Alors que le thème de justice sociale préoccupe les responsables de projet de développement urbain, rares sont les mesures concrètes qui ont un réel impact.
Alors qu'au 20ème siècle, les plans d'aménagement urbain concernaient la réduction du trafic, la sécurité, ou encore le gain de temps pour les automobilistes, les problématiques environnementales ont petit à petit été intégrées dans le développement des villes au cours des années 70 et notamment dans les moyens de transport. Dans une étude couvrant 18 zones métropolitaines aux États Unis et au Canada, des chercheurs de l’université de McGill détaillent leurs projets en matière de transport.
Aujourd'hui, les villes s'intéressent principalement au concept de développement durable qui fait écho aux 3E : Économie, Environnement, Égalité. En réalité, elles privilégient bien souvent l'aspect environnemental dont les objectifs peuvent être aisément mesurables (baisse des émissions de CO2 à titre d'exemple). Les villes connectées d'ailleurs en font leur cheval de bataille. Dans
Les failles de la Smart City, D. Hill, A. Greenfield et A. Townsend montrent que ces questions font partie intégrantes de la «
stratégie argumentaire des Smart Cities » alors même qu'elles sont capables de produire des bâtiments à forte consommation énergétique.
Un manque de concrétisation réelle des objectifs prônés par les autorités des villes qui se manifestent aussi lorsqu'il est question de justice sociale. Ses indicateurs, tel que le degré d'exclusion sociale, sont plus difficilement approchables. Mais à l'heure où on tire la sonnette d'alarme sur les villes connectées qui ne semblent porter qu'une attention mesurée à l'humain les chercheurs canadiens invitent à considérer sérieusement ces sujets d'équité sociale tant leur impact s'inscrit à long terme pour les territoires et leurs habitants. «
Une fois, une autoroute construite, elle reste en place pour plusieurs décennies », commente K. Manaugh, co-auteur du rapport.
Des projets pour plus d'égalité sociale
Comment les questions de développement durable, a fortiori d'équité, sont-elles pris en compte aujourd'hui dans les plans d'aménagement urbain en Amérique du Nord ? Au cœur des initiatives politiques : l'environnement. L'étude relève en effet que le mot est mentionné 5 fois plus que les termes d'« égalité sociale » et d'« équité ». En revanche, certaines villes semblent se préoccuper de ces questions. Étendre l'accessibilité géographique, autrement dit faciliter la mobilité des populations suburbaines se trouve être un leitmotiv dans les politiques développées par certaines des villes étudiées, à l'image de
Boston. San Diego,
San Francisco ou encore Chicago, quant à elles, mettent un point d'honneur à l'accessibilité économique : fournir des services de transport pour tous, mêmes aux plus démunis. Baltimore va même plus loin dans la démocratisation des transports en souhaitant prendre en compte l'ensemble des minorités potentiellement isolées (personnes âgées, handicapées physiques entre autres) et en augmentant le nombre d'alternatives de transport abordables. Enfin, la justice sociale se caractérise également par une volonté de répartir équitablement les investissements en matière de transport urbain sur l'ensemble des zones métropolitaines à l'instar de la ville d'Ottawa. Des startups se positionnent d'ailleurs déjà sur le créneau de la collecte et de l'analyse de données pour construire des indicateurs pertinents et aider les Smart Cities à mieux aménager leur espace urbain.
Intégrer la justice sociale dans des objectifs mesurables
Cependant, gare à la simple référence à la justice sociale sans mettre en place des politiques appropriées avec un réel impact. Proposer des technologies pour rendre la Smart City plus efficace est une chose, mais il est important de les adapter au contexte local en considérant tous les acteurs touchés, soulignent les chercheurs. En se basant sur les conclusions de l'étude, plusieurs indicateurs pertinents sont recommandés pour mesurer les résultats en matière d'équité sociale comme par exemple, évaluer les différences entre les durées de trajet vers le travail en voiture et en transport en commun. Même chose pour le quintile le plus haut et le plus bas. Mesurer l'écart entre le budget consacré au transport dans les foyers à hauts et faibles revenus permettrait aussi de mieux rendre compte des inégalités face au transport. Ces indicateurs peuvent servir à faire de l'égalité sociale un aspect quantifiable donc plus facile à appréhender dans la planification des transports. Plus généralement, les chercheurs saluent tout changement visant à faciliter l'accessibilité vers les destinations prisées (pour motif de travail ou non) en particulier des populations désavantagées. C'est en considérant sérieusement les problématiques sociétales, que les Smart Cities augmentent leur chance de créer des projets d'optimisation des transports, intelligents et durables.