4 ou 5 reprises les parties génitales de Sir Mortdecai. Evidemment, un Russe passé maitre dans l’art de la torture s’en charge.
Bref, l’humour de Charlie Mortdecai pédale. Autrement dit, 75% passent à la trappe.
Difficile, autant en tant que spectateur qu’en attente de divertissement, que de juger la performance et la portée de Charlie Mortdecai. Chaque passage enfonce un peu plus le film dans un système où des noms font l’audience; l’écriture fait grève. Ni réellement amusant, ni réellement bon, encore moins artistiquement accompli, Charlie Mortdecai méritait un humour plus subtil. De manière générale, la réalisation se serait empêchée de laisser des failles aussi grandes dans sa finalisation à l’aide d’humour noir un peu plus intelligent, un ingrédient pourtant au coeur de l’anthologie littéraire.
Ici, il faudra se contenter de quelques moments plaisants, prêts à nous faire sourire, mais loin de valoir un déplacement ni une place de cinéma. Contre toute attente, 2015 commençait sur la bonne intention de nous faire rire …
On a aimé :
+ Quelques blagues douteuses …
+ Gwyneth Paltrow.
+ Quelques morceaux de la bande-son du film. Notamment celle du générique de fin. (Johanna, de Miles Kane)
On a détesté :
- Un humour répété, lourd ayant du mal à provoquer le rire.
- Un casting insipide. (Olivia Munn, Ewan McGregor ! …)
- Un scénario prévisible à faible intérêt.