J’en suis venu à penser que le mal de la planète était l’individualisme-égoïsme-repli
sur soi… Au lieu de ne voir que ce qui nous sépare, il faut chercher ce qui
nous unit. Mais comment faire ? Relisons un vieux Que sais-je ? sur « les
contrats », nous y trouverons peut-être quelques idées sur ce à quoi il
faut veiller pour construire solidement une équipe, ai-je pensé. Grande
surprise…
L’origine du « contrat » moderne c’est, qu’on le
veuille ou non, le libéralisme. Le contrat, c’est une loi que l’on se donne (« il tient lieu de loi à ceux qui l’ont formé »).
Pour le libéral, il n’y en a pas d’autre. Tout ce livre est la démonstration de
l’impossibilité pratique de cette idée.
Premier problème : l’inégalité. Le souci constant, pour
ainsi dire incessant, du législateur est d’assurer un équilibre entre contractants,
équilibre sans lequel il ne peut y avoir de liberté. C’est ainsi qu’il faut
équilibrer les forces de l’assureur et de l’assuré, de l’employé et de l’employeur,
etc.
On découvre alors que le contrat n’affecte pas que les
contractants, comme pourrait le croire le libéral niais. Il concerne, quasiment
par définition, ceux qui n’y prennent pas part. En particulier la société dont
il doit respecter les règles et les mœurs.
Tout cela produit un droit qui défie mon entendement. Et
surtout un droit qui évolue sans cesse pour suivre les évolutions de la société
et, peut-être aussi, les artifices que les uns et les autres inventent pour contourner
la loi. Un droit désagréablement arbitraire :
« c’est donc à une recherche
psychologique plutôt que formelle que la loi invite le juge » ; « il est rare à l’époque moderne que des
textes spéciaux ne viennent pas rajouter des conditions particulières, voire même
contredire des principes généraux » ; « doctrine hésitante » ; sans cause valable, il n’y pas de
contrat licite, mais on n’est pas certain de la définition de « cause » ! ;
d’ailleurs le texte n’est jamais sûr de rien : « c’est sans doute la conception même que l’on se fait du contrat qui est
à revoir ».
A-t-on besoin d’un contrat lorsque l’on partage un même
idéal ? Lorsque l’on sait que l’on ne peut rien faire sans l’autre ? N’est-il
pas stupide de perdre autant de temps et de talent en lois et procès ? J’ai
l’impression en lisant ces pages qu’il y a des gens dont la seule préoccupation
est de chercher à escroquer leur prochain. Paradoxe immense. Le « libéralisme
du contrat » a pour fondement la défiance, le conflit. C’est l’opposé de
ce que je cherchais. Serait-ce une institution dont le principe est la haine, voire
le parasitisme ?
(HAUSER, Jean, Les
contrats, Que sais-je ?, 1992)