Le maître du manga : Hokusai au Grand Palais

Publié le 24 janvier 2015 par Aude Mathey @Culturecomblog

Cet article devait au départ s’intituler : « Vite, vite : Hokusai au Grand Palais », tellement j’ai été séduite par l’exposition. Malheureusement, les allers et retours avec la RMN pour avoir accès aux visuels (oui, les photos étaient interdites), sans compter le décalage horaire (qui n’aide pas vraiment) m’ont empêchée de publier avant la fin de l’exposition. L’exposition a en effet fermé ses portes le 18 janvier et valait vraiment le détour du fait du volume et de la variété des travaux de l’artiste qui sont présentés.

C’est par ce biais que j’ai appris qu’Hokusai était rendu maître dans l’art des manga (dessins), véritables petites BD de l’époque grâce auxquelles on apprend l’art des sumotori ou encore comment se maquiller.

Grâce à la série des Trente-six vues du Mont Fuji et en particulier à la Grande Vague, Katsushika Hokusai (1760 – 1849) est sans doute aujourd’hui l’artiste japonais le plus célèbre dans le monde. S’il a déjà eu les faveurs de nombreuses expositions, c’est néanmoins une monographie d’une ampleur tout à fait inédite que propose le Grand Palais.

L’exposition met en lumière la vie et l’oeuvre de cet artiste extrêmement prolifique, qui changea d’identité artistique à de multiples reprises au cours de sa longue carrière.
Peintre, dessinateur, graveur, Hokusai produit durant sa longue vie des milliers d’oeuvres dont la qualité n’a d’égale que la diversité : portraits de courtisanes ou d’acteurs de kabuki, scènes de la vie quotidienne, cartes de voeux raffinées, illustrations de récits et de mythes populaires… C’est néanmoins avec la publication de ses grandes séries de paysages qu’il marque le plus profondément l’art de l’estampe japonaise : il réalise alors une synthèse originale entre les principes traditionnels de l’art japonais et l’assimilation des influences occidentales pour composer des paysages d’une beauté saisissante.

La RMN a mis les petits plats dans les grands pour cette exposition. Une application (gratuite) lui est dédiée, ainsi qu’un site permettant de trouver votre nom de samouraï (mon nom est Ayukawa Takatoki, reconnu pour sa compassion, ha. ha.). L’application mobile, gratuite (mais aux contenus payants : la RMN suivant le format du freemium en ce domaine), permet également d’avoir un bel aperçu de la carrière de l’artiste en évitant les malheureux cartels trop petits pour être lus du fait de l’affluence inévitable d’une telle exposition. Car oui, cette exposition était et sera (apparemment) la seule de l’artiste hors du Japon.

Un artiste pluridisciplinaire

Hokusai, comme de nombreux artistes avant et après lui, a connu de nombreux courants qui l’ont porté à s’intéresser à des sujets différents, voire à changer de nom ! C’est ainsi qu’il commence s’attaquer aux estampes, notamment assez commerciales et très bon marché.

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Il prend à ce moment le nom de Katsukawa Shunro, puisqu’il travaillera dans l’atelier de Katsukawa Shunsho, célèbre pour ses portraits d’acteurs de kabuki (un art absolument magnifique en passant, que j’ai eu la chance de voir avec le plus célèbre acteur de kabuki – déclaré trésor national du Japon – Tamasaburo Bando au théâtre du Châtelet à Paris en 2013).

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Hokusai a à cette époque la petite vingtaine (il est né en 1760). Il se tourne ensuite à partir de la trentaine vers des calendriers illustrés (egoyomi) et des gravures sur une seule feuille destinées à un usage privé (surimono). C’est avec son nouveau nom de Sori au’il s’éloigne de l’art commercial et débute les commandes privées.

A partir de 1805, il devient Katsushika Hokusai. Il se dédit pendant environ 5 ans aux livres de lecture (yomihon), forts d’intrigues épiques et de dessins humoristiques et très démonstratifs . Ces livres précèdent tout naturellement sa période Hokusai manga, manga voulant dire « dessins divers ». Il conçoit ainsi des manuels illustrés à destination des artistes, des artisans mais aussi des femmes, des sumotori, etc. Quinze carnets rassemblent ainsi plus de 3 900 dessins décrivant parfaitement la vie quotidienne lors de la période Edo (Edo étant l’ancien nom de Tokyo, lorsqu’elle était capitale jusqu’en 1867).

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Vers la cinquantaine, Hokusai se tourne vers les manuels de peinture et fort de sa célébrité commence à vouloir faire connaître son art à un public aussi large que possible (et pas uniquement aux artistes et apprentis) : c’est la période Taito. Mais c’est pour ses œuvres du monde flottant (notamment les 36 vues du Mont-Fuji) peintes vers la soixantaine, la période Iitsu que nous le connaissons aujourd’hui. Son oeuvre la plus connue, qui est illustre d’ailleurs l’affiche de l’exposition (en couverture) n’est qu’une de ces trente-six vues. Chacune d’elles est un prétexte à décrire la vie locale (réelle ou inventée) ou des histoires métaphorées avec en arrière plan Fuji-san (le mont Fuji).

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Ce sera vers ses 74 ans qu’Hokusai se décrira comme « Manji, le vieil homme fou de peinture » en déclarant vouloir vivre plus de 110 ans afin d’atteindre sa pleine maturité artistique. Malheureusement il décédera à l’âge de 89 ans, pas mal du tout pour l’époque.

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Une magnifique exposition un peu décevante pour une museogeek

L’exposition est tout simplement magnifique. La scénographie épurée (mais peu inventive) met parfaitement en valeur les œuvres exposées. Celles-ci sont d’ailleurs tellement belles qu’il serait dommage que l’agencement de l’exposition lui vole la vedette.

Dernière salle de l’exposition – salle aux estampes

En route vers la deuxième partie de l’exposition

Ma principale déception vient notamment du fait que la Réunion des musées nationaux encourage les visiteurs à partager leur expérience lors de l’exposition sur Facebook, Twitter et Instagram à l’aide du hashtag #hokusai, cependant – comme je l’ai découvert dans l’exposition – les photos et vidéos sont interdites. D’où l’absence de visuels dans cet article (les photos des œuvres n’étant autorisées pour la presse que durant l’exposition; vous devrez donc vous satisfaire des liens externes que j’envoie, des vues de l’exposition et des embed de Getty Images).

Interrogée, la RMN se défend de ne pas respecter la charte de la photographie au musée publiée un peu plus tôt l’an passé :

La charte du ministère concerne les collections nationales. La rmn-gp va au-delà des préconisations de la charte puisqu’elle négocie pour les expositions temporaires la possibilité de prendre des photos et de les partager sur les réseaux sociaux. Néanmoins pour certains artistes cela n’est pas possible ( pour des questions de droits vis-à-vis des prêteurs, de conditions des fondations, de collections particulières, etc). C’est le cas pour Hokusai. Et nous le regrettons

Et en ce qu’il concerne la mention sur le dépliant, cela est un texte générique.

Cependant; grâce à mes quelques trouvailles en ligne (merci Getty Images !), je peux vous partager quelques-uns des chefs-œuvres qui m’ont fait rire ou au contraire plonger dans la contemplation (si seulement, il y avait moins de monde ! :)).

Bref, une magnifique exposition qu’il ne fallait manquer sous aucun prétexte. Espérant que le Japon change d’avis et organise à nouveau une exposition sur cet artiste qui mérite d’être découvert pour toutes les autres facettes de son art.