Un petit recueil de trois textes érotiques, qui a la particularité d’être écrit par deux sœurs, dont la complicité semble transcendée par l’écriture. Le premier texte est écrit par Pauline, le second par Julie, et le troisième conjointement, l’une faisant écho à l’autre, de façon subtile.
Le premier texte, « la Danseuse », conte l’histoire d’un jeune puceau, François, invité par son oncle aux fins de le déniaiser, dans un bar sulfureux, en Inde. Le garçon a envie d’une rencontre et son oncle l’y pousse, mais il le fait avec maladresse et brutalité. Alors que le jeune homme dépité et las voulait s’enfuir, la lumière s’éteint et une jeune danseuse entame une parade lascive. François est subjugué mais tétanisé. Il ne peut se résoudre à tenter sa chance, devant le public, et devant son oncle, surtout. Il s’échappe, les pensées pleines de rêves érotiques, ruminant son désir en secret. L’auteure de ce texte a très bien décrit les émois et le trouble balbutiants du jeune garçon. L’écriture est belle, classique, faisant usage d’un style adroit. On pourrait déplorer toutefois l’usage du subjonctif du passé dans certains paragraphes et pas dans d’autres. La fin par contre est un peu brève. Le texte dans son ensemble se profile davantage comme le préambule d’une œuvre plus longue, plutôt qu’une nouvelle autonome. Certes, le lecteur pourra laisser courir son imagination et composer une suite, ce qui est l’avantage de ce genre de fin en points de suspension.
« Les pensées du jeune garçon naïf étaient tellement chaotiques qu’il ne leur cherchait même plus de sens : tout ce qui importait, c’était qu’elle ne s’arrêtât jamais de l’embrasser. Deux fois, trois fois, dix fois, elle le délaissa, lui arracha des gémissements dépités, avant de revenir à l’assaut de sa bouche avec toujours plus de ferveur. »
Le second texte, « l’odeur du chlore » est écrit sur un autre mode. Des phrases plus courtes, au présent, dans un style intimiste mais minimaliste. L’histoire d’une rencontre dans une piscine. Nous suivons le cheminement sensuel de deux jeunes gens, qui se cherchent et finissent, à force de se croiser régulièrement, par avoir une relation, dans les coulisses du bâtiment même. Ils connaitront un premier flirt sous la douche, puis s’isoleront dans une cabine. L’histoire est belle et elle coule, si je puis dire, de façon tout à fait naturelle, mais sans surprise aussi. On aurait aimé un écueil. Il y a bien le trouble de la rencontre, l’angoisse de savoir si l’être convoité sera de nouveau là, la semaine suivante. Mais l’auteure nous avait habitués à plus d’émois. De même pour la scène érotique, qui se passe dans une cabine, où les deux tourtereaux font des efforts pour passer inaperçu. Un peu plus de risque, de pathos, ou de fantaisie auraient été bienvenus. La seule frasque aura été ceci : « — Je n’ai pas de préservatif. On peut quand même…? Oui, oui, bien sûr qu’on peut, on doit, ce n’est pas prudent, tant pis, elle y pensera plus tard. » …
« Je vois arriver la fin du parcours avec un mélange déconcertant de soulagement et de désespoir. Chaque seconde de la descente a été pour moi un long combat intérieur, passé à contempler à chaque occasion la peau blanche de Camille et ses fesses moulées dans la combinaison, puis à me fustiger pour ce manque flagrant de professionnalisme. Je suis encore surpris d’avoir résisté à la tentation d’embrasser sa nuque juste avant le six mètres. Comme une litanie, je me répète : « Plus qu’un saut, plus qu’un saut ».
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L’amour nous rend liquides – Pauline et Julie Derussy, éditions Dominique Leroy (couverture de Pauline Derussy)
Date de parution : 18/01/2015