« Mettre en place une enquête internationale exhaustive et indépendante »
sur le vol MH17 de Malaysia Airlines abattu au-dessus de l’Ukraine :
c’était l’exigence exprimée par le Conseil de sécurité de l’ONU à
travers sa résolution n° 2166 approuvée
le 21 juillet 2014, autrement dit quatre jours après le tragique
accident. Mais les faits montrent plutôt que l’enquête a depuis le début
été organisée et menée sans donner aucune preuve d’indépendance et de
transparence.
La délégation au Bureau de sécurité hollandais (Dutch Safety Board)
Le 23 juillet 2014, l’Ukraine a délégué à la Hollande, et plus
précisément au Bureau de sécurité hollandais, la mission de conduire
l’enquête sur les causes du désastre, en se basant sur un accord publié
entre autres sur un site institutionnel hollandais.
Le paragraphe 3 de l’accord prévoit clairement que le but de l’enquête
déléguée n’est pas de rechercher les responsabilités ou d’attribuer la
faute à untel ou untel, mais uniquement de prévenir d’autres incidents.
Le 9 septembre, le Bureau de sécurité hollandais a publié un rapport préliminaire, lequel, comme l’a montré le site Megachip,
vient confirmer les problèmes de transparence de l’enquête (à cause
d’une erreur de traduction entre le texte anglais et celui hollandais,
et la tentative maladroite d’y remédier).
Le JIT et l’absence de la Malaisie
Lors de la réunion de l’Eurojust(*) le 28 juillet 2014, un groupe international d’enquête sur le désastre du MH-17 a été constitué ; ce JIT (Joint Investigation Team)
comprend quatre pays : l’Ukraine, la Hollande, la Belgique et
l’Australie. L’exclusion de la Malaisie en a surpris plus d’un. On ne
comprend pas bien , en effet, pourquoi la Belgique, avec « seulement » 4
citoyens parmi les victimes) a été préféré à la Malaisie, étant donne
la nationalité de la compagnie aérienne (Malaysia Airlines), la
destination du vol (Kuala Lumpur) et le nombre de citoyens morts dans
l’accident (43 Malaisiens). Suite à la réunion du 4 décembre, l’Eurojust
a communiqué sur le fait que la Malaisie allait rejoindre le JIT,
omettant de préciser que sa participation ne deviendra effective que
lorsque la Malaisie signera un accord spécifique (jusqu’ici toujours pas
officialisé), comme l’a révélé de son côté la police malaisienne.
L’accord secret du 8 août
Le 30 août 2014, Giulietto Chiesa et Pino Cabras ont révélé sur Megachip et PandoraTV.it l’existence
d’un accord passé le 8 août entre les quatre États composants le JIT
(Hollande, Ukraine, Australie et Belgique) ; cet accord prévoit un droit
de véto sur la divulgation des informations et des résultats de
l’enquête. À la mi-novembre, les autorités hollandaises ont fait jouer
[cette clause] des accords secrets et ont repoussé les requêtes
demandant la publication des résultats de l’enquête, requêtes présentées
par deux parlementaires de la Chambre basse des États généraux de l’AIA
(le chrétien-démocrate Pieter Omtzigt et le social libéral Sjoerd
Wiemer Sjoerdsma). Le ministère hollandais de la Justice a motivé son
refus par l’exigence de préserver la stabilité des relations
internationales. Mais par la suite, le gouvernement hollandais a révélé
certains détails sur le contenu de l’accord. En fait, le 22 décembre, en
réponse aux questions parlementaires n° 2014D47806 signée par Omtzigt
et Sjoersma qui demandaient si l’Ukraine disposait ou non d’un droit de
véto dans le cadre de l’enquête pénale, le gouvernement, par l’entremise
à la fois de son ministre de la Justice et de la Sécurité, du ministre
des Affaires étrangères et du ministre de la Défense, a affirmé que les
membres du JIT s’étaient engagés réciproquement à s’abstenir de fournir
des informations sur l’enquête à l’extérieur du groupe, sauf s’il y a
consensus sur le fait que la divulgation de ces informations ne porte
pas atteinte à l’enquête elle-même (voir ici).
En pratique, il suffit que l’un des États membres du JIT ne soit pas
d’accord pour que l’information ne soit pas rendue publique.
Il est probable que si la Hollande s’est sentie obligée le 22
décembre de reconnaitre cet état de fait – malgré ses réticences
initiales -, c’est que quelques jours auparavant, le 26 novembre, le
site hollandais RtlNieuws.nl avait publié une importante confirmation
provenant des autorités australiennes. Dans une note du 15 octobre 2014,
en effet, le gouvernement australien, à travers son Département des
Affaires étrangères et du commerce, a affirmé que les quatre États
membres du JIT avaient signé un accord de non-divulgation, lequel exige
un consensus de toutes les parties avant que ne soient divulguées les
informations sur l’enquête. RtlNieuws.nl a demandé au gouvernement
hollandais des détails sur cette note du 15 octobre. En réponse, le 26
novembre, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce a confirmé
l’authenticité du document et de son contenu, confirmant l’existence de
cet accord, qui ne peut cependant être rendu public.
Ce serait donc cela, l’enquête internationale exhaustive et indépendante » sur le vol MH17 diligentée par l’ONU ?
Et à qui exactement profitent ce droit de véto et cette absence totale de transparence ?
Enrico Santi
Source : Mondialisation.ca