Alors que la Fed a fait le premier pas vers la fin de son programme d’assouplissement monétaire, Bruxelles et Tokyo se retrouvent au pied du mur. Et devront passer à l’action. Du coup, les métaux offrent une bonne protection contre l’inflation et la déflation.
Fin septembre, la banque centrale américaine (Fed) a annoncé la fin de ses rachats obligataires. Combinée aux signaux positifs de l’économie américaine, cette nouvelle a entraîné un rallye du dollar et de nouveaux records sur les marchés des actions.
Des corrections et contre-rallyes en octobre et en novembre ont cependant rappelé aux investisseurs que l’euphorie peut vite s’arrêter et la tendance s’inverser, ce qui conduit à des ventes massives. En deux semaines, le Dow Jones a vacillé de – 5,2% à +7,9%. Ces dernières années, la politique monétaire souple a alimenté une véritable «inflation du prix des actifs» qui n’a plus rien à voir avec l’économie réelle. En mettant un terme au tapering, la Fed a fait le premier pas vers la reflation de son bilan, qui a grimpé depuis 2008 (environ 900 milliards de dollars à plus de 4500 milliards de dollars actuellement). Mais la fin des rachats obligataires n’est en aucun cas synonyme d’abandon d’une politique monétaire souple. La Fed va laisser la phase de taux d’intérêt proche de zéro pour un «laps de temps significatif» et se réserve d’observer une «politique monétaire accommodante». En d’autres termes, le bilan de la Fed n’augmente plus pour le moment, mais on ne peut pas parler d’un retour à un niveau antérieur à la crise.
Le problème est que le retrait soudain de fonds d’investissement d’une classe d’actifs peut déclencher une spirale négative. Cela risque surtout d’affecter les investissements liés aux pays émergents, leur croissance étant financée par les fonds d’investissement. Ces pays doivent d’abord maîtriser le passage de la croissance à la saturation par des investissements continus, jusqu’à ce qu’une croissance durable s’installe. Si les investisseurs se retiraient pendant cette fragile phase de stabilisation, ils engendreraient inévitablement une correction du marché. Croissance et monnaie s’effondreraient.
La Fed a fait le premier pas vers la reflation de son bilan et a toutes les cartes en main en termes de stabilité monétaire, même si un dollar fort allait plomber la balance du commerce extérieur. Or le Japon et l’Europe se sont retrouvés au pied du mur. Fin octobre, le chef de la banque du Japon, Haruhiko Kuroda, a relevé de manière inattendue le programme de rachats obligataires qu’il avait déjà étendu de 60 à 80 billions de yens (712 milliards de dollars), ce qui a entraîné un rallye fulgurant du Nikkei de plus de 4% et un plancher sur sept ans du yen par rapport au dollar. Cette initiative pose le Japon face à un véritable dilemme, car si une stimulation encore plus forte déclenche bien un rallye à court terme du Nikkei et une dépréciation du yen, elle ne reflète pas la situation économique réelle après dix ans de récession.
Le chef de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, n’a pu ignorer les conséquences de cette manœuvre. Il a donc garanti en novembre d’autres programmes de stimulation si cela devait s’avérer nécessaire pour stabiliser la zone euro. Concrètement, la BCE a commencé fin novembre à acheter des titres adossés à des créances (ABS).
La reflation de la gigantesque montagne de dettes des banques centrales n’est possible qu’avec une inflation des dettes et une inflation monétaire – un processus douloureux pour bien des régions économiques. Les monnaies sans dettes comme les métaux précieux souffrent du rallye du dollar dans la phase initiale, mais elles se serviront ensuite de leur qualité en tant que valeurs réelles qui ne peuvent subir d’inflation. Aussi les investisseurs devraient-ils tirer profit de la phase de correction actuelle avec un dollar fort dans le marché des métaux précieux pour se positionner après l’assouplissement quantitatif.
Les métaux offrent une bonne protection contre l’inflation et la déflation. Cette propriété découle de leur statut de valeur réelle. Une position en or dans un portefeuille offre une certaine protection contre les risques systématiques du marché. En outre, le palladium et le platine sont de plus en plus intéressants pour les investisseurs: ils profitent de leur fonction de catalyseur dans l’optimisation des moteurs à combustion essence et diesel et anticipent ainsi les phases d’essor.
Miser sur des actifs ne pouvant pas subir d’inflation est judicieux dans une optique à long terme. Dans l’hypothèse d’une inflation de 2% par an – l’objectif de la BCE et de la Fed –, le pouvoir d’achat aura en effet diminué de moitié dans 37 ans. La nervosité des marchés se reflète dans le dernier rallye de l’or et de l’argent, qui a fait grimper les prix de 6% (l’or) et de 13,4% (l’argent) en quelques heures le 1er décembre. Une évolution due à des données médiocres du marché américain, qui n’allaient pas dans le sens du redressement communiqué par la Fed.
(Stephan Müller - Swiss & Global AM - LeTemps.ch - 15/12/14)