d'après " COCO, COCO, COCO FRAIS ! " de Maupassant
Mon oncle avait expiré sereinement.
Cet après-midi de juillet était brulant,
De la rue, monta un cri : -" Coco frais, coco !
Rafraichissez-vous ! Qui veut du coco ? "
Le notaire ouvrit le testament.
Mon cousin héritait naturellement
De tous les biens de son père.
Mais ce fut la stupéfaction
Quand il lût : ''Je laisse à Pierre
Mon manuscrit sur la superstition.
Il le trouvera dans mon bureau
Avec un billet qu'il remettra
Au premier vendeur de coco
Qu'il rencontrera. ''
Le manuscrit donnait l'explication.
Il disait ceci, approximativement :
''Une étoile s'allume en même temps
Que nait un enfant, dit-on.
On croit à l'influence des comètes,
Aux mauvais sorts qu'on vous jette,
On craint le chiffre treize, les vendredis...
L'homme vit
Sous le joug des superstitions
Car superficielle est son observation.
Ma mauvaise étoile à moi,
C'est quoi ? :
Un vendeur de coco.
À huit ans, aux Champs-Elysées,
Me promenant avec mon père,
Ma mère et mes deux frères,
La cariole d'un marchand de coco
M'a renversé.
J'eus le nez cassé.
Le jour de mes dix-huit ans,
Je fus invité à chasser par les parents
De mon meilleur ami
Dans leur propriété de Senlis.
En descendant de la diligence,
( Vous allez dire coïncidence,
Sans chercher au-delà )
Une voix m'interpella :
Figurez-vous que dans la forêt,
J'ai tiré sur un des chiens.
Je l'avais pris pour un lapin.
Le matin de mes vingt ans,
J'avais rendez-vous avec ma fiancée Suzon,
Un autre marchand
Me tendit un verre de sa boisson.
Avec elle, je ne fus jamais heureux !
Enfin, voici le fait le plus malencontreux :
Un vendeur de coco.
Brisa ma carrière illico :
Je venais d'être diplômé
Et devais être nommé
Assistant d'université.
J'allais au Ministère me présenter.
J'entendis : Coco ! Qui veut du coco ?
Il pleuvait. J'étais en retard. Je me pressai.
J'ai alors trébuché et suis tombé
Dans une flaque d'eau !
Le temps de rentrer et de changer d'effets,
L'heure de mon audience était passée.
J'étais refait. Je me suis excusé
...Mais je n'ai pas été nommé !''
Le manuscrit se terminait par ces mots :
''Méfies-toi des marchands de coco.''
En sortant de l'étude du notaire,
Je croisais, boulevard Voltaire,
Un vieux porteur de coco.
Je lui remis aussitôt
Le billet de cent francs
Qui était joint au testament.
Le marchand me répondit :
-" Je vous remercie
Mon bon seigneur,
Que cela vous porte bonheur ! "